La foi chrétienne hier et aujourd’hui 97

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   Or, par là l'article de foi de la descente aux enfers nous rappelle que la révélation de Dieu ne comprend pas seulement la parole de Dieu, mais aussi son silence. Dieu n'est pas seulement la parole intelligible qui vient à nous, il est aussi le principe mystérieux et muet, inaccessible et inintelligible, qui se dérobe à nous.

 

Dans le christianisme il y a certes un primat du logos, de la parole, sur le silence Dieu a parlé. Dieu est parole. Mais il ne faut pas oublier pour autant la réalité du mystère permanent de Dieu. Il faut avoir fait l'expérience du silence de Dieu, si l'on veut espérer percevoir sa parole qui s'exprime dans le silence 54 .

 

La christologie s'étend au‑delà de la croix, au‑delà de cet instant où l'amour de Dieu devient tangible, jusque dans la mort, où Dieu se tait et disparaît dans l'obscurité. Faut‑il s'étonner que l'Église, que la vie de chacun d'entre nous soient amenées à passer toujours à nouveau par cette heure du silence, par cet article de la foi, oublié et ignoré: « est descendu aux enfers? »

 

   Si l'on songe à cela, la question de la «preuve scripturaire» se résout d'elle‑même; il y a du moins le cri d'agonie de Jésus: “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as‑tu abandonné?” (Mc 15, 34), qui illumine le mystère de la descente de Jésus aux enfers comme

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p210 JESUS‑CHRIST

 

un éclair éblouissant dans la nuit noire.

 

 N'oublions pas que cette parole du Crucifié reprend le premier verset d'une prière d'Israël (Ps 22 (2l), 2), où sont résumées, de façon bouleversante, à la fois la détresse et l'espérance de ce peuple, élu par Dieu et paraissant, à cause de cela même, profondément délaissé par Lui.

 

Cette prière jaillie de la détresse profonde de l'absence de Dieu se termine par un hymne à la grandeur de Dieu. Cela aussi est présent dans le cri de Jésus, que E. Kàsemann a appelé récemment une prière jaillie des profondeurs de l'enfer, l'adoration du premier commandement s'élevant dans le désert de l'apparente absence de Dieu: « Le Fils garde la foi alors qu'elle semble avoir perdu tout sens, et que la réalité terrestre manifeste l'absence de Dieu, dont parlent, non sans raison, le premier larron et la foule moqueuse.

 

Le cri de Jésus n'est pas un appel à la vie et à la survie, il n'est pas pour lui‑même, mais pour le Père. Son cri se dresse contre la réalité du monde entier. »

 

Est‑il encore besoin alors de demander ce que doit être l'adoration en notre heure de ténèbres ? Peut‑elle être autre chose que le cri venu des profondeurs, en union avec le Seigneur qui est « descendu aux enfers » et qui a instauré la proximité de Dieu au milieu du délaissement et de l'absence de Dieu?

 

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon