LA VIERGE IMAMCULÉE
§ III. La Vierge Immaculée.
8.L'humanité répétera, jusqu'à la fin des siècles,l’Ave de Gabriel, et, à mesure qu'elle le méditera davantage, elle y trouvera un charme toujours nouveau. Comment donc des chrétiens, habitués, d'ailleurs, à nommer l'Évangile la Parole Infaillible de Dieu, peuvent-ils se refuser le bonheur de redire, en l'honneur de Marie, la salutation qui lui fut adressée, il y a dix-huit cents ans, par l'envoyé céleste? Le protestantisme nous traite ici d'idolâtres; mais l’Eglise catholique n'adore pas Marie; elle l'invoque, comme la Mère de Dieu; elle l'honore, comme la créature pleine de grâces, bénie entre toutes les femmes, de laquelle est né le Fils du Très-Haut. Si c'est là une idolâtrie, nous la tenons de l'ange Gabriel lui-même, et nous la lisons à la première page de l'Évangile. Il y a, dans le parti pris du silence protestant, à l'égard de la Vierge de Nazareth, un caractère étroit et ombrageux, qui étonne la foi et déconcerte la raison. On ne saurait nier que, dans l’immense transformation sociale, opérée directement par la lumière évangélique, le fait de la réhabilitation de la femme ne soit un des plus saillants et des plus considérables. A moins de supprimer l'histoire, il est impossible de le méconnaître. Or, ce grand fait devient inintelligible, sans l'action et l'influence du culte de Marie. Tout se tient, par des nœuds indissolubles, dans la chaîne des événements qui constituent l'histoire humaine. L'abaissement de la femme, parmi les sociétés antiques, et chez toutes les nations actuellement étrangères à la révélation du Verbe incarné, n’est point un phénomène insignifiant, arbitraire ou irréfléchi. C'est un fait constant, uniforme, positivement réglé par les légistes, et dont la raison d'être, gravée profondément dans la conscience du genre humain, remonte à une condamnation divine. En dehors de la sentence portée contre la femme coupable, au seuil de l'Éden, il n’y a pas d'explication possible, pour ce fait étrange. Le sensualisme du monde païen, loin de reagir en faveur
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de la femme, a aggravé son opprobre. Trouvez une raison philosophique de cette infériorité persistante, pendant les quatre mille ans qui précèdent Marie. Expliquez pourquoi le polythéisme adorait Vénus dans les temples, et tenait la femme, l'épouse, la sœur, la mère de famille, chose plus vile que l'esclave. Et pourtant le monde attendait une Vierge, qui ouvrirait à la terre les portes fermées du ciel. Parallèlement à ce système d'abaissement inexorable, poursuivi sans relâche, pendant quarante siècles, par la moitié du genre humain contre l'autre; à côté des sanctuaires impurs, où la dépravation de l'homme s'adorait réellement elle-même, et prétendait élever jusqu'au ciel la honte de la femme; en sens inverse de ce courant de brutalité sans frein et d'ignominieuses apothéoses, se développa, chez tous les peuples, et se maintint, dans toute la suite des âges, une tradition de salut par la femme. Le peuple romain attendait la Vierge, qui rapporterait les clefs de l'âge d'or. Les théophanies indiennes offrent la même espérance. Les livres sacrés des Brahmes déclarent que, lorsqu'un Dieu daigne visiter le monde, il s'incarne mystérieusement dans le sein d'une vierge. La Chine a sa fleur de virginité: Lien-Ouha, semblable au Lotus égyptien, qui, sous le souffle de Dieu, rend Isis féconde. Les Druides attendent la Vierge-Mère. Tous ces traits épars d'une croyance primitive, qui remonte à l'Eden, se concentrent dans la révélation juive, autour du Lys d'Israël, du Rejeton de Jessé, qui produira la fleur céleste. Une femme «doit écraser la tête du serpent. Une Vierge concevra et enfantera un Fils, qui sera Dieu avec nous.»
