Darras tome 18 p. 317
p317 CHAP. VII. — NOTICE DU LIBER PONTIFICATES,
I. NOTICE DU LIBER PONTIFICIALIS.
1. « Sergius né à Rome, dans la région IVe dit le Liber Pantificalis, siégea trois ans ; son père s’appelait comme lui Sergius, sa mère aussi distinguée par la piété que par la naissance, prit un soin extrême de son éducation ; elle veilla surtout à écarter de lui tout ce qui pouvait troubler la fraîcheur de son innocence. Il répondit à la sollicitude maternelle et de bonne heure il abandonna les puérilités de son âge pour les oeuvres de charité et de vertu qui le rendaient digne de ses illustres aïeux et faisaient l’admiration de toute la noblesse romaine. La pieuse mère rendait grâces à Dieu de lui avoir donné un tel fils. Sergius n’avait encore que douze ans lorsque cette sainte femme émigra vers le Seigneur, et il resta orphelin, car son père était mort déjà depuis quelques apnées. A cette époque la ville de Rome et l’Eglise étaient gouvernées par le bienheureux et auguste pontife Léon III. Emu d’un sentiment de compassion pour le noble enfant d’ailleurs si heureusement doué, il le fit venir à son audience, l'accueillit avec une bonté paternelle et dès le premier instant conçut pour Sergius une véritable affection. Il le plaça à l’école patriarcale pour le faire instruire dans les lettres divines et humaines, ainsi que dans les suaves mélodies du chant sacré. Sergius y fit des progrès rapides, et en quelques années devint le plus distingué de toute l’école. Léon III se faisait rendre compte des succès de l’orphelin ; il prenait plaisir à les apprendre de la bouche des professeurs ; il le fit acolyte de la sainte Eglise romaine. Cet excellent pape étant mort après vingt ans d’un glorieux pontificat, eut pour successeur Etienne V, qui porta le même intérêt à Sergius, et le voyant rempli d’ardeur pour l’étude des lettres divines lui conféra le sous diaconat. Étienne ne fit que passer sur le siège apostolique et Pascal Ier prit les rênes du gouvernement de l'Église. Frappé comme ses prédécesseurs de la vertu, de la prudence singulière et de l’érudition de Sergius, il le consacra prêtre du titre de Saint-Sylvestre. Dans ce poste éminent, Sergius se fit. distinguer entre tous par sa charité, son zèle, sa vigilance et la pieuse industrie avec laquelle il instituait et soutenait
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p318 PONTIFICAT DE SERGIUS II (8-4-4-847).
les œuvres de miséricorde. Après les pontificats successifs et rapides d’Eugène II et de Valentin, Grégoire IV leur successeur, depuis longtemps avec Sergius, le choisit pour archiprêtre de la sainte Eglise.»
2. « Sergius occupa cette fonction durant les seize années du pontificat de Grégoire IV, si rempli de grandes et saintes œuvres. A la mort de cet illustre pape, les sénateurs et optimates de Rome le clergé et tout le peuple se réunirent suivant l’usage afin de procéder à l’élection. Divers noms étaient mis en avant, on proclamait tel ou tel candidat sans que l’attention publique se fixât sur aucun. Lorsqu’on vint à prononcer le nom de l’archiprêtre Sergius, tous les souvenirs se reportèrent sur les éminents services rendus par lui à l’Eglise et à la ville de Rome ; on rappelait chacune de ses actions. D'une commune voix, tous s’écrièrent: Sergius est digne du pontificat ! L’élection fut confirmée avec les formalités ordinaires, et chacun se retira en grande allégresse. »
3. « Mais soudain un diacre de l’Église romaine, du nom de Jean, furieux de n’avoir point été élu, se mit à la tête d’un groupe de factieux qu’il entraîna au palais de Latran. Les portes en furent brisées à coups de pierriers et autres engins de guerre, puis au mépris de toutes les lois divines et humaines, Jean s’y installa de vive force. La stupeur, la consternation étaient immenses. Pendant plus d’une heure, l’ignoble populace envahit tout le palais au milieu d’une confusion et d'un désordre inexprimables. Cependant les princes des Quirites indignés d’un pareil attentat mirent toute la milice sous les armes, et avec une cavalerie imposante se réunirent à la basilique de Saint-Martin où Sergius s’était réfugié. Ils procédèrent à son exaltation et l’escortèrent en grande pompe, aux acclamations du vrai peuple romain jusqu'au palais patriarcal. A leur approche, les factieux saisis d'une terreur panique s’enfuirent dans toutes les directions. On fit la remarque que ce jour-là il tomba à Rome une telle neige que la ville en était couverte comme d’un manteau blanc ; ce qui parut à la foule un signe de prospérité et de joie. Le diacre Jean tomba au pouvoir des chefs de la milice qui le firent ignominieusement sortir du palais et le jetèrent dans une
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p319 CHAP. Vif. — NOTICE DU LIBER l’ONTIFICALIS.
prison ou il fut tenu sous bonne garde. Son forfait avait tellement irrité les princes que dans un conseil à ce sujet, l'infâme diacre fut condamné à mort. Quelques-uns voulaient qu’on aggravât son supplice et qu’il eut le corps coupé en morceaux. Mais le miséricordieux Sergius réussit à calmer l’emportement général ; à force d’éloquence, il fit comprendre aux princes qu’un pape doit pratiquer la maxime évangélique de ne jamais rendre le mal pour le mal. Il obtint la grâce de Jean, qui fut envoyé en exil. »
4. « Le dimanche suivant (27 janvier 844), au milieu des transports d’enthousiasme du clergé, des grands et de tout le peuple de l’Eglise romaine 1, l’homme de Dieu reçut la consécration pontificale et fut intronisé sur la chair apostolique et très-sacrée du bienheureux Pierre. Il avait toutes les qualités qu’on peut souhaiter dans un pontife : illustre par son origine, par dans sa foi, éloquent dans ses discours, humble devant Dieu, grand devant les hommes, affable et plein de douceur, zélé pour la discipline ecclésiastique et pour le bonheur des peuples, père des pauvres, appui et protecteur de la veuve et de l’orphelin, large distributeur d’aumônes, providence des captifs dont il payait généreusement la rançon, détaché des choses de le terre, uniquement avide des richesses spirituelles et des grâces célestes. Lorsque l’auguste empereur Lothaire eut été informé de la consécration que venait de recevoir Sergius2 , il fit partir sur-le-champ pour Rome son fils Louis avec une grande armée de Francs. L’archevêque de Metz, Drogo3, accompagnait le jeune prince en qualité de premier conseiller. Il avait à sa suite une nombreuse escorte de métropolitains, évêques,
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1 Omnibusque Ecclesiœ populis. Cette expression remarquable qui se retrou¬vera maintenant plusieurs fois dans les pages du Liber Pontificalis caractérise nettement la situation des peuples de l'État romain devenus sujets du saint-
siége.
2 Cette phrase contredit formellement la thèse des historiens gallicans qui prétendent qu'aucune consécration pontificale ne pouvait avoir lieu sans l'agré¬ment préalable de l'empereur.
3 On se souvient que le titre honorifique d'archevêque avait été donné par le pape Clément IV à saint Chrodegand. Drogo était fils de Charlemagne et grand-oncle du jeune roi Louis, qu'il accompagnait à Rome.
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abbés et comtes de l’empire. L’indiscipline régnait dans leur nombreuse armée. A peine arrivés sur les côtes de Bologne, les soldats se livrèrent à de tels excès dans les campages et les villes situées sur leur passage, que les populations épouvantées quittaient leurs demeures et allaient chercher un asile dans les forêts ou dans les rochers des montagnes. L’armée franque, continuant ses déprédations et ses cruautés, parvint jusqu’au pont de Capella. Or le ciel était brillant et pur ; il eût été impossible d’y découvrir la moindre vapeur ni aucun symptôme d’orage. Tout à coup d’épaisses et noires nuées s’amoncellent et de leurs flancs s’échappent des éclairs qui brillent au milieu des roulements du tonnerre. L’armée en fut comme enveloppée et quelques-uns d s principaux officiers tombèrent frappés de la foudre à côté de Drogo leur chef. La terreur et la consternation furent grandes parmi les Francs. Cependant ils n’abandonnèrent point leur fierté ordinaire, et ils avancèrent sur la ville sainte avec la résolution d’y exécuter leurs desseins hostiles 1. »
5. « A la nouvelle de leur approche, le très-bienheureux pontife Sergius envoya tous les juges romains au devant du roi Louis jusqu'au neuvième milliaire. Ces magistrats, précédés des bannières de la cité et escortés par un peuple nombreux, saluèrent le jeune prince avec des acclamations d’amour et de joie. Ils l’accompagnèrent jusqu'à un mille de Rome. Là toutes les écoles latines et grecques attendaient le roi Louis et chantèrent chacune en leur langue des vers à sa louange. Enfin, à quelque distance de la ville, sa sainteté le pape Sergius envoya tout le clergé avec les croix vénérables et les étendards apostoliques à la rencontre du prince franc, ainsi qu’il est d’usage pour la réception solennelle d’un empereur ou d’un roi. Aussitôt qu’il aperçut les croix et les bannières pontificales, Louis manifesta hautement sa joie, et ses dispositions hostiles firent place à des intentions pacifiques. Reprenant alors sa marche, précédé du clergé, des juges et des diverses écoles, il
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1 Le Liber Ponlificalis n'explique ni la cause de cette hostilité ni la nature de la vengeance que méditaient les Francs. Nous suppléerons plus loin à son silence.
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p321 CHAP. VII.— .NOTICE DU LIBER I'O.NIII 1CALIS.
Arriva jusqu'il la basilique du bienheureux Pierre. Le pontife debout sur les degrés du portique extérieur, entouré des évêques et des principaux dignitaires ecclésiastiques attendait le jeune roi. Or, ceci se passait la veille du premier dimanche après la Pentecôte. Le prince monta tous les degrés du portique, et joignant enfin le pontife, ils s’embrassèrent. Louis prit la main droite du pape, et ensemble ils s’avancèrent jusqu'aux portes d’argent. Eu ce moment, un des officiers francs de l’escorte royale tomba dans d’effroyables convulsions, sous l’empire d’une possession démoniaque. Cet accident fut pour le pontife comme une révélation surnaturelle. Il ordonna de fermer aussitôt toutes les portes de la basilique avec injonction de ne les ouvrir que sur le signe qu’il en donnerait lui-même. L’ordre fut immédiatement exécuté et les portes d’argent comme les autres se refermèrent. S’adressant alors au jeune prince et fixant sur lui un regard plein de majesté: Si vous venez, dit-il, avec des intentions pacifiques et sincèrement dévouées au bienheureux Pierre, ces portes s’ouvriront par mon ordre et vous livreront passage; sinon elles resteront closes et vous n’en franchirez pas le seuil. — Le roi répondit aussitôt qu’il n’avait aucun dessein hostile, aucun projet malveillant. Alors le pape fit le signal convenu, il toucha de la main les portes d’argent, qui se rouvrirent à l’instant même. Ils entrèrent ainsi dans l'intérieur de la basilique, pendant que tout le clergé et les religieux chantaient le verset : Benedictus qui venit in nomine domini. A la suite du pontife et du roi, tous les évêques, abbés, juges et comtes francs vinrent se prosterner à la confession du bienheureux Pierre, rendant grâces à notre Dieu tout-puissant et au prince des apôtres. Le pontife, après avoir récité l’oraison pour le peuple, donna la bénédiction apostolique, qui termina la cérémonie,»
6. « Le lendemain dimanche, dans cette même basilique du prince des apôtres, tous les archevêques, évêques, abbés et lCudes francs, réunis au sénat et aux optimates de Rome, firent escorte au jeune roi, qui devait être sacré des mains du pontife. Le bienheureux Sergius versa l’huile sainte sur la tête de Louis, fils de l’empereur Lothaire, le couronna d’un diadème royal et le proclama roi
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des Lombards. Il lui présenta le glaive béni, symbole de la puissance royale et le lui fit ceindre. La messe pontificale fut chantée en grande pompe et tous les Francs, pleins de joie, reconduisirent le roi à son palais. »
« Cependant les troupes toujours indisciplinées continuaient dans la campagne romaine les dépradations et le pillage. Les champs couverts de moissons, les prairies où paissaient de nombreux troupeaux, furent ravagés comme par un coup de foudre. Le vigilant pontife apprit que, non contents de ces désordres, les soldats francs se présentaient aux portes de Rome, exigeant au nom de l’hospitalité qu’elles leurs fussent ouvertes et qu’ils pussent visiter cette ville fameuse. Sergius résista à toutes les menaces, fit tenir les portes fermées et épargner à la cité sainte les horreurs du pillage. Un autre conflit plus grave s'éleva bientôt entre le pontife soutenu par tout le clergé et les optimates romains d'une part, et les archevêques, abbés et comtes francs de l'autre. Drogo de Metz, chef de ces derniers, entreprit un véritable attentat contre l’Eglise universelle de Rome, mère de toutes les autres. Il prétendait faire décréter qu'à l’avenir aucun pape ne pourrait être sacré qu’avec l'autorisation de l’empereur et en présence de ses envoyés1). En dehors de toutes les lois canoniques, sans aucune autorité métropolitaine, Drogo réunit en concile les évêques d’Italie, savoir : Georges de Ravenne, Angilbert de Milan, Joseph d'Eporedia, Aginulf de Vérone, Alméric de Cama, Northaud de Verceil, Sigefrid de Reggio, Toringan de
