Darras tome 27 p. 329
27. La glorieuse réaction qui s’opérait en faveur de l’immortel archevêque, dans les rangs surtout de ses anciens persécuteurs,
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1 Codex Vatic. Epis/. v, 89.
2. Ibid. Epis/. v, 95, 90.
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s’étendit à tous ceux qui l’avaient approché pendant sa vie. Citons quelques exemples : Ce clerc nommé Lombard à raison de son origine et que Thomas, appréciant ses vertus et son érudition, avait admis dans la plus grande intimité, fut fait cardinal de l’Eglise Romaine, et bientôt après archevêque de Bénévent. Jean de Salisbury, cet ami fidèle, cet inséparable compagnon de l’exil, fut élevé au siège épiscopal de Chartres, et ne cessa d’attribuer son élection, non à ses propres mérites, mais uniquement à ceux du glorieux martyr. Un anglais non moins fidèle, quoique moins connu, devint évêque d’Héreford. Deux anglais encore, Gérard et Gilbert, furent faits évêques dans leur patrie. Pendant l’exil même, l’anglais Raoul fut nommé doyen du chapitre de Reims. Le milanais Hubert occupa d’abord le siège métropolitain de sa ville natale, pour monter plus tard à celui de S. Pierre sous le nom d’Urbain III. Nous ne pouvons pas suivre dans toutes ses ramifications l’héritage laissé sur la terre par le saint que le pape Alexandre ne va pas tarder à placer sur les autels, mais que la voix des miracles et l’admiration universelle des chrétiens semblent avoir canonisé d’avance. Un exilé devait recevoir d’un autre exilé les honneurs suprêmes. La folie intermittente des Romains tenait le Pontife éloigné de son Eglise. Il s’était retiré dans la Campanie, attendant que son peuple revint à la raison et que des jours meilleurs fussent accordés à Rome ; ce qui ne tarda pas 1.
28. C’est à Rome que les meurtriers de S. Thomas vinrent se jeter aux pieds du Souverain Pontife. Le sang versé, comme effrayés d’eux-mêmes ils s’étaient retirés sur une côte éloignée de l’Angleterre et se tenaient enfermés dans le château de l’un d’eux. Ils étaient abandonnés par les hommes; pas un n’osait les approcher, de peur d’encourir l’anathème. Les animaux même semblaient les fuir ; on rapporte que les chiens refusaient de leurs mains toute nourriture, bien qu’affamés. Une seule consolation restait aux maudits, celle d’implorer la miséricorde de celui qu’ils avaient frappé sans pitié. Une lueur d’espérance brille encore à leurs yeux
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1. Joan. de Ceccaxo, Chron. ad
annum 1172; — Sigoxics, l\erj, Ital. lib. xiv.
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dans
leur morne solitude ; ils iront au Vicaire de Jésus-Christ, et les voilà partis
pour la ville éternelle, la ville du pardon et de la vérité. Alexandre leur
ordonne, en expiation de leur sacrilège forfait, d’aller en Palestine visiter
les lieux saints, arroser de leurs larmes cette terre qui fut arrosée du sang
d’un Dieu. Comme ils traversaient la Calabre, Guillaume de Traci, celui des
quatre qu’on estimait avoir été le chef de la conspiration, et qui bien
certainement avait porté le coup mortel, imagina quelque raison de s’arrêter à
Cosenze ; une affreuse maladie le força d’y rester, tandis que ses compagnons
continuaient leur pèlerinage. On eût dit que le Très-Haut voulait manifester sa
justice aux peuples de l’Occident. Les chairs du malheureux tombèrent en
putréfaction, et dans l’excès de sa souffrance lui-même les déchirait avec une
sorte de rage, au point de laisser à nu les os et les nerfs ; il ne cessa de
répéter le nom de sa victime jusqu’à son dernier soupir. C’est ce que l’évêque
de Cosenze crut devoir porter à la connaissance des fidèles, comme on le voit
dans la Vie quadripartite du saint Martyr, et comme l’attestent aussi la
plupart des historiens. Les trois autres meurtriers, arrivés en Orient, se
renfermèrent dans un lieu nommé la Montagne Noire pour le reste de leur vie,
qui ne dépassa pour aucun la troisième année. Ils avaient donné l’exemple de la
plus sincère pénitence; et, pénitents encore après leur mort, ils furent
ensevelis devant la porte de l’église. Sur leur tombeau fut gravée cette simple
inscription : « Ici reposent les infortunés qui martyrisèrent le bienheureux
Thomas, archevêque de Cantorbéry.»