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1. Suppîém. aux Œuvres
de sir William Jones, in-4o, tom. II, pag. 548. — ' Un jour, la déesse Sching-Mou,
cette mère sainte, mangea la fleur de la plante Lien-Houa, au bord d'une fontaine, et,
dans sa virginité , donna le jour à un fils divin. (Barrow, Iravel in
China, pag. 473.) —^ Tuvaixl eux àôûvaTov 7rveù(*a TcXiiaiàffai Oeoû, xaî Ttva;
èvtexeïv àpxà;
vevéffew;. (Plutarch., De Isid. et Osiride, Mg. 62, édit. Paris, in-folio, 1624.)
2.Hinc Druidœ
statuam in intimis penetralibus erexerunt, Isidi seu Virgini hane dedicantes, exqud
filiusille proditurus era/. (Elias Schedius, De Dits germanis, cap. xm, pag. 346.) Cette
phrase, écrite il y a deux cents ans, par un savant de la Germanie, a rencontré une
merveilleuse confirmation
dans la fameuse inscription, trouvée, en 1833, sur l'emplacement d'un temple
païen, à Châlona-sur-Marne
Virgini Pariturœ Druide». (Voir Ann. dephil. chrét.,tom.Vil,p.328.)
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9. De quel droit, maintenant, ose-t-on renverser l'histoire du monde antique, fouler aux pieds l'évidence des faits contemporains, et nier la conformité des traditions universelles avec l'enseignement évangélique, au sujet de l'influence d'une Vierge-Mère? Il n'y a ici de nouveau, d'insolite et de véritablement inadmissible, que la prétention de bouleverser tout le passé, de rendre le présent une énigme inexplicable, et de substituer un non-sens à la claire et radieuse manifestation des siècles. La Vierge-Mère a été honorée d'un culte d'espérance, pendant les quatre mille ans qui précèdent sa venue, et vous voulez que la Vierge de Nazareth, dont le nom est Marie, dont le fils, Jésus-Christ, le Verbe incarné, a racheté le monde, demeure oubliée, sans honneur et sans culte, par les générations qui lui doivent leur salut! Cela n'est point; cela ne peut pas être. Elle-même, l'humble servante du Seigneur, a déclaré, nous le verrons bientôt, que toutes les nations la proclameraient bienheureuse. Que nos frères égarés, dans les régions glacées du protestantisme, veuillent bien s’interroger eux-mêmes, en dehors de tout esprit de parti, de toute idée préconçue. Qu'ils se demandent ce qui se fait parmi eux, pour relever la gloire de la Vierge bénie. Où sont les témoignages de vénération, de respect, de reconnaissance et d'amour, dont ils environnent sa mémoire? Si l'univers entier ignorait le nom de Marie, est-ce le protestantisme qui dissiperait cet oubli, glorifierait ce nom, et le placerait sur toutes les lèvres, comme le synonyme du bonheur? Cependant le: Beatam me dicent omnes generationes est bien réellement une des paroles évangéliques, que le protestantisme lit, avec nous, dans le texte sacré. Pourquoi cette parole reste-t-elle inféconde, et sans application active, au sein de la prétendue Réforme?
10. La vérité n'a point de ces contradictions, de ces incohérences, de ces antipathies systématiques. L'Église catholique, ici comme toujours, garde inviolablement le dépôt de la Parole divine, et lui maintient une immortelle fécondité. La Vierge Immaculée a des autels sur tous les points du monde; il n'est pas un point de l'espace et du temps où ne se vérifie, au pied de la lettre, l'oracle virginal: Beatam me dicent omnes generationes. En dehors du récit Évangé-
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lique, déjà si explicite à l'égard des magnificences de Marie, l'Église a conservé des détails traditionnels sur son histoire. Et comment pouvait-il en être autrement? Les apôtres avaient personnellement connu Marie: quelques-uns étaient ses parents; tous étaient ses compatriotes. Au Cénacle, quand l'Esprit-Saint se communiqua, sous la forme de langues de feu, Marie était avec les douze, persévérant comme eux dans la prière et la fraction du pain. Jean, le disciple bien aimé, avait reçu, au pied de la croix, le legs divin de Jésus-Christ, qui lui confiait sa mère. Ce sont là des faits constants et authentiques, puisqu'ils sont consignés dans l'Évangile. Or, peut-on imaginer que les parents de Marie, les apôtres, qui souffrirent tous la persécution ou la mort pour le nom de Jésus, aient ignoré l'origine et l'histoire de sa mère? Les courtisans d'Alexandre auront su l'histoire d'Olympias; et les apôtres de Jésus-Christ n'auront pas daigné apprendre celle de Marie! Ils auront vécu avec elle, et comme sous sa maternelle direction, après l'Ascension glorieuse de leur maître, sans recueillir aucun récit de ses lèvres, sans l'interroger, sur un passé qui leur était plus cher que leur propre vie! Le seul énoncé d'une pareille proposition en démontre invinciblement la fausseté. L'Église catholique, héritière des apôtres, a donc reçu d'eux un ensemble de traditions, concernant la Vierge Immaculée.
11. Le nom seul de tradition effarouche le protestantisme; nous ne l'ignorons pas. Cependant, on verra plus tard que l'Église a été fondée, non pas sur une parole écrite, mais sur une doctrine, transmise par la prédication orale; en sorte que les Chrétiens ne sont pas, comme les Juifs, les enfants d'un livre, mais les enfants d'une parole; les fils du Verbe toujours vivant. Cette distinction capitale, que saint Paul formulait avec tant de précision, inspira plus tard à saint Augustin le mot fameux: «Je ne croirais pas à l'Évangile, si l'autorité de l’Église ne déterminait ma foi.» Pour le moment, il nous suffira d'avoir posé le principe: ses développements et ses preuves se trouveront ailleurs sous notre plume. L'Église catholique sait le nom des parents de la Vierge de Nazareth. Marie eut pour père Joachim, de l'ancienne race des rois de Juda. Anne, sa
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1. Joachim est exactement le même nom que celui d’Héli ou Héliacim, men-
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mère, descendait d'Aaron; et, par ce côté,la Sainte Vierge était parente d'Elisabeth. L'antiquité chrétienne a retenu ces noms, inscrits, non par d'obscurs légendaires, ou par des écrivains apocryphes, mais par la plume des Docteurs et des Pères de l'Église. Saint Épiphane (31O-403), dans son immortel ouvage: Adversus hœreses, s'exprime ainsi: «Marie eut Anne pour mère, Joachim pour père. Elle était parente d'Elisabeth, et descendait de la famille et de la maison de David 1.» Voilà, dans ces paroles de l'illustre évêque de Salamine, la tradition du monde catholique, telle que nous l'ont transmise les apôtres. Nous redisons aujourd'hui ce qu'écrivait saint Epiphane, en l'an 330, Nous savons, de la famille de Marie, ce qu'il en savait lui-même; et nous le croyons, comme lui 2.
12. A l'époque où les pieux parents de Marie vivaient à Nazareth Hérode poursuivait la construction des somptueux édifices qu'il voulait ajouter au Temple de Jérusalem. Qui lui eût dit, alors, que, dans une humble cité de son royaume, le Seigneur se préparait un temple plus auguste que celui de Zorobabel; plus pur que le Ta-
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tionné dans la généalogie de S. Luc (cap. III, 23). Comme cette transformation, exclusivement propre au génie bébraïque, est fort étrangère à nos usages et à notre langue, on nous pardonnera d'entrer ici dans quelques détails. L'Ancien Testament nous présente deux exemples caractéristiques de l'identité des deux noms : Joakim, fils de Josias, est appelé Eliakim au IVe livre des Rois (cap. xxiii, 34) et au IIe Livre des Paralipomènes (cap. xsxvi, 4. Voir tom. III de cette Histoire, pag. 194-238). Le Grand-Prêtre qui gouverna la Judée, pendand la captivité de Manassès, est appelé Eliakim, au IV chapitre de Judith (vers. 5, 7, 11) et Joakim, au XV» (vers. 9. Voir tom. lll de cette His- toire, pag. 124). Voici le motif de la substitution de forme, dans ce nom. Le mot Joakim se prononçait en hébreu Jehovakim; or, Jéhorab est le nom trois fois saint, le tétragrammaton redoutable du nom divin. Les Juifs ne l'articulent jamais, à la lecture. On lui substitue le nom d'Adonat, on son équivalent: El Cette dernière forme avait prévalu, comme synonyme, dans le mot Eliakim. On comprend donc facilement pourquoi le nom de Joakim s'est maintenu dans la tradition des Chrétiens, qui ne craignaient nullement de prononcer le tétragrammaton sacré; tandis que la variante d'Eliakim a seule trouvé place dans les écritures judaïques.
1. Épiphan,, Advers. Hœres., lib. III, hœres. LXXViii. "Ex fiYiTpàç 'Awr,ç xal t» nttzçhc, Iwaxjfji- <T\jrf^évt<Taat.M 8è Tîjç 'E).i(7â6eT, éÇ otxou x«î itatpïa; toù &y.ôio. {PatraH-. grœc, tom. XLIl, col. 727.)
2. L'Eglise célèbre la fête de S. Joachim le 20 mars, et celle de Str Anne le 16 juillet. (WVoir Bolland.. tom. m, Ikînrt., et lom. VI, Julii.)
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bernacle d'Aaron; plus saint que l'Arche de Moïse! Ce qu'Hérode ne sut jamais, l'univers entier le contemple aujourd'hui. La Conception Immaculée de Marie, attestée par tous les âges, saluée par tous les Docteurs et les Pères, a été proclamée, de nos jours, du haut de la chaire auguste, où le Verbe, toujours vivant, ne cesse, par la bouche du Successeur de Pierre, d'enseigner son Église. Écoutons cette parole sacrée, qui a fait tressaillir le monde d'une allégresse inconnue, et qui descendit sur nos âmes, comme l'écho prolongé de la salutation angélique de Nazareth: «Le Dieu ineffable, dont les voies sont miséricorde et vérité; dont la volonté est toute puissance; dont la sagesse atteint, d'une extrémité à l'autre, avec force, et dispose tout avec suavité, avait prévu, de toute éternité, la ruine lamentable du genre humain, conséquence de la transgression d'Adam. Par un mystère, caché dans les profondeurs des siècles, il avait décrété de consommer l'Incarnation du Verbe, l’œuvre première de sa bonté, d'une manière plus merveilleuse encore. Il choisit et prépara, dès le commencement, avant les siècles, une Mère, dont son Fils unique devait naître, dans l'heureuse plénitude des temps; il l'aima par-dessus toutes les créatures, au point de mettre uniquement en elle toutes ses complaisances 1. Elle réunit une plénitude de sainteté et d'innocence, telle, qu'après Dieu, on ne peut en imaginer une plus grande: excepté Dieu, nul ne peut en mesurer la grandeur. De
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1. Ineffabilis Deus, ciijus vice misericordia et vsritas, cujus volunia^ omnipotentia et cujus saplentia altmçjit a fine usquc ad finem foiiitcr el dùponit omnia suaviter, cum ab omni œternitate prœviderit iuctuosissimam totius humani generis ruinam ex Adami iransgressione derivandam, atque in mysterio a sœculis ab^condito primum suce bonitntis opus decreverit per Verbi incarnationem sacramento occultiore com' p'ere, ut, conira misericors suum propositum, homo, diabolicœ iniquitatis versutia actus in culpam, non periret; et quod in primo Adamo casurum erat, in secundo felicius erigeretur, ab iniiio et ante sœcula unigenito Filio sua Matrem ex quà caro factus in beata temporum plenitudine nasceretur, elegit atque ordinavit, tantoque prce creaturis universis est prosequutus amore , ut in illâ unâ sibi propensissimd voluntate complacuerit (Bulle de S. S. Pie IX, pour la Proclamation du Dogme de l'Immaculée Couceptiou, le 8 décembre 1854).
