Darras tome 13 p. 311
III. Attila.
27. Au moment où l'orgueil d'Anatolius préparait de nouveaux troubles en Asie, l'Europe frémissante et éplorée voyait passer sur elle le « fléau de Dieu » et les hordes farouches d'Attila. Le roi des
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1 S. Léon. Magu., Epist. xcvni; Pair, lit., tom. L1V, col. 951-939 pass.
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Huns avait hésité longtemps, pour savoir s'il se dirigerait à l'est ou à l'ouest. L'attitude courageuse de Marcien n'aurait pas suffi seule à le détourner de l'Orient. Le caractère de provocation qu'elle affectait était plutôt de nature à irriter le barbare, en stimulant ses instincts de vengeance. Mais Attila ne se déterminait ni par un caprice de tempérament, ni par une impression éphémère; il joignait à la cruauté de sa race la profondeur de calculs et l'habileté consommée des plus fins politiques. Sous ce rapport, un seul de ses contemporains pouvait lui être comparé : c'était Genséric, le roi des Vandales. Depuis sa dernière expédition en Sicile, cet autre ravageur de nations s'était donné le titre de «monarque des terres et des mers. » Il avait achevé la conquête de l'Afrique, soumis la Gétulie et démantelé toutes les places fortes construites autrefois par les Romains. Il voulait ainsi enlever à ces derniers la possibilité d'organiser contre lui ni soulèvement à l'intérieur, ni attaque à l'extérieur. Les terres furent partagées en deux lots; les Vandales s'adjugèrent naturellement les plus fertiles; les anciens propriétaires eurent la faculté de garder les autres, mais à des conditions d'impôt et de fisc tellement onéreuses que leur mince revenu n'aurait pas suffi à en acquitter les charges. La cruauté pour Genséric était un moyen de règne. Il ne l'exerçait pas seulement sur les sujets que la victoire lui avait donnés. Son fils aîné venait d'épouser la fille de Théodoric, roi des Visigoths. La jeune princesse, à peine arrivée à Carthage, eut le malheur de déplaire à son farouche beau-père. Genséric lui fit couper le nez et la renvoya en Espagne; il se ménageait de la sorte un casus belli qui lui fournirait quelque jour l'occasion d'intervenir en Occident. Genséric et Attila étaient deux alliés naturels; ils unirent leurs intérêts. Pour occuper le roi des Visigoths dans son propre pays et lui ôter le moyen de préparer la vengeance qu'il voulait tirer de l'horrible traitement fait à sa fille, le roi Vandale engagea celui des Huns à se jeter sur les provinces septentrionales de l'empire d'Occident, et n'épargna point l'argent pour donner plus de poids à ses instances. De son côté, il promettait de faire une descente en Italie, afin d'occuper Rome et Ravenne pendant qu'Attila s'emparerait de la Gaule et anéantirait
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le royaume des Visigoths. Cette ligue de la barbarie contre la civilisation était formidable. Attila n'hésita plus. Depuis quinze ans, il gardait l'anneau de fiançailles que lui avait fait remettre la jeune et romanesque Honoria, sœur de Valentinien III. Dans l'intervalle, cette princesse avait été mariée à quelque patricien, dont l'histoire ne nous dit pas le nom. Attila, sans se préoccuper de ce détail, envoya réclamer la main de sa fiancée. Il avait résolu, dit-il, de l'épouser : il exigeait qu'on restituât en dot à la future reine des Huns sa part d'héritage paternel et maternel, c'est-à-dire la moitié de l'empire d'Occident. Valentinien III répondit que sa sœur étant mariée, et les lois romaines n'autorisant pas la polygamie, il était impossible qu'elle devînt l'épouse d'Attila. De plus, il ajoutait que chez les Romains l'empire appartenait exclusivement aux hommes : dès lors la princesse Honoria ne pouvait revendiquer aucun droit souverain en Occident. Attila feignit de ne rien comprendre à des raisons si claires et si précises. Il renvoya à Valentinien le fameux anneau de fiançailles, comme un gage de foi mentie, et donna l'ordre à ses guerriers de se mettre en marche.