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1 La phrase que nous intercalons entre parenthèses n'appartient point au Liber Pontificalis. Nous l'empruntons aux annales de Saint-Bertin. dont voici le texte complet : Sergio in sede apostulica ordinato, Lolharius filiam suma Ludo-vicum Rumam cmi> Drogone Mediomatrkornm epiteopo dirigit, nrtnros lie dein-ceps, décadente aposlolico, quisafuam illic prœter sui jusswncm, missorumque suu-rum pfivsentiam ordinctur untistex. —Nous voyons ici reparaître la prétention tyrannique si longtemps revendiquée par les empereurs byzantins, qui avaient appris d'un roi goth et arien, Théodoric, cette théorie sacrilège en vertu de laquelle les successeurs de saint Pierre devaient tenir leurs pouvoirs d'un prince séculier. Lothaire, petit-fils de Charlemagne, avait déjà oublié que l'empire d'Occident avait été rétabli par le saint-siége avec la mission de protéger l'Église et non de la tyranniser.
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p323 CHAP. VII. — NOTICE J>U LIUEK PUNTIHCALIS.
Concordia, Odelbert d’Acqui, Ambroise de Lucques, Jean de Pise, Pierre de Volferra, Gausprend de Pistoie, Lantio de Sienne, Lupus de Textri, Sigismond des Abruzzes. Ricco d'Areoli, Fratellus de Camerino, Gisus de Fermo, Racipert de Noceria, Amadeus de Pinno, Donat de Fiesole et beaucoup d'autres, auxquels se joignirent les comtes francs Adalgise, Jean, Vuldo, Vernand, Winfrid et Maurinus. Tous prenaient parti pour Drogo et s’efforçaient de faire prévaloir le système oppressif de l'empereur Lothaire. »
8. « Mais par une protection manifeste de Dieu, leurs raisonnements échouèrent l’un après l'autre devant la prudence du bienheureux pontife. La grâce et la vertu divine qui éclataient dans la personne du pape déconcertèrent toutes les intrigues et tous les projets des factieux. Couverts de confusion et subjugués par la force des arguments du pontife, les évêques rebelles se retirèrent. Le repentir entra dans leur âme; ils abandonnèrent leur sacrilège entreprise. La haine et la fierté qu’ils avaient montrées précédemment firent place à une soumission exemplaire. Toutes leurs prétentions se réduisirent à une supplique dans laquelle ils demandaient au pape de faire prêter par les primates romains serment de fidélité au roi Louis. Mais Sergius, avec sa prudence accoutumée, rejeta cette requête. Si vous me demandiez, répondit-il, que ce serment fût prêté au grand empereur Lothaire, j’y consentirais de grand cœur et je donnerais sur-le-champ l’autorisation que vous sollicitez. Mais ni moi, ni la noblesse romaine ne consentirons à prêter un tel serment au fils de l’empereur, au prince Louis, qui n'est encore que roi des Lombards. »
9. « On s’en tint, cette fois encore, à la décision du pontife. En conséquence, une cérémonie solennelle fut indiquée dans la basilique de Saint-Pierre. Le pape et le roi prirent place chacun sur un trône, entourés des archevêques et évêques également assis. Le reste du clergé, les comtes francs et les optimates romains restèrent debout, et dans cette attitude jurèrent sous la foi du serment fidélité au grand empereur Lothaire, toujours auguste. Après cette imposante protestation, deux archevêques, Ebbo de Reims et Barthélemy de Narbonne vinrent s'agenouiller aux pieds du pape, le suppliant
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p324 PONTIFICAT DE SERÜKJS II (8U-8't7).