2. Vt tota pu/chra et pcrfeda eam innocentiœ et sanditatis plemiiulineiH prœ se ferret, quà major sub Deo nullatenus inteliigitur, et quam proeter Deum nemo tkiitequi cogiiundo polest (ibid.J,
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même que le Christ, Médiateur entre Dieu et les hommes, revêtant la nature humaine, a détruit la charte de notre condamnation, et l'a attachée vainqueur à sa croix; ainsi, la très-sainte Vierge, unie à Jésus-Christ par le lien le plus étroit et le plus indissolubie, entrant avec lui et par lui dans l'éternel combat contre l'antique Serpent, a triomphé, sans réserve, écrasant, de son pied sans tache, la tête de l'ennemi. Magnifique et singulier triomphe de la Vierge; innocence incomparable, pureté, sainteté, intégrité sans souillure, effusion ineffable de grâces, de vertus et de priviléges divins, que les Pères ont proclamées! Ils en ont vu la figure dans l'Arche de Noé, que la main de Dieu fit surnager au naufrage du genre humain. Elle était pour eux l'Échelle de Jacob, qui reliait la terre au ciel, dont les Anges de Dieu montaient et descendaient les degrés, et au sommet de laquelle Jéhovah se reposait. Elle était le Buisson ardent, que Moïse vit entouré de flammes, sans que le feu atteignit son feuillage verdoyant; la Tour inexpugnable, où sont suspendus les mille boucliers, armure des forts, et terreur de l’ennemi; le Jardin fermé, dont nul ne souillera l'entrée, à la porte duquel la fraude et l'embûche sont impuissantes; la Cité de Dieu, étincelante de splendeurs, dont les fondements sont assis sur les montagnes saintes; le Temple auguste de Jérusalem, resplendissant des clartés divines, et rempli de la gloire de Jéhovah 2. En méditant les paroles
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1. Quucirca sicut Christus Dei hominnmque mediator humunâ assumptâ naturà delens quud adversus noserat chirographum decreti, illudcruci iriumphator affixit, sic sanctissima Virgo arctissimo et indisi,olubili vincu/o cum Eo conjuncta, una cum Jllo, et per Illum sempiiernai contra venenosum serpeniem inimicitias exerçons, <u de ipso plenissime triumphans illius capuf immurulato pede conirivit (Ibid.).
2. Hune eximium, singularemque Vùginis triumphum, excellentissimamque inno- centiam, puritatem, sanctitatem , ejusque ab omni peccuti lahe integritatem, alque ineffabilem cœlestium omnium g'-atiarutn, virtutum , ne pnvdegiorum copiani, et magnitudinem iidem Patres viderunt lum in arca illâ Nue, qna divinitus tonslituta 1 communi totius mundi naufragio plane salca et incolumts evasit ; tum in scnla 'lia, quam de terra ad ccelum usque pertingere vidit Ja'Oh, cujus gradibus Augeli Dei ascendebant et descendebant, cujusque vertici ipse mmtebcitur Dominus ; tum in rubo dlo, quem in loco sancto Moyses undique nraere, ac inter crépitantes ignis flummas non jam comburi, aut jacturam vel miui/nam pati, sed pulclire virescere Me fiorescere conspexit; tum in illâ inexpugnabUi lurn a facie inimici, ex qua
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de Gabriel et le message par lequel l'Ange annonce à la Vierge la sublime dignité de Mère de Dieu, ils ont proclamé que cette salutation, inouie, solennelle et sans précédents, reconnaissait la Vierge Mère comme le siège de toutes les grâces divines, orné de tous les dons de l'Esprit-Saint; le trésor, en quelque sorte, infini, et comme l'abime inépuisable des grâces célestes. En sorte que, soustraite à la malédiction, et partageant avec son Fils les bénédictions éternelles, elle put recevoir, de la bouche inspirée d'Elisabeth, cette autre salutation: Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni 1. Voilà pourquoi, revendiquant pour Marie l'innocence et la justice originelles, ils l'ont comparée à Eve, alors que, vierge innocente et pure, Eve n'avait pas encore succombé aux embûches mortelles du serpent trompeur. Ils l'ont même, par une admirable antithèse, exaltée au dessus de ce type primitif. C'est qu'en réalité, Eve prêta misérablement l'oreille au serpent; elle perdit l'innocence originelle, et devint l'esclave du tentateur. Au contraire, la bienheureuse Vierge, augmentant sans mesure le don originel, loin d'ouvrir l'oreille aux séductions du serpent, en détruisit, par la vertu de Dieu, l'énergie et la puissance. Tel est le sens des noms qu'ils donnent
