Quel fut Augustin dans le vêtement et le vivre?
Dans ses habits, ses chaussures et son coucher il gardait la simplicité et la convenance que réclamait son état. Il s'y montrait aussi éloigné d’un soin excessif que d'une négligence sordide, comme les hommes qui ordinairement y mettent une vaine jactance ou une négligence excessive ; recherchant dans ces deux cas leur propre intérêt et non celui de Jésus-Christ. Pour lui, je le répète, il tenait un juste milieu, et n'inclinait trop ni à droite ni à gauche. Sa table était modeste et frugale ; quelquefois avec les herbes ou les légumes on servait de la viande, pour les étrangers, et les malades; il y avait toujours du vin. Car il savait et enseignait, d'après l'Apôtre, que tout ce que Dieu a créé est bon, et qu'il ne faut rien rejeter de ce qui se mange avec actions de grâce parce qu'il est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière (I Tim., iv, 4 et 5) et, comme il l'a écrit lui-même dans ses Confessions, il disait : “ Je ne crains pas l'impureté de l'aliment, je crains l'impureté de la convoitise; car je sais qu'il fut permis à Noé de manger de toute chair propre à la nourriture de l'homme. Je sais qu'Élie aussi a mangé de la chair, que saint Jean même, cet homme d'une abstinence si admirable, n'a fait nulle difficulté de se nourrir d'animaux, car il mangea des sauterelles et qu'il n'en a pas été moins pur pour cela; et je sais au contraire qu'Ésaü a perdu ses avantages pour avoir succombé à l'envie de manger des lentilles, que David qui n'avait désiré qu'un peu d'eau, en a été repris, et que lorsque le démon tenta notre roi il lui proposa seulement de manger du pain non de la chair ; je sais enfin que ce ne fut pas pour avoir eu envie de manger de la chair, mais pour s'être abandonné à cette envie jusqu’à murmurer contre Dieu dans le désert, que le peuple encourut son indignation (1). ” Pour ce qui concerne le vin, il s'en tenait à ce mot de l'Apôtre à Timothée : « Ne continuez plus de ne boire que de l'eau mais usez d'un peu de vin à cause de votre estomac et de vos fréquentes maladies (I Tim., y, 23). ” Il se servait de cuillers d'argent mais les plats dans lesquels on apportait les mets sur la table étaient de terre, de bois et de marbre non par nécessité et par indigence mais parce qu'il le voulait ainsi. Il pratiqua toujours l'hospitalité . A table, il préférait la lecture ou la discussion au boire et au manger. Et pour en bannir la peste de la médisance il avait fait écrire dans le réfectoire ces deux vers : « Que celui qui par sa médisance se plaît à déchirer la vie des absents, apprenne qu'il n'est pas digne de s'asseoir à cette table. » Les convives étaient ainsi avertis de s'abstenir de toute médisance et de tout entretien frivole ou mauvais. Quelques-uns de ses amis intimes, de ses collègues même dans l'épiscopat, oubliant un jour cette sentence et parlant sans en tenir compte, il les reprit vivement et s'écria tout ému, qu'il allait effacer ces vers du réfectoire, ou se lever de table et se retirer dans sa chambre. J'étais présent avec plusieurs autres quand ce fait s'est passé.
(Source: Saint Possidius, Vie d'Augustin)