Le Sacerdoce et l’Empire 2

Darras tome 40 p. 226

 

29. Le Saint Père était très affecté des menaces incessantes de Bo­naparte et des principes mis en avant pour les justifier. Bonaparte,

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(1) Consalvi, Mémoires, t. II, p. 473.

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enivré de ses victoires, s'épuisait a trouver de nouveaux moyens pour outrager le chef de l'Église. Les pouvoirs conférés aux négo­ciateurs étaient retirés et Caprara allait revenir à Rome, lorsque Napoléon lui fit remettre cet ultimatum :

 

I. Accommoder les affaires relativement aux Anglais, de la ma­nière demandée dans les divers mémoires.

 

II. Se soumettre à payer 400.000 francs pour le curage du port d'Ancône.

 

III. Accorder à l'Empereur des Français la nomination de trente cardinaux, pour former le tiers du collège.

 

IV. Ordonner et faire exécuter l'arrestation de cent malveillants du royaume de Naples, qui attentent à la vie des Français.

 

V. Reconnaître le nouveau roi de Naples comme légitime sou­verain de ce royaume, ainsi que les autres créés par S. M. I. et R., et dont il a déjà été question dans les différentes notes remises au cardinal de Bayanne.

 

VI. Éloigner le consul et les autres personnes de dignités dépen­dantes de Ferdinand IV.

 

Si le Saint Père n'acceptait pas ces conditions dans les cinq jours après leur réception, toute la légation française avait ordre de quitter Rome ; non seulement les provinces occupées ne seraient point rendues, mais on incorporerait le Pérugin à la Toscane, et la moitié de la campagne de Rome au royaume de Naples ; on prendrait également possession du reste, en mettant une garnison française à Rome. Telle était la volonté de Napoléon. Le Saint Père se montrait disposé à subir tout ce qui n'était pas directement contraire à ses devoirs. « Quoique, depuis plusieurs mois, dit Pacca, on connût à Rome et dans les provinces l'intention bien formelle de Napoléon de renverser la puissance temporelle des Pa­pes, on s'était néanmoins flatté, pendant quelque temps, qu'on pourrait trouver le moyen de conjurer l'orage et que ce projet sacrilège ne serait point mis à exécution. Mais l'entrée hostile des Français dans Rome, le 2 février 1808, l'insulte faite au palais apostolique pendant une fonction solennelle, l'incorporation des troupes romaines dans les régiments français, l'arrestation et l'em-

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prisonnement de la garde noble de Sa Sainteté, l'expulsion à main armée des cardinaux napolitains, la réunion des provinces d'Urbin et d'Ancône au royaume d'Italie, par un décret aussi insultant que dérisoire, dans lequel Napoléon déclarait que le souverain de Rome avait perdu tout droit sur ces provinces, « parce que la donation de Charlemagne, son auguste prédécesseur, avait été faite au profit de la chrétienté et non à l'avantage des ennemis de notre sainte religion » ; tant d'actes hostiles et tant d'outrages vinrent détruire le peu d'expérience  que l'on  avait conservé jusqu'alors et firent regarder  comme imminente la  chute  du  gouvernement ponti­fical » (1). Le 16 juillet, deux officiers français  entrèrent violemment dans l'appartement du cardinal Gabrielli, prosecrétaire d'État, lui intimèrent l'ordre de son arrestation, le sommèrent de partir dans deux jours pour son évêché de Sinigaglia et apposèrent les scellés sur son portefeuille, qui pouvait contenir des secrets d'État et des papiers concernant les affaires de l'Église universelle. Le même jour le Pape donnait, à Bartoloméo Pacca, la place de Ga­brielli.   L'heure était solennelle. L'État pontifical souffrait dans ses finances une cruelle détresse. L'invasion française avait détruit la confiance et le crédit. La révolution avait soufflé le mécontente­ment.  Pacca donnait sans doute une grande preuve de courage, de dévouement au souverain pontife en  acceptant le ministère. Malgré ses dispositions pacifiques et conciliantes, il s'aperçut bien vite que ses efforts ne suffiraient par contre le canon et les baïon­nettes.

 

Le commandant du corps d'occupation, Miollis, avait fait de belles promesses au sujet d'une garde nationale, qui n'était guère qu'une bande de brigands. Le Pape amnistia ceux qui y étaient entrés, mais ordonna, sous peine de félonie, d'en sortir. Cet acte de vigueur irrita Miollis, qui enjoignit à Pacca de partir pour Bénévent, sa patrie. Le cardinal répondit qu'il ne quitterait pas son poste et écrivit sur-le-champ au Saint Père. Quelques mo­ments après, la porte s'ouvrit avec fracas ; le souverain pontife entra lui-même dans l'appartement, tellement ému de ce nouvel

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(1) Pacca, Mémoires, t. I, p. 73.

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outrage, que ses cheveux s'étaient dressés sur sa tête, et qu'il ne reconnut d'abord ni le cardinal ni l'officier porteur de l'ordre d'exil. Revenu à lui, il déclara, d'un ton plein de fermeté, qu'il était las de souffrir les violences et les outrages que l'on faisait chaque jour à son caractère sacré ; qu'il était également las de voir arracher d'auprès de lui les ministres qui l'aidaient, non seulement comme souverain temporel, mais encore comme chef de l'Eglise ; que sa volonté expresse était que le cardinal Pacca n'obéit point à un ordre émané d'une autorité qui n'avait aucun droit de lui rien prescrire ; qu'il voulait l'emmener dans ses appartements, pour lui faire dorénavant partager sa prison ; que, si l'on employait la force pour tenter audacieusement de l'arracher de ses bras, on devrait enfoncer toutes les portes qui conduisaient à sa chambre ; mais que, dans ce cas, il déclarait le général responsable de toutes les suites qui pourraient en résulter à Rome et dans l'univers ca­tholique. » Après ces paroles, le Saint Père prit son ministre par la main et retourna dans ses appartements, où il assigna au car­dinal pour sa demeure des chambres contiguës aux siennes. Nous touchons aux grands crimes.

 

30. L'occupation de Rome déjà n'est plus qu'une suite de vio­lences. Le cardinal Antonelli, le gouverneur de Rome et plusieurs gouverneurs de province sont arrêtés ; l'évêque d'Anagni est en­fermé au château Saint-Ange. On prend des mesures pour mettre le Quirinal à l'abri d'un coup de main. Des représentants du peuple romain proposent au Pape de le délivrer et d'égorger les Français; il s'y refuse et demande seulement qu'on s'abstienne des réjouis­sances du carnaval ; on lui obéit. Une frégate stationnait à la hau­teur de Fiumicino, prête à transporter le Pape en Sicile. Pacca n'accepte point cette fuite dans la persécution : il craignait que la retraite du Pape, dans un État en guerre avec la France, ne donnât quelque apparence à la calomnie, plus ridicule qu'atroce, qui ac­cusait le Pape de sacrifier les intérêts de l'Église à l'Angleterre et ne fournît à Napoléon prétexte de faire un schisme. Pie VII pen­sait d'ailleurs, avec Tertullien, qu'il est plus beau pour un soldat de mourir sur le champ de bataille que dans la fuite. Enfin le

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17 mai 1809, un décret, daté de Vienne, réunissait les États romains à l'Empire français. Dans son orgueilleuse démence, Napoléon s'autorisait encore de la donation de Charlemagne ; il eût pu, tout aussi raisonnablement et avec plus de profit, se recommander de Constantin et réclamer l'empire du monde. Le drapeau tricolore est arboré ; les armes du Pape sont brisées, tandis qu'on publie à son de trompe et au bruit de l'artillerie le décret spoliateur. Aus­sitôt Pie VII signe une protestation en italien ; elle est affichée la nuit suivante. Après un moment de prière, il ordonne d'afficher la bulle d'excommunication déjà signée depuis quelques jours. Le 10 juin la bulle fut affichée en plein jour dans les lieux accoutu­més, même aux trois basiliques majeures, sans que fût découvert aucun de ceux qui avaient eu le courage d'exécuter cette mesure. La fulmination de la bulle causa dans Rome un véritable enthou­siasme. Les visiteurs de haut rang accoururent au Quirinal pour honorer l'intrépidité du Pontife ; les employés refusèrent leurs services à l'administration ; les portefaix de la douane et les ba­layeurs des rues refusèrent eux-mêmes de travailler. Le tribunal de la pénitencerie fut obligé de dresser une instruction pour les confesseurs et les tribunaux ecclésiastiques, afin d'expliquer quelles personnes avaient encouru l'excommunication et quels services ne tombaient pas sous les censures. L'Église, même dans la tem­pête, n'oublie pas les règles de la sagesse et les inspirations de la mansuétude.

 

Il ne restait plus qu'à consommer le crime. « Sans avoir, à ce qu'il paraît, dit Charles de Smedt, un ordre formel de Bonaparte, mais bien sûrs qu'il ratifierait leur entreprise, Joachim Murât, roi de Naples, les généraux Miollis et Radet, prirent sur eux de mettre à exécution cet exécrable attentat. Dans la nuit du 6 juillet, des troupes occupèrent les rues qui conduisent au Quirinal, les ponts, par lesquels on communique avec l'intérieur de la ville et les pos­tes principaux des environs. Au point du jour, les sbires, les gen­darmes et quelques révoltés escaladèrent le palais par des côtés différentes ; et, parvenus à s'y introduire, ils ouvrirent la grande porte, et firent entrer dans la cour un corps nombreux d'hommes

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armés. Le souverain pontife était déjà levé; toujours calme et tran­quille, il s'était rendu en mozette et en étole dans la salle où il avait coutume de donner ses audiences. Aussitôt qu'il entendit, au bruit des coups de haches dont on brisait les portes du palais, que les assaillants approchaient, il fit ouvrir celle de l'appartement où il se trouvait, se leva et s'avança vers le milieu de la salle, ayant à ses côtés les cardinaux Pacca et Despuig, environné des prélats et des employés qui demeuraient au palais. Le général Radet entra le pre­mier, se mit en face du Saint-Père, et fit ranger autour de lui quel­ques officiers de gendarmerie et deux ou trois Romains qui l'avaient suivi. Un profond silence régna pendant quelques minutes; on se regarda sans proférer une parole et sans faire aucun mouvement. Enfin le général, pâle, d'une voix tremblante et la tête découverte, dit au Saint-Père qu'il était chargé d'une commission désagréable et pénible ; mais qu'ayant fait à l'empereur serment d'obéissance et de fidélité, il ne pouvait se dispenser de la remplir; qu'il avait ordre, de la part de son souverain, de lui annoncer qu'il devait renoncer à la souveraineté temporelle de Rome et des États qui en dépendaient; que si Sa Sainteté ne se prétait pas à cette mesure, il devait la conduire au général Miollis qui lui ferait connaître le lieu de sa destination.

 

«Le Pape, sans trouble, d'une voix ferme et avec un maintien plein de dignité, lui répondit : « Si vous avez cru devoir exécuter les ordres de l'empereur, à cause du serment d'obéissance et de fidélité que vous lui avez fait, songez de quelle manière nous devons soute­nir les droits du Saint-Siège, auquel nous sommes liés par tant de serments. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas, nous ne vou­lons pas céder ce qui n'est pas à nous ; la puissance temporelle est celle de l'Église romaine ; nous n'en sommes que l'administrateur. L'empereur pourra nous mettre en pièces, mais jamais il n'obtien­dra de nous ce qu'il demande. Après tout ce que nous avons fait pour lui, nous ne devions pas nous attendre à un tel traitement. — Saint Père, répondit le général Radet, je sais que l'empereur vous a beaucoup d'obligations. — Plus que vous ne savez , re­prit vivement le Pape. Puis il ajouta : « Irons-nous seuls? » Et

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sur la réponse du général, qu'il pouvait conduire avec lui son minis­tre, il ordonna au cardinal Pacca de l'accompagner, et bénit les troupes qu'il trouva sur son passage, ainsi que la ville de Rome.


On fit monter le Saint-Père et son ministre en voiture à la grande porte du palais ; la persienne du côté où était le Pape était fermée, un gendarme ferma les portières à clef, et le général Radet s'assit sur le siège du conducteur avec un maréchal-de-logis toscan, nommé Cardini. Mais au lieu de se rendre au palais Doria, où logeait le général Miollis, on sortit de la ville, et on prit le long des murs la route de la porte del popolo, qui n'était pas ouverte (1).


   31.  L'excommunication venait donc d'être lancée contre les
auteurs et fauteurs de l'entreprise sacrilège contre la Chaire apos­tolique, avec retrait toutefois des effets civils. Sauf cette réserve, Pie VII avait frappé comme S. Grégoire VII, comme Innocent III, comme Boniface VIII, S. Pie V et Sixte-Quint. Napoléon se moqua de l'excommunication, qui ne ferait point, avait-il écrit, tomber les armes des mains de ses soldats. Lui qui ne se prenait pas pour un débonnaire, il fit même insérer, au Moniteur, un précis des libertés de l'Église gallicane, qui venaient, en effet, très bien à son affaire, puisqu'elles soustrayaient, soi-disant, le roi de France à l'excom­munication. Son gallicanisme lui permettait encore de disperser les cardinaux, d'enlever les archives du Saint-Siège, d'instituer une cour martiale contre les sujets du Pape, enfin d'enlever de Rome le Pape lui-même. Un gallicanisme de cette nature confine à la scé­lératesse ; il rappelle les Valens, les Léonce et les Copronime. Au moment du départ, le Pape avait, dans sa poche, un papetto, et le cardinal Pacca trois grossi, à eux deux une quarantaine de sous. Les deux nobles prisonniers furent traînés ensemble dans une voi­ture fermée, sous un soleil de juillet en Italie. Le Pape arriva mou­rant à Florence. Là, on sépara du pontife son ministre ; Pacca ne devait revoir Pie VII qu'au pied des Alpes et s'en voir arraché encore à Grenoble, pour être conduit à la forteresse de Fénestrelles; dans cette prison d'État, le noble ministre  expia trois ans et demi le

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(1) Ch. de Sjiedt, Coup d'œil sur l'histoire ecclésiastique dans les premières années du xix1' siècle, p. 104.

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crime d'avoir été fidèle à son souverain et brave contre l'ennemi de l'Église. De son côté, Pie VII fut entraîné à Savone. A l'arrivée, rien n'était prêt pour le recevoir ; on mit le Pape à l'hôtel de la préfecture, à côté du préfet. Napoléon, qui sentit l'odieux de ces petitesses, voulut faire au Pape une maison avec livrée, vaisselle riche et cent mille francs par mois. Le Pape rejeta cet appareil, refusa même les commodités de la vie, et, content du strict néces­saire, assidu aux exercices de piété, vécut dans une retraite pro­fonde, avec l'évêque du lieu, l'archevêque d'Edesse, Doria et un médecin. On a publié que le prisonnier de Jésus-Christ avait eu des extases et opéré des miracles ; ce récit émane d'un excès de zèle. Une patience et une douceur inaltérable sont les miracles de ce douloureux martyre ; un autre miracle c'est que la colombe ait battu le lion et que Dieu ait pris visiblement en main la cause de son vicaire.

 

Cependant les cardinaux étaient internés : Casoni, à Rome; Antonelli, à Spolète; Carafa, à Tolentino; Crivelli, à Milan; Carandini, à Modène ; Castiglioni, à Osimo ; Caraccioli et Firrao, à Naples, où ce dernier devint bientôt aumônier du roi de Naples. Tous les autres cardinaux italiens furent conduits en France ; l'empereur leur assigna une pension de 30,000 francs par an. La plupart la reçurent sans hésiter ; quelques-uns la refusèrent, dès qu'ils connurent les intentions du Pape; d'autres l'avaient rejetée géné­reusement de prime abord. Dans les premiers mois de leur séjour à Paris, on en vit avec peine quelques-uns fréquenter les cercles de la capitale et les salons des ministres ; on crut avec rai­son que leur dignité et les circonstances où se trouvait l'Église exigeaient une conduite plus retirée et plus sévère. Res sacra miser: le malheur inspire un naturel respect, mais il faut qu'il soit fidèle à lui-même.

