St Maxime 3

Darras tome 16 p. 124

 

   26. Le bienheureux prisonnier, rentré dans la solitude de son cachot, dut se demander plus d'une fois si tout cela était sincère. Dès le 8 septembre suivant, il revit l'un des trois délégués, le consul Paul, chargé par l'empereur « de ramener l'abbé Maxime avec tous les honneurs et les égards dus à sa glorieuse vieillesse, et de le conduire au vénérable monastère de saint Théodore à Rhegium, près de Constantinople. » C'étaient les expressions mêmes du rescrit dont le consul donna lecture au captif. Le voyage s'accomplit en quatre jours. Le 12 septembre 656, Maxime arriva au monastère de Saint-Théodore et y reçut le plus honorable accueil. Dès le lendemain l'évêque Théodose, les deux patrices Epiphane et Troïlus, suivis d'un nombreux et brillant cortège, vinrent conférer avec lui. Ils prirent place dans le catechumenium de l'église abbatiale, et faisant asseoir le confesseur au milieu d'eux, Troïlus lui dit : « Notre maître l'empereur nous a chargés de vous communiquer les résolutions inspirées par Dieu même à sa haute sagesse. Êtes-vous prêt à exécuter ses ordres ? — Faites-les moi d'abord con­naître, demanda Maxime. — Non, non, reprit Troïlus. Nous ne vous dirons rien avant que vous n'ayez vous-même répondu à cette question : Obéirez-vous oui ou non aux ordres de l'empereur? — Et comme le saint refusait, malgré l'insistance du patrice, à se prononcer sans connaissance de cause, les officiers civils et mili­taires de l'escorte s'associèrent par leurs murmures à l'impatience de Troïlus. Maxime alors s'écria : Puisque vous refusez à votre

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1 S. Maxim. Acta; Pair, grac, tom. XCVI, col. 147-159.

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serviteur de lui communiquer les ordres de l'empereur votre maître, en présence de Dieu qui m'entend, en présence des saints anges et devant vous tous qui en serez témoins, je jure d'obéir à l'empereur et d'exécuter fidèlement ses prescriptions en tout ce qui concerne les choses de l'ordre temporel. —A ces mots Troïlus se leva furieux, et sortit en criant : Je quitte la place ; il n'y a rien à faire avec cet homme ! — Un tumulte effroyable suivit cet inci­dent. Les interpellations se croisaient en tous sens dans l'assemblée. Enfin l'évêque Théodose réussit à se faire écouter. Communiquez d'abord à Maxime les ordres de l'empereur, dit-il, et recevez la réponse qu'il voudra y faire. Rompre la conférence, sans avoir échangé de part ni d'autre une seule parole, me semble peu séant et peu raisonnable. — Cet avis prévalut et le patrice Epiphane, s'adressant au confesseur, lui dit : Voici textuellement ce que l'empereur te fait mander par notre intermédiaire : Tout l'Occi­dent rebelle, et ceux des orientaux qui se sont laissés pervertir par cette révolte contagieuse, ont les yeux fixés sur toi. Ta résistance entretient seule les factieux dans leur obstination. Laisse-toi toucher enfin par la grâce divine. Si tu consens à reconnaître le type que nous avons promulgué, si tu veux communiquer avec nous, j'irai en personne te recevoir à Chalcis, nous échangerons le baiser de paix, je mettrai ma main dans la tienne, je t'introduirai en grande pompe dans la basilique des Saints-Apôtres et te ferai asseoir à côté de mon trône. Ensemble nous recevrons la communion, nous parti­ciperons au mystère du corps et du sang vivifiants du Christ. Nous te proclamerons notre père, et la joie sera immense non-seulement dans notre impériale et religieuse cité mais dans tout l'univers. Partout en effet on n'attend que ton exemple pour communiquer avec ce siège patriarcal. — Après cette déclaration officielle, l'homme de Dieu se tourna vers l'évêque Théodose, et les yeux bai­gnés de larmes lui dit : Est-ce là ce que vous aviez juré sur les saints évangiles, sur la croix de Jésus-Christ notre Sauveur, sur l'image de la très-sainte Vierge sa mère? — L'évêque baissa la tête et ré­pondit en soupirant : Que puis-je faire contre la volonté impériale qui en a décidé autrement? — Mais alors, reprit Maxime, comment