29. L’Angleterre et la France s’agitaient pour obtenir sa canonisation. Pierre de Blois, le secrétaire d’Henri II, l’a chantée ainsi d’avance : « Angleterre, réjouis-toi ; peuples de l’Occident, soyez dans l’allégresse ; le Seigneur nous a visités du haut des cieux. L’Inde et toutes les contrées orientales se glorifiaient de leur saint Thomas : le Seigneur abaisse un regard de compassion sur l’Eglise occidentale, et nous n’avons plus rien à leur envier. L’Inde a Thomas l’Apôtre ; l’Angleterre a Thomas, le martyr ; et par ces deux illustres témoins de son Evangile, le nom de Jésus-
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Christ est célébré d’un bout du monde à l’autre. Aille qui voudra honorer l’Apôtre en Asie : je recule devant un si long pèlerinage ; mon Thomas me suffit. Celui-là toucha les plaies rédemptrices, il crut parce qu’il avait vu : heureux celui qui a cru sans voir et qui s’est offert sans hésitation en holocauste au Christ et pour le Christ ! Je n’entends certes pas égaler le martyr à l’apôtre, puisque l’apostolat l’emporte sur le martyre ; mais c’est une gloire pour nous d’avoir un martyr qui mérite aussi le nom d’apôtre, et dont les miracles ne sont ni moins nombreux ni moins éclatants, si même ils ne le sont davantage 1. » Jean de Salisbury va jusqu’à se plaindre des retards apportés à la canonisation officielle du martyr; il écrit à son bien-aimé père et seigneur Guillaume archevêque de Sens : « Quoique l’Eglise d’Angleterre ressente encore une immense désolation, sa tristesse fait rapidement place à la joie, au deuil succède le triomphe. Sur le tombeau du saint les miracles se multiplient avec une incomparable puissance. Dieu le permet, dans mon intime conviction, pour ranimer la foi, qui sommeillait ou plutôt menaçait de s’éteindre, pour raffermir la charité et fermer la bouche aux impies. Qui pourrait désormais révoquer en doute la pureté, la vérité d’une doctrine pour laquelle est mort un homme ainsi glorifié? Ne serait-il pas possédé du démon celui qui regarderait comme injuste la cause qu’il a si vaillamment défendue? Il en est encore qui repoussent le pape Alexandre, notre chef spirituel ; la gloire du martyr est la suprême consécration du Pontife. Jamais ne posséderait un tel pouvoir le partisan ou le fauteur du schisme. Je ne comprendrais pas que le Pape n’eût pas déjà fuit inscrire son nom au martyrologe, si je ne me souvenais d’avoir lu dans l'histoire ecclésiastique le trait suivant : Lorsque Pilate envoya consulter Tibère César pour savoir s'il fallait rendre les honneurs divins au Christ, qui avait accompli de si grandes choses et que plusieurs adoraient comme Dieu ; le sénat, consulté lui-même par l’empereur, fit cette réponse : Assurément il eût fallu le reconnaître pour Dieu et l’honorer en conséquence, si les provinciaux n’avaient
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1 Petr. Blés. Epist. xlix,
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p333 CHAP. VI. — CANONISATION DE S. THOMAS DECRET.
pas eu la présomption d’anticiper sur la décision sénatoriale. — Il devait en être ainsi dans les plans de la sagesse divine, pour que la divinité de Jésus-Christ ne fût pas un instant soumise aux puissances terrestres et ne parut pas avoir été mendiée. Voilà comment la gloire de notre martyr n’a d’abord été décrétée ni par le pontife ni par le prince ; elle émane directement du Christ, pour qui l’invincible athlète a toujours combattu, dont il sauvegarda la gloire au péril de sa vie .1 » Le pieux écrivain n’entendait certainement pas disputer à l’Eglise le pouvoir qu’elle a de juger les vertus et les miracles dans l’intérêt même de la religion, de protéger la piété des fidèles, de décerner authentiquement les honneurs de la sainteté. L’extrême vigueur de son langage n’est due qu’à l’impatience de ses désirs.
30. Quand les légats furent revenus auprès du Pape, qui se trouvait alors à Ségni, sur la relation détaillée qu’ils firent, vu les documents qui ne cessaient d’affluer, les témoignages les plus irrécusables, le repentir des persécuteurs, cédant aux instances des Eglises réunies de France et d’Angleterre, le Pontife Romain canonisa solennellement et mit au nombre des saints martyrs Thomas Berkel archevêque de Canterbury. C’était la fête de la Purification ; avec le Sacré-Collége assistaient à l’auguste cérémonie les évêques et les abbés campaniens, ainsi qu’une foule immense de laïques ; et tous éclatèrent en transports de joie. Alexandre célébra la messe en l’honneur du nouveau saint, et décréta que sa fête aurait lieu le IV des calendes de janvier, 29 décembre, le jour même de sa mort. Il existe deux Bulles de celle canonisation, l’une au clergé de Cantorbéry, l’autre à tous les évêques du monde catholique. Dans la nécessité de nous borner, donnons seulement la première : «Alexandre évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à ses chers fils le prieur et les moines de Cantorbéry, salut et bénédiction apostolique. — L’univers entier doit se réjouir des œuvres admirables opérées par le saint et vénéré Thomas votre archevêque; mais c’est à vous surtout qu’il appartient d’éprouver un tel sentiment, puis-
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1 Joax. Sahesbeii. Epist. ccev.
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que voire église est le théâtre de ses miracles et que vous possédez son corps glorieux. Considérant les mérites dont il brilla pendant sa vie et les étonnants prodiges dont il est l’auteur après sa mort, ayant ouï tant de témoignages et mûrement délibéré dans le conseil de nos frères, nous l’avons solennellement canonisé devant une grande assemblée d’ecclésiastiques et de simples fidèles, en le mettant au rang des martyrs. Par notre autorité apostolique, nous vous ordonnons, ainsi qu’à toutes les Eglises d’Angleterre, de célébrer tous les ans, avec la plus grande vénération, le jour où le saint archevêque couronna sa glorieuse vie par une mort plus glorieuse encore. Nous vous ordonnons de plus de faire l’élévation de son corps, de le porter en procession et de le placer ensuite sur l’autel, dans une châsse digne de vous et de lui ; invoquez-le désormais par de ferventes prières, pour le salut de votre nation et la paix de l’Eglise universelle. Donné à Ségni le IV des ides de Mars 1. »
V. CHATIMENT ET PÉNITENCE DE HENRI II.
31. Tandis que ces hommages et ces honneurs étaient rendus au saint archevêque, la colère du ciel se déchaînait sur son Persécuteur. Le puissant roi d’Angleterre ne régna bientôt plus sur ses enfants ; la discorde et la guerre étaient entrées dans sa maison, et de là s’étendirent aux diverses contrées de son royaume. Il avait eu quatre fils de cette Eléonore d’Aquitaine dont la dot le rendait si puissant. Dans leur jeune âge, il s’était montré pour eux plein d’une excessive tendresse ou d’une coupable incurie ; quand ils grandirent, le père indulgent était redevenu le maître soupçonneux et despote. Ses vastes états lui permettaient cependant de les tenir à distance et de satisfaire leur précoce ambition. Henri l’aîné, comme nous l’avons dit plus haut, était déjà couronné roi d’Angleterre ; Richard avait le duché d’Aquitaine pour sa part, Geoffroi le duché de Bretagne ; Jean le dernier, bien qu’on l’appelât à la cour Lackland, Sans-terre, devait rece-
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1. Codex Vatic. Sum. Pontif. Alcxand. III Epist. v, 93.
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voir la souveraineté de l’Irlande. Pour des raisons que les historiens n’indiquent pas, la fille du roi de France n’avait pas été couronnée avec son mari, quand celui-ci fut associé au trône d’Angleterre ; Louis VII se tint pour gravement insulté par une telle omission. On se hâta de la réparer, afin d’apaiser le monarque ; un second couronnement eut lieu deux ans après, et cette fois la couronne fut aussi placée sur la tête de Marguerite. Bientôt le jeune roi se rendit à Paris, accompagné de sa femme. A leur retour, ils demandèrent d’entrer immédiatement en posession de l’Angleterre ou de la Normandie, ce que leur semblait exiger leur nouveau titre. Henri II n’entendit pas cette demande sans indignation, il la repoussa comme un attentat à sa dignité royale et paternelle. Le fils resta profondément blessé ; et sa mère Eléonore, loin de le calmer, aggrava la situation par d’irritantes paroles. Elle avait ses desseins ; cette femme impétueuse, en quittant un roi pour en épouser un autre, s’était réellement attachée au second ; mais, depuis quelques années, la conduite scandaleuse et les insolents dédains de l’Anglais, première punition de son inconstance, la jetait dans de continuels accès de fureur. Elle ne perdit pas cette occasion, que peut-être elle avait suscitée, pour exercer une vengeance en rapport avec son amour et ses bienfaits.
32. Comme la cour revenait de Limoges, le jeune Henri, sur le conseil de sa mère, s’enfuit tout à coup et se retira près de son beau-père à Chartres. Trois jours ne s’étaient pas écoulés que Richard et Geoffroy suivaient son exemple; puis la reine elle- même disparut à son tour1. La conspiration était flagrante. Atterré par ces coups simultanés, isolé sur son trône, le sentant même trembler sous lui, le vieux monarque leva-t-il les yeux vers la main qui le frappait? Il eut du moins recours aux ministres de l’Eglise. Répondant à son appel, les évêques normands écrivirent à la reine, pour lui persuader d’abord de reconnaître ses devoirs d’épouse et de mère ; ils la prévenaient à la fin qu’ils seraient dans l’obligation, supposé qu’elle ne revint pas avec ses enfants, de
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1 \Y XeuuHiuc n, 27, — Kadui.f, a diceto, p. 359-501 ; — Roc. Moyeu. j>.3Uo.
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p336 MARTYRE DE S. THOMAS BECKET.
l’y contraindre en vertu de leur autorité par les censures écclésiastiques. Eléonore échappa cependant au malheur de l’excommunication; mais par un malheur d’un autre genre, elle tomba, surprise dans une embuscade, entre les mains du licencieux et féroce tyran, qui la fit enfermer dans une citadelle. Sa captivité, sauf de rares intervalles, se prolongera jusqu’à la mort du roi; sa vie ne sera désormais qu’un tissu d’humiliations, et de souffrances. Elle pourra méditer à loisir sur la sagesse de sa détermination, quand elle abandonnait jeune encore un époux chaste et pieux, dont elle s’était aliéné l’affection par ses mœurs dissolues ou légères. Henri II travaillait aussi à ramener ses enfants, pour n’avoir pas à les vaincre ou de peur d’en être vaincu. Il envoya proposer au roi de France, par l’archevêque de Rouen et l’évêque de Lisieux, d’être arbitre entre eux et lui. C’était assez humiliant déjà pour le fier insulaire ; mais il fut bien plus humilié par la réponse qu’eurent à lui transmettre ses ambassadeurs. « Louis parle de votre caractère avec autant de sévérité que de liberté. Il déclare qu’il a été trop de fois la dupe de vos artifices et de votre hypocrisie, pour vous accorder maintenant sa confiance; que vous avez souvent, et sous le plus léger prétexte, violé vos engagements les plus sacrés; qu’il ne saurait désormais croire à vos promesses. Il a même ajouté sous la foi du serment qu’il ne traiterait plus avec vous et ne rétablirait la concorde que du consentement de la reine et de ses fils. Pardonnez-nous, royal maître, si nous écrivons ce que nous n’avons pas entendu sans amertume. N’était-il pas de notre devoir de vous communiquer la réponse après avoir accompli le message 1 ? »
33. Henri n’avait pas commencé par recourir à son suzerain; il s’était adressé d’abord au père commun des fidèles, pour implorer sa protection en faveur des droits de la paternité. Sa lettre, dans laquelle il est aisé de reconnaître la main de son pieux et savant secrétaire, Pierre de Blois, toucha le cœur d’Alexandre. Il ne désavouait pas que ses crimes ne fussent la cause de ses mal-
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1 Petr. Blés. Epist. cliii.