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mille clypei pendent, omnisque armalura forlium ; ium in illo horto conduso, qui nescit violari, ncque corrumpi uilis insidiarum fraudibus; ium in corusca illa Dei civitùie, cujus fundamenia in montihus xnnctis; tum in augustissimo illo Dei Tem- plo, quod divinis refulgens splendoi'ihus, plénum est gloria Domini (!bid.),
1. Cum vcro ipsi Patres, Ecclesiœque Scriptores unimo menieque reputarent, bea- tissimam Virginem ab Anijclo Gabriel sublimissimam Dei Matrts dignitatem ei uun- tiante, ipsius Dei nomine et j'ussu gratia plenam fuisse nuncupaiam, docuerunt Me singuiari solemnique salutatione nunquam alias audita ostendi, Deiparani fuisse omnium divinarum gratiarum seder.i. omnibasque Divini Spiritus charismutibus exornatam, immo eorumde'n charismatum infinilum prope thesaurum, ahyssumque inexhaustum, adeo ut nunquam maledicto obnoxia, et unâ cum Fillo perjtetuœ benedictionis particeps ab Elizabeth divino acia Spiritu audire meruerii ; Bene- dicta tu inter mulieres, et benedictus fruclus ventris tui (Ibid.).
2. Atque idcirco ad originalem Dei Genitricis innocentiam justitiamque vindicandam, non Bam modo cum Heva adhuc virgi7ie, adhuc innocente, adhuc incor- ruptd, et nondiun mortiferis fraudulentissinii serpentis insidiis deceptâ sœpis- sime contulerunt , verum etiam , mira quddain oerborum sententiarumque varie- tate^ protulerunt. Heva enim serpenti misère obsequuta et ab originali excidit tmoctntia, et illius mancipium evatit, sed baatissima Virgo originale donum
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à Marie. Ils l'appellent: le Lys entre les épines; la Terre vierge, intacte, sans souillure, toujours bénie, toujours franche de la contagion du péché, de laquelle fut formé l'Adam nouveau; le Paradis de délices, planté par Dieu même, à l’abri des embûches du serpent, toujours immaculé, inondé de lumière, riant séjour d'innocence et d'immortalité; l’Arbre incorruptible, que le ver du péché n'altéra jamais; la Fontaine toujours limpide, que la vertu de l'Esprit-Saint a scellée; le Temple vraiment divin; la Fille de la vie, l'unique et seule qui ne fut point fille de la mort; le Germe de grâce, non de colère, épanoui, par une merveille de singulière providence, sur une tige corrompue et flétrie, et en dehors de la loi commune, faisant éclore sa divine fleur. Ils ont dit, en parlant de la Conception de la Vierge, que la nature s'était arrêtée, tremblante, devant ce chef-d’œuvre de la grâce 2. D'après leur témoignage, Marie n'eut de commun avec Adam que la nature, et non la faute. Il convenait que le Fils unique, dont le Père est salué aux cieux par le trisagion des Séraphins, eût ici-bas une mère, dont la sainteté n'eût jamais éprouvé d'éclipse. Donc, par l'autorité de Notre Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul, et par Notre propre autorité, nous déclarons prononçons et définissons, comme révélée de Dieu, la doctrine qui enseigne que la très-bienheureuse Vierge Marie, dès le premier instant de sa
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jugiter augens, quin serpenH aures unquatn prœbitHrit^ ilhits vim notestictemque virtute diviniti's accepta fanditus lahefactavit (liiiii.).