28. Vers les premiers jours du mois de mars 451, l'immense multitude des Huns parut sur les bords du Rhin. Jamais, depuis Xerxès, l'Europe n'avait vu un tel rassemblement d'hommes armés. Les historiens en font varier le chiffre de cinq à sept cent mille. « L'Asie, dit M. A. Thierry, y figurait par ses plus hideux et plus féroces représentants : le Hun noir et l'Acatzire, munis de leurs longs carquois ; l'Alain avec son énorme lance et sa cuirasse en lames de corne, le Neure, le Bellonote ; le Gélon, peint et tatoué qui avait pour arme une faux, et pour parure une casaque de peau humaine. Des plaines Sarmatiques étaient venues sur leurs chariots les tribus Bastarnes, moitié slaves, moitié asiatiques, semblables aux Germains par l'armement, aux Scythes par les mœurs et polygames comme les Huns. La Germanie avait fourni ses nations les plus reculées vers l'ouest et le nord : le Ruge des bords de l'Oder et de la Vistule; le Scyre et le Turcilinge, voisins du Niémen et de la Düna, noms alors obscurs mais qui devaient bientôt cesser de l'être ; ils marchaient armés du bouclier rond et
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de la courte épée des Scandinaves. On voyait aussi l'Hérule, rapide à la course, invincible au combat, mais cruel et la terreur des autres Germains qui finirent par l'exterminer. Ni l'Ostrogoth, ni le Gépide ne manquaient à l'appel ; ils étaient là avec leur infanterie pesante, si redoutée des Romains. Le roi Ardaric commandait les Gépides ; trois frères du sang des Amales, Valamir, Théodemir et Videmir se montraient en tête des Ostrogoths. Les chefs de cette fourmilière de tribus, tremblant devant Attila, se tenaient à distance, comme ses appariteurs ou ses gardes, le regard fixé sur lui, attentifs au moindre signe de sa tête, au moindre mouvement de ses paupières1. » Chemin faisant, l'immense armée se recruta de la partie des Francs encore fixée sur les bords du Necker. Cette fraction de la race franque ne supportait qu'avec peine le joug de Mérovée, lequel, second fils de Chlodion, avait usurpé la couronne au détriment de son frère aîné Clodebald. Celui-ci s'était réfugié près d'Attila dont il suivait la fortune, en sorte que, dans la lutte formidable qui allait bientôt s'engager entre le roi des Huns et les derniers défenseurs de la civilisation romaine, les deux princes Francs et leurs soldats combattirent dans les camps rivaux.
29. La cité des Metensium (Metz) fut prise d'assaut, le 7 avril 451, veille de Pâque. Les habitants furent massacrés, les prêtres égorgés au pied des autels, et la ville incendiée. Trêves, Strasbourg, Tongres, Arras, Cambrai, eurent le même sort. En entrant dans les Gaules, ce déluge d'envahisseurs s'était répandu, comme une marée montante, sur une ligne qui s'étendait depuis l'Helvétie (Suisse) jusqu'au littoral de l'Océan. « Tout fuyait ou se disposait à fuir devant cette tempête de nations, que précédait l'incendie et que suivait la famine. Chacun se hâtait de mettre ses provisions, son or, ses meubles à l'abri ; les riverains de la mer et des fleuves mettaient à l'eau leurs navires, se tenant prêts à transporter leurs familles et leurs biens sur le point qui leur paraîtrait le moins menacé. De Metz, Attila s'était porté sur la capitale des Rémi
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1. M. Am. Thierry, Attila, tom. I, pag. 133, 134.