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p337 CHAP. VI. — CUAILMENT ET PÉNITENCE DE 1IENRI II.
leurs. « Le royaume d’Angleterre, ajoutait-il, est placé sous votre juridiction, feudataire du Saint-Siège; les liens qui me rattachent à votre autorité m’assurent votre bienveillance spéciale. Montrez ce que peut le Pontife Romain. S’il n’use pas des armes matérielles, il a le glaive spirituel 1. » Le Pape avait mis ce glaive à la disposition des évêques normands, pour la défense de leur monarque. Mais les fils de ce dernier appelaient à leur aide ses ennemis et ses rivaux. Le roi de France avec ses barons s'engageait par serment à seconder le jeune Henri dans ses entreprises ; et celui-ci jurait également de ne jamais faire la paix avec sou père sans le consentement du suzerain. Philippe, comte de Flandre, qui était présent à cette convention, et Guillaume, roi d’Ecosse, représenté par ses ambassadeurs, entrèrent dans la ligue : le premier devait avoir le comté de Kent pour prix de ses services; le second adjoindrait à son royaume le comté de Northumberland. On avait aussi les promesses de plusieurs barons anglais et normands, dont l’ambition inquiète trouvait son intérêt à placer la couronne sur la tête d’un jeune homme qui ne pourrait leur rien refuser, leur devant sa puissance. Instruit de ces faits, le vieux monarque se hâta de réunir des forces capables de briser le cercle de fer qui menaçait de l’étreindre. En prodiguant l’or fruit de ses épargnes et de ses rapines, il attira sous ses étendards un corps de vingt mille mercenaires, plus brigands que soldats, rebut de toutes les nations occidentales, qui, sous la dénomination commune de Brabançons, vendaient leurs armes et leur vie au plus offrant et dernier enchérisseur. Il ne craignit pas d’adjoindre une pareille milice aux nobles chevaliers qui se disposaient à combattre pour sa cause 2.
34. Les ennemis commencèrent leurs opérations sur plusieurs points a la fois ; ceux du continent envahirent la Bretagne et la Normaudie, pendant que les Ecossais attaquaient l’Angleterre au Nord. Le comte de Flandre après avoir soumis sans effort plusieurs places importantes, perdit au siège d’un obscur château
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1 Ejusd. Epist. cxxxvi.
2. Geryas. p. 142-i ; -- IIoveden. 306 et set}.
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son frère et son héritier; ce qui le jeta dans une noire tristesse el le fit pour un temps se retirer de la lutte. Louis VII, accompagné de son gendre, investit Verneuil, mais sans pouvoir encore s’en rendre maître. Les confédérés ne furent pas plus heureux au Midi dans cette première campagne. Le comte de Leicester, qui s’était déclaré pour eux, et dont l’insolence était allée jusqu’à lever l’épée pour frapper le roi pendant une trêve, tombait ensuite entre les mains de ce dernier, avec son intrépide femme. Ces insuccès ne découragèrent pas les alliés; l’hiver ayant suspendu les opérations de la guerre, ils l’employèrent à mieux concerter leur plan. Les points d’attaque ne furent pas changés et ne pouvaient pas l’être; mais il fut de plus convenu que le comte de Flandre, avec le jeune roi, tenterait une descente, à la tête de ses flamands et d’un nombre considérable de chevaliers anglais, sur la côte méridionale de l’Angleterre. Au retour de la belle saison, tous les confédérés entrèrent simultanément en campagne. Jamais Henri II ne s’était trouvé dans un aussi pressant danger. Le roi de France envahissait la Normandie; les partisans de Richard et de Geoffroy parcouraient l’Aquitaine et la Bretagne; les Ecossais inondaient les comtés septentrionaux; leur nombreuse avant-garde, guidée par David, comte de Huntingdon, frère du roi d’Ecosse, avait pénétré et se maintenait au cœur même de l’Angleterre. Le château de Norwich était enlevé par l'avant garde des Flamands; dans le port de Gravelines une puissante flotte était toujours prête au départ. S’il restait un espoir pour le royaume, il dépendait uniquement de la présence du roi. C’est ce dont vint l’instruire l’évêque de Winchester. Le prince éclairé par le rapport et persuadé par les raisons du courageux prélat, part au milieu d’une tempête, bravant tous les périls et débarque heureusement dans son île, à l’insu de ses ennemis 1.