de les rétablir sur leurs sièges. (Ebbo, déposé du vivant de Louis le Débonnaire à la suite des intrigues politiques auquelles il s’était ardemment mêlé, venait d’être, par décret impérial de Lothaire, rétabli sur son siège métropolitain. Barthélemy de Narbonne se trouvait dans la même situation. Tous deux avaient profité du couronnement du nouveau roi des Lombards pour venir à Rome implorer à la fois la clémence du pontife et celle du fils de Lothaire). Ils présentèrent donc en commun leur supplique au pape, devant toute l’assemblée, le priant de daigner leur accorder le pallium et de les réconcilier avec l’empereur. Mais le bienheureux pontife, strict observateur des lois canoniques qui défendent aux clercs de s’immiscer de leur chef et sans y être appelés dans le gouvernement des États, repoussa leur demande et maintint les décisions synodales qui les avaient frappés en les réduisant à la communion laïque. »
10. « (Sur ces entrefaites, un traité venait d’être conclu entre le roi Louis et Siconélf, duc de Bénévent. Ce dernier, longtemps rebelle à la suzeraineté franque, consentait enfin à la reconnaître. Il avait expulsé de ses Etats les Sarrasins ses alliés, et s’engageait à payer au jeune roi pour ses trahisons antérieures une amende de cent mille nummi d’or 1 ). Siconulf vint à Rome avec toute l'armée du duché de Bénévent afin de prêter le serment de foi et hommage entre les mains du jeune roi, qui l’accuillit avec les plus grands honneurs et lui accorda toutes les faveurs qu’il sollicitait. La réunion des guerriers de Bénévent à ceux de l’armée franque formait autour de la ville sainte une agglomération immense: toutes les plaines en étaient couvertes et malheureusement toutes furent dévastées. Siconulf désirait être admis à l’audience du pape, afin de recevoir la bénédiction apostolique. Sergius, à la sollicitation du roi, lui accorda cette faveur. Le duc se prosterna devant le pontife, baisa humblement les pieds du vicaire de Jésus-Christ, reçut la bénédiction du pape et se retira en rendant grâces à Dieu. — Enfin,
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1. Ce détail qui fait mieux comprendre le reste du récit est tiré des annales de Saint-Bertin et n’appartient pas au texte du Liber Ponlificalis.
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p325 CHAP. MI. — NOTICE Dll LIBER 1'ONTIFICALIS.
toutes les négociations étant achevées, le très-excellent roi Louis prit le chemin de Pavie où il allait inaugurer son règne, et les troupes de Siconulf retournèrent au duché de Bénévent. Toute la population des États de l’Église, hommes, femmes et enfants, le sénat et les habitants de Rome, heureux d'être délivrés de cette double peste et de l'horrible oppression des soldats étrangers, vinrent en foule remercier le pontife, qu'ils saluèrent des titres de sauveur de l’Italie, de père de la paix. Sergius déclinait avec modestie leurs éloges, déclarant que Dieu seul dans sa miséricorde, avait tout conduit. »
11. « Il nous serait impossible, ajoute le Liber Pontificalis, de raconter toutes les saintes actions du pontife, malgré la trop courte durée de son règne. Qu'il nous suffise d’inscrire les principales fondations ou restaurations de monuments religieux,dues à sa charité et à son zèle infatigables. » Suit en effet une longue liste comprenant à peu près toutes les basiliques romaines, dont Sergius fut le bienfaiteur insigne. Parmi tant d’œuvres qui absorbèrent la pieuse sollicitude du saint pape, nous remarquons la reconstruction de l’église de Saint-Michel, au mont Gargano, ruinée par la dernière invasion des Sarrasins. On ne voit pas non plus sans attendrissement la générosité de Sergius se reporter sur le modeste asile où s'était écoulée sa studieuse adolescence. « L’école cantorale, qui avait précédemment porté le nom d'orphanotrophium (orphelinat), dit le Liber Pontificalis, ne disposait que d'un édifice délabré et tombant presque en ruine. Sergius reconstruisit les bâtiments sur un plan spacieux et les pourvut d’un mobilier neuf ainsi que de tous les accessoires nécessaires. Le très-bienheureux pontife gouvernait ainsi très-glorieusement le siège apostolique de Rome, lorsqu'après trois ans seulement de règne, il fut enlevé à l'affection de son peuple et émigra dans l’éternel repos. En une ordination, au mois de mars, il consacra huit prêtres, trois diacres et vingt-trois évêques destinés à diverses églises. Il fut enseveli dans la basilique du bienheureux apôtre Pierre1. »
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1 Liber Pontifical. Sergius ff pap. 105, Pair. lut., tom. CXXYUI, col. 1291- 1.102.