1. Quftpropter nunqunm cessarunt Deiparniù nniitillnre liet lilhim inter spiruu^ vel terram omnino intactam, virgineam, itlibaiuiu , inim'aentlcUHm, seniper ùeftC' dictam, et ab omni peccati contagione liberam^ex quâ-noviis fovmdlus est Adam, vel irreprehensibilem , lucidissimwn . amœnissimumque innocentiœ, immorialita~ tis ac deliciarnm paradisum a Deo ipso consitum et nh omnibus venenosi serpen- tis insidiis defensum , vel Mgnuni immarcescibile, qvnd peccati vermis nunquam corruperit, vel fontevi semper illimem , et Spiritus sancti viriule signutum , vel divinissimum femplum, vel immorialitatis ihesaurum , vel unnm et solam non mortis sed vitœ fî/iam non irœ sed gratiœ germen quod semper virent ex cor. rupta, irifectaque radiée, singulari Dei providentiâ prœter stalas communesque leges effloruerit (Tbid.). — * Loguentes teslati sunt naiuram gratiœ cessitse ac stelisse tremulam, pergere non sustinentem (Ibid.)- — ^ Ndtura communicavit non culpa; immo prorsus decebat, ut sicut Vnigenitus in cœlis Patrem habuit quem Seraphim ter sancfum extollunt, ita matrem haberet in terris, quce nitore scme» titatit nunquam caruerit (Ibid.).
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Conception, fut, par une grâce et un privilège singuliers du Tout-Puissant, et en vue des mérites de Jésus-Christ, sauveur du genre humain, entièrement préservée de la tache du péché originel. Telle est la doctrine que tous les fidèles doivent embrasser, d'une foi ferme et constante 1.»
13. Voilà cette parole auguste de Pie IX, qui résume l’enseignement des Pères, la croyance de l'Orient et de l'Occident, la tradition de tous les âges; en les élevant à la majesté d'un dogme défini et à jamais inébranlable. C'est le commentaire apostolique de l'Ave de Gabriel. La doctrine était tout entière dans la salutation de l'Ange: «Je vous salue, Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes.» L'Incarnation du Verbe a fait refluer, dans leur lit, les eaux du fleuve de la corruption originelle. Le sang divin, qui a sauvé le monde, a rejailli, par anticipation, jusqu'à sa source; ainsi la première création du Verbe incarné fut réellement l'intégrité originelle de sa future mère. Au mois de Tisri (8 septembre 730 ou 732 av. l'E. C), naquit à Nazareth la Vierge Immaculée. Anne et Joachim lui donnèrent le nom de Marie (Mirjam), reine ou étoile de la mer. Dans le Testament Ancien, ce nom apparaît une fois, porté par la sœur de Moïse, au pied du Sinaï, à côté de l'Arche sainte. Dans le Testament Nouveau, le nom de Marie rappelle le Sinaï virginal, qui fut le trône d'un Dieu enfant; l’Arche du salut universel, où Dieu et l'homme se sont réconciliés. Le nom de Marie, associé au nom de Jésus, partage avec lui la royauté du ciel et de la terre.
14. Ce fut à l'ombre du sanctuaire, parmi l'essaim des jeunes vierges, confiées à la direction de la tribu sacerdotale, que s'écoula l'enfance de Marie 2. La tradition, formelle sur ce fait historique,
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1. Quare auctoritate Domini nostri Jesu Christi, beatorum Âpostoloru.n Pétri et Pauli, ac Nostrd, declaramus, pronuntinmus et definimus, doctrinam quœ tenel beaiissimam Virginem Mariam in primo inslanti suce Concepfionis fuisse singti' lari omnipotentis Dei gratiâ et privilégia, iniuitu meritorum Christi Jesu salva toris humani generis ab omni 0)-igi/iulis culpœ iube prœservatam immunem, esm a Deo revelatam , atque idcirco ab omnibus fidelibus firmiter constanterque cri:- dendam (Ibid.).