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(Reims). Il la trouva presque déserte, ses habitants s'étaient retirés dans les bois. Mais l'évêque Nicasius restait avec une poignée d'hommes courageux et fidèles, pour attendre ce qu'il plairait à Dieu. Quand il vit, après la rupture des portes, les Barbares se précipiter dans la ville, il s'avança vers eux sur le seuil de son église, entouré de prêtres, de diacres, et suivi d'une troupe de peuple qui cherchait protection près de lui. Revêtu des ornements épiscopaux, Nicasius chantait d'une voix forte le verset du psaume : Adhaesit pavimento anima mea; vivifica me, Domine, secundum verbum tuum1. Un violent coup d'épée trancha dans son gosier la sainte psalmodie : sa tête roula à terre avec son cadavre. L'évêque avait une sœur d'une grande beauté, nommée Eutropia. Pour se dérober aux brutalités des Barbares, elle frappa le meurtrier de son frère au visage, et se fit elle-même percer de coups. Ce ne fut que le prélude des massacres ; mais la basilique, sur le seuil de laquelle ils se pressaient, ayant retenti d'un bruit soudain et inconnu, les Huns effrayés s'enfuirent, laissant là leur butin, et quittèrent bientôt la ville. Le lendemain, les habitants reprirent possession de leurs maisons désolées et recueillirent les restes des martyrs. Ils élevèrent un monument à leur pasteur que l'Église honore aujourd'hui sous le nom de saint Nicaise 2. »
30. De Reims, la future métropole de saint Remi, Attila se rendit à Laudanum, patrie du grand apôtre des Francs. Cette ville, ainsi qu'Augusta Veromanduorura (Saint-Quentin), fut saccagée et pillée. «Or, dit l'auteur de la Vie de sainte Geneviève, les Parisii étaient glacés de terreur et d'épouvante. Ils commençaient à transporter dans des citadelles mieux fortifiées leurs trésors et leurs richesses de tout genre. La vierge Genovefa, réunissant les femmes de la ville dans le baptistère de l'église, les exhorta à fléchir la colère du ciel par des jeûnes, des prières et des veilles saintes. Elle leur rappelait l'exemple de Judith et d'Esther, qui autrefois sauvèrent le peuple d'Israël. Cependant elle disait aux hommes : Ne quittez point cette ville : laissez y tous vos meubles
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1. Psalm. cxvm, 25. — * M. Am. Thierry, Attila, tom. I, pag. 140, 141, 143.
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et tous vos trésors. Les cités où vous songez à chercher un refuge seront dévastées par les Huns. Tandis que celle-ci, grâce au Christ qui la protège, ne sera pas touchée. Les Huns n'y mettront pas le pied. — Cette prédiction, plusieurs fois répétée, exaspéra les habitants de Lutèce. La terreur que le nom d'Attila leur inspirait les rendait sourds à la voix de la pieuse vierge. C'est une fausse prophétesse ! disait-on. Elle veut nous faire égorger tous. Peut-être est-elle d'accord avec les Barbares ! — La fermentation des esprits alla croissant : la foule poussait des cris de vengeance. Les uns voulaient la lapider, d'autres la jeter à la Seine. En ce moment, Sedulius, l'archidiacre de Saint-Germain (obligé probablement de quitter Autissiodorum pour échapper lui-même à la fureur des Huns) entrait dans la cité des Parisii. Les groupes tumultueux qui s'agitaient comme pour une émeute, autour du baptistère où Genovefa s'était enfermée, lui eurent bientôt appris la cause de tout ce désordre. Qu'allez-vous faire? s'écria-t-il. La vierge dont vous demandez la mort n'est pas une fausse prophétesse, mais une sainte. Obéissez-lui. Le bienheureux Germain, avant d'expirer, m'a remis pour elle des eulogies, que je lui apporte en ce moment. » — Sedulius ajouta sans doute, ce qui était vrai, qu'Attila, loin de se diriger sur la cité des Parisii, venait d'incendier Autissiodorum et prenait sa route du côté des Aurelii (Orléans). « Les discours de l'archidiacre, reprend le chroniqueur, calmèrent les esprits. Bientôt les événements confirmèrent de tout point la prédiction de Genovefa. A dater de cette époque, les Parisii vénérèrent la pieuse vierge et placèrent son nom à côté de ceux des illustres pontifes qui furent les sauveurs de leur ville épiscopale 2. »
31. Genabum, la capitale des Aurelii (Orléans), avait alors une importance politique, civile et militaire, beaucoup plus considé-
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1 « Il y avait, à la pointe orientale de l'île de Lutèce, sur l'emplacement où s'élève aujourd'hui la basilique de Notre-Dame, uue église consacrée au protomartyr saint Etienne. C'est là que, retirée dans le baptistère avec les saintes femmes, Geneviève priait pour le salut d'un peuple égaré qui voulait la mettre à mort.