 

   32. Les   cardinaux Maury et Caprara,  Barrai, archevênue de Tours, et l’évêque de Casai avaient prié le Pape de donner l'insti­tution aux évêques, non pas motu proprio, mais sur la demande du conseil d'État ou du ministère des cultes. Sur son refus, Napo­léon, ne sachant plus comment se tirer d'embarras, nomma une

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commission impériale, qu'il décora du nom d'ecclésiastique, parce que des ecclésiastiques, requis par lui, la composaient mais avaient reçu de lui leur mandat. Cette commission devait rechercher les moyens de pourvoir aux besoins de l'Église, pendant l'internement du Pape à Savone. Une lettre de l'empereur appela dans son sein les cardinaux Fesch et Maury, Barrai, de Tours, Duvoisin, de Nan­tes, Mannay, de Trêves, les évêques d'Evreux et de Verceil, le Père Fontana, général des Barnabites, et Jacques-André Émery, supérieur de Saint-Sulpice. La plupart des membres de la commission n'étaient pour Bonaparte que des complices ; les autres étaient pour la mon­tre. On peut croire que si Émery et Fontana eussent été libres, ils ne fussent point venus dans ce sanhédrin ; du moins, Fontana ne fit que paraître et disparaître ; Émery, tremblant pour sa commu­nauté, fut régulier aux séances, mais y tint habituellement le langage de la science, de la vertu et de la dignité. Trois séries de questions furent proposées : les unes regardaient toute la chrétienté, les autres étaient particulières à la France, les dernières se rappor­taient aux circonstances présentes. Mannay, Duvoisin et Barrai rédigèrent les réponses; elles étaient dignes d'eux. On en fit un long et adroit rapport, où l'embarras est visible et l'obséquiosité parfaite. Ce rapport, tel qu'il est, ne mérite pas l'honneur d'une citation. Le lecteur en jugera par les questions posées: Le gouver­nement de l'Église est-il arbitraire? Le Pape peut-il, pour des motifs d'affaires temporelles, refuser son intervention dans les affai­res spirituelles? Ne conviendrait-il pas de convoquer un conseil et de composer le conseil du Pape de prélats de toutes les nations? L'empereur, pour la nomination des cardinaux, ne cumule-t-il pas les droits des princes dont il possède les États ? L'empereur ou ses ministres ont-ils porté atteinte au Concordat ? Par le fait du Concordat, l'état du clergé s'est-il amélioré ou empiré en France? Le Pape peut-il arbitrairement refuser l'institution canonique et perdre la religion en France comme il l'a perdue en Allemagne ? Le refus du Pape persistant, faut-il abroger le Concordat, et, en ce cas, que faire ? Comment tirer l'Allemagne de son état de perdition ? La bulle d'excommunication étant contraire à la charité chrétienne et à

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l'indépendance du trône, quel parti prendre pour que, dans les temps troublés, les Papes ne seportent pas à de tels excès de pouvoir? Quand le Pape était en prison et le Sacré Collège dispersé, il n'y avait pas à délibérer sur l'ordre d'un prince ; et quand de pareilles questions étaient posées, il n'y avait qu'une réponse recevable, le silence. Il faut regretter que la commission ne l'ait pas compris. Le gouver­nement parut vouloir lui dessiller les yeux en publiant ses répon­ses. Tout aussitôt, le 17 février 1810, tirant profit de ses adula­tions, il fit porter un sénatus-consulte sanctionnant l'usurpation des États romains, obligeant les Papes élus à jurer l'observation des quatre articles et faisant du Pape le chapelain de l'empereur. En même temps, Bonaparte faisait publier des dispositions pénales très sévères contre les évêques qui donneraient des mandements et contre les prêtres qui prononceraient des sermons contenant cen­sure des actes du gouvernement. On prit de même des mesures pour empêcher toute correspondance religieuse avec une puissance étrangère, sans agrément du ministre des cultes. C'était écrire, dans la loi, l'asservissement du Pape et proclamer le retour de la Terreur.

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