2. TEv xoJ; ÔLtioii àvax^ÉçEiv tm îtàiôa. (Gregor. Nyss., Orat. de Nativ. Christi,
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était tellement établie en Orient, dès le V1e siècle que Mahomet lui-même crut devoir l'enregistrer: «Parle de Mirjam, dit le Coran. Raconte de quelle manière elle quitta ses parents, comment elle alla vers l'orient du Temple, et se couvrit le visage d'un voile, qui la déroba à leurs regards 1.» Étonnante conformité de témoignages! L'auréole, dont la foi catholique entoure la figure céleste de Marie perce les nuages du mahométisme, et son rayon se prolonge à travers les âges. La Présentation de la Vierge Immaculée au Temple de Jérusalem est un événement qui fait époque, dans les annales du genre humain. Marie fut dès lors élevée, disent unanimement les Docteurs et les Pères, par les soins du prêtre Zacharie, son parent. Le Sanctuaire de Jéhovah avait, dès l'époque de Moïse 2, et dans toute la suite de l'histoire juive 3, été entouré de pieuses femmes et de jeunes vierges. Le Temple de Zorobabel, après la restauration d'Hérode, avait un quartier spécialement affecté à l'usage des femmes, isolé par des clôtures, avec deux portes, l'une ouvrant sur la ville, l'autre sur le Temple 4. Dans cet asile de prière, de recueillement et de saints labeurs, s'écoulèrent, sous le regard des Anges, les premières années de l'humble Marie. A l'époque de la majorité des femme juives, vers quatorze ans, Zacharie remit la jeune Vierge aux mains de ses parents, à Nazareth, pour qu'elle y fût mariée, d'après la loi des Hébreux. La postérité temporelle était l'honneur des femmes en Israël; toutes les bénédictions de l'Ancienne Alliance s'y rattachaient; l'avenir du monde tenait à la perpétuité de la race d'Abraham, qui devait donner à la terre le germe béni, en qui seraient sauvées les nations. Marie, issue de la famille royale de David, devait, aux termes de la loi Mosaïque, épouser son plus proche parent. Or, le Booz de la nouvelle Ruth était un saint vieillard, nommé Joseph, fils de Jacob et frère de Cléophas. Il descendait de David, par la lignée de Salomon:
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Patrol. grœc, tom. XLVI, col. 1139.) Kal àut^v TpieTÎÇouaav ii? xàv tpCrov xatairé- Ta<7(ia w; Swpov â[AU[x,ov 7tpo(7ÇEpo[X£V7]v. (Germaû. Coastantinop., De Prœsentat. llariœ, Patrol. grœc, tom. XCVIII, col. 296.) Cf. Joann. Damascen., Homil. I m Dormitionsm B. V. Marice. Patrol. grœc, tom. XCVI, col. 707.
1. Koran, ch. xix, vers. 16. — ^ Exod., xxxviii, 8. — » Judic, 11,39; I Reg., U, 22. — * Joseph., De Bell, jud., lib. V, cap. xiv et xvi.
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p270 HISTOIRE DE L'ÉGLISE. —lre ÉPOQUE (an 1-3I2).
de même que Marie en descendait, par l'ancienne lignée Bethléémique de Nathan. Marie fut donc fiancée à Joseph, selon les rites accoutumés, au mois hébraïque de Sébeth (23 janvier 737). Dans l'intervalle écoulé entre la cérémonie des fiançailles et celle du mariage définitif, s'était placé le glorieux message de Gabriel à la Vierge Immaculée (25 mars). Nazareth, théâtre de cette Annonciation divine, en langue hébraïque, veut dire: «Fleur.» Ainsi, dit saint Bernard: «Jésus-Christ, la fleur de Jessé, voulut éclore d'une fleur, dans une fleur, dans la saison des fleurs 1.»
LA VIERGE IMAMCULÉE