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vous, et les deux patrices, juriez-vous sous la garantie d'un serment sacré des conventions qu'il n'était pas en votre pouvoir d'accomplir? Toutes les vertus des cieux ne m'auraient pas contraint à trahir ainsi ma conscience et ma foi. — A ces mots, les assistants se ruèrent sur le saint vieillard, lui arrachant la barbe, déchirant son visage de leurs ongles, le couvrant de crachats, le frappant à coups de pieds et de poings. — L'évêque s'interposa : Ce procédé n'est pas cano­nique, disait-il à ces furieux. Vous avez entendu sa réponse ; il ne vous reste plus qu'à la transmettre au très-pieux empereur. — A grand'peine il réussit à faire cesser cette scène de barbarie. Mais les injures, les outrages, les blasphèmes contre l'homme de Dieu continuèrent longtemps encore. Enfin un calme relatif succéda à cette explosion de rage, où chacun des courtisans tenait à faire remarquer son zèle pour la théologie impériale. Le patrice Epiphane se distingua entre tous par sa violence. Dis-nous donc, infâme scélérat, chien dévorant, s'écria-t-il, dis-nous que tu nous regardes tous comme des hérétiques, nous, ainsi que les habitants de cette capitale et notre auguste empereur ! Nous sommes pourtant plus chrétiens et plus orthodoxes que toi. Nous crois-tu assez ignorants pour ne pas reconnaître que Jésus-Christ, comme Dieu, avait une opération et une volonté divine, et comme homme, une opération et une volonté humaine ? Est-ce que nous nions une chose aussi claire ? — Puisque telle est votre croyance, pourquoi, demanda le confesseur, voulez-vous m'obliger à souscrire le type qui la sup­prime? — En ce moment Troïlus venait de rentrer dans la salle. Il y a un an, dit-il, dans le palais du sénat, je t'ai formellement déclaré que le type ne supprimait rien, qu'il demandait seulement le silence. — Il est écrit dans l'Évangile, dit Maxime : « Quiconque aura confessé ma foi devant les hommes, je proclamerai son nom devant mon père qui est aux cieux 1. » Taire la parole c'est la supprimer. Le mystère divin de l'Incarnation qui a sauvé le monde doit être prêché à haute voix dans tout l'univers, nul ne peut fermer la bouche aux apôtres, aux prophètes, aux docteurs de la vérité. —

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1. Matth., x, 32.

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Le patrice Epiphane, interrompant le confesseur, lui cria : As-tu souscrit le libelle du Latran? — Oui, dit Maxime, je l'ai souscrit. — Ainsi, reprit le patrice, tu as osé lancer l'anathême contre des chrétiens qui professent la foi de l'Église catholique. En vérité, si l'on m'en croyait, tu serais attaché au pilori par la main du bour­reau, et l'on rassemblerait toute la populace de la ville pour te souffleter et te cracher au visage ! — La séance se termina ainsi. Allons rendre compte à l'empereur de notre mission, dirent les patrices. Ce moine est un suppôt de Satan 1. »

 

27. Le lendemain, fête de l'exaltation de la Sainte Croix (14 septembre 636), Troïlus et Epiphane revinrent seuls trouver l'héroïque confesseur. Ils le dépouillèrent du petit nombre d'objets restés à son usage. Va, lui dirent-ils, tu n'as point voulu de l'honneur, l'honneur s'éloigne de toi. Tu n'auras que ce que tu mérites, en reprenant le chemin de l'exil. — Puis ils ajoutèrent : Tes deux complices, celui de Sélimbrie et celui de Perbère, n'échapperont pas au châtiment. Ils passeront bientôt devant notre tribunal. Sache-le bien, moine, si Dieu nous protège et nous délivre des barbares qui menacent en ce moment l'empire, le pape de Rome, cet insolent dont l'orgueil se relève, sera saisi avec tous ses dis­ciples, amené ici et traité comme le fut Martin son prédécesseur ! Les barbares auxquels ils faisaient allusion étaient les musulmans dont les armées, nous l'avons dit, s'étaient avancées jusqu'en Sicile à l'ouest, et jusqu'aux portes de Constantinople à l'est. La victoire dont se flattaient les courtisans de Constant II ne devait pas répondre à leurs espérances. En attendant, Maxime fut livré à une escouade de soldats chargés de le conduire jusqu'à Sélimbrie, première étape de