2. Bolland., Vit. S. Genovef., cap. xiv, xv, 3 jan.; cf. Saintyves, Vie de sainte Geneoiève, pièces justificatives, pag. L1I-LV.
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rable que Lutèce. « Assise sur une pente qui borde la rive droite de la Loire, son enceinte formée par un parallélogramme flanqué de tours plongeait du côté du midi dans les eaux du fleuve. Une grosse tour, placée à l'angle sud-ouest, servait de tête à un pont qui conduisait sur la rive gauche dans la direction des Bituriges (Bourges); d'autres ouvrages de grande dimension, dont quelques restes sont encore debout, défendaient la porte orientale, où convergeaient les routes de Nevers et de Sens 1. » Au point de vue stratégique, Orléans était comme le rempart central qui séparait la Gaule du midi de celle du nord. Le plan d'Attila, autant qu'on peut le juger rétrospectivement, semble avoir été de se porter le plus rapidement possible au midi de notre patrie, pour écraser les Visigoths avant l'arrivée des légions romaines qu'il savait encore en Italie, et que le patrice Aétius était allé chercher en hâte. Durant son absence forcée, Aétius avait confié la défense de la Loire au chef des Alains fédérés, nommé Sangibas. Mais celui-ci ne tarda point à trahir le serment de fidélité qu'il avait juré à l'empire. Intimidé par les menaces, ou séduit peut-être par les promesses d'Attila, il consentit à lui livrer Orléans. Ces intrigues ne demeurèrent pas tellement secrètes qu'elles ne fussent sinon pleinement connues, du moins soupçonnées par le saint évêque Anianus. Pour conjurer l'orage qui allait fondre sur sa ville épiscopale, il se rendit en Provence, afin d'informer de l'état des choses soit le préfet du prétoire Ferreolus, soit Aétius lui-même, si ce dernier était déjà de retour d'Italie. «En arrivant à Arles, le vénérable évêque aperçut autour du palais impérial un appareil de licteurs et de gardes qui lui révéla la présence du patrice généralissime. Quelques instants après, Aétius en personne venait à sa rencontre et ils purent conférer longuement de la situation des Gaules. Anianus insistait pour obtenir une prompte assistance. D'un ton prophétique, il dit au généralissime : « Mon fils, je vous prédis, de la part du Seigneur, que si le huitième jour avant les calendes de juillet (c'était le 23 du mois de juin), vous n'êtes pas venu à notre secours, la bête féroce aura dévoré mon troupeau. » — « J'y serai, » répondit Aétius, et sur cette assurance
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1 A. Thierry, Attila, tom. I, pag. 156.
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l'évêque reprit en hâte la route d'Orléans1.» Il eut a peine le temps d'y rentrer avant que les innombrables hordes d'Attila, couvrant toutes les plaines voisines, eussent enfermé la cité dans un cercle infranchissable. Le roi des Alains, sans être ostensiblement passé dans le camp des Barbares, ne leur opposait aucune résistance. Livrée à ses propres ressources, Orléans ne pouvait compter que sur le courage de ses citoyens : mais son évêque valait à lui seul une armée.
32, Aétius était retenu dans le midi par les hésitations de Théodoric, roi dos Visigoths. Ce prince, informé de l'alliance conclue entre Genséric et Attila, redoutait de voir les Huns se jeter sur son royaume ; il entendait rester pour le défendre, avec sa propre armée et les auxiliaires qu'il avait appelés à son secours de tous les points de l'Espagne. Vainement Aétius lui disait : « Si les Romains sont vaincus, Attila fondra sur vous, plus fort d'une première victoire. Si, au contraire, les Romains sont vainqueurs avec l'aide des autres fédérés, l'abstention des Visigoths sera punie comme une lâche trahison. » Ce dilemne si pressant ne triomphait pas de l'obstination de Théodoric. Enfin, un sénateur arverne, Avitus, beau-père de Sidoine Apollinaire, réussit par sa douce et persuasive éloquence à entraîner le roi Théodoric. Ce prince et ses deux fils aînés, l'un portant le même nom que son père, l'autre appelé Thorismond, se mirent à la tête de leurs troupes et vinrent rejoindre Aétius. Ce fut un beau jour que celui où, selon l'expression du poète Sidoine Apollinaire, gendre d'Avitus, « les bataillons couverts de peaux se placèrent à la suite des clairons romains 1. » Cependant les jours s'étaient écoulés durant ces négociations. Attila pressait le siège d'Orléans. Peu exercés au maniement des machines de guerre, les Huns se servaient supérieurement de l'arc. Leur tir était si juste, que nul ne pouvait se montrer sur les créneaux sans être atteint. Les assauts donnés chaque jour au pied des murailles forçaient les défenseurs à se montrer au-dessus des remparts. Les tireurs d'Attila les ajustaient alors, et bientôt les assiégés virent disparaître l'élite de leurs soldats. Anianus, pour
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1 A. Thierry, Attila, tom. I, pag. 1S9.
2.lbant pellitœ post classica Romula turmœ.
(Sidon. Apoll., Faneg, Avit., v. 349.)
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relever les courages, fit faire une procession solennelle, où l'on porta les reliques de son église. Mais l'ardeur des habitants déclinait rapidement, avec leurs ressources et leurs forces. Ils en vinrent à accuser leur évêque de les avoir trompés, en leur promettant un secours imaginaire. «Ne désespérez pas de Dieu, répondait Anianus. Il ne faut qu'un moment au Seigneur pour disperser des bataillons! Invoquez sa miséricorde, et soyez sûrs qu'elle ne vous fera pas défaut. J'en ai la promesse formelle. » Le saint évêque donnait lui-même l'exemple de la prière. Il baignait de larmes les marches de l'autel, n'interrompant ses supplications que pour demander si l'on n'apercevait pas dans la plaine les cavaliers romains. Il fit partir un soldat, chargé de ce message pour Aétius : «Si vous n'arrivez pas aujourd'hui, demain il sera trop tard. » Aétius ne paraissait point, mais un orage qui éclata subitement et sembla ouvrir toutes les cataractes du ciel sur la ville et sur le camp ennemi, suspendit les opérations du siège pendant trois jours. Anianus se rendit sous la tente d'Attila, pour essayer de fléchir sa colère et le prier d'épargner Orléans. Le roi des Huns refusa de l'entendre. L'évêque rentra consterné, dans sa malheureuse ville. Le lendemain était précisément le 23 juin, terme fixé d'avance au généralissime Aétius. Dès le point du jour, l'attaque recommença avec une nouvelle fureur. Des cris désespérés retentirent soudain ; les portes longtemps ébranlées venaient de céder aux efforts de l'ennemi. La population épouvantée se pressait dans la basilique autour du saint évêque. « Montez sur la plus haute tour, dit-il à un soldat, et regardez si la miséricorde divine ne nous envoie pas de défenseurs. » On revint lui dire que personne ne paraissait. « Priez encore, ne cessez de prier, reprit-il. Je vous assure qu'en cette présente journée le secours de Dieu nous arrivera. » — Un second messager revint de la tour, sans avoir encore rien aperçu. Inébranlable dans sa foi à la promesse divine qu'il avait reçue dans une vision, le saint évêque renvoya une troisième fois la vigie, et reprit sa prière. Quelques instants après, on annonça qu'un nuage de poussière s'élevait à l'horizon. — «C'est le secours du Seigneur ! » s'écria le saint évêque.
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— En effet, c'était Aétius, accourant à toute bride avec ses meilleurs cavaliers. Il fut bientôt suivi du roi des Visigoths et de ses deux fils. Les Romains se précipitèrent sur les Huns, pressés en foule à la brèche faite aux portes, et par laquelle un grand nombre de barbares s'étaient déjà introduits dans la ville. La soudaineté de l'attaque, la vigueur des troupes romaines eurent bientôt changé en une victoire pour Aétius le triomphe que le roi des Huns s'était promis en cette journée. La miséricorde divine et l'intercession d'Anianus avaient sauvé Orléans 1. Saint Aignan ne survécut que deux années à la délivrance de sa ville épiscopale ; il mourut le 17 novembre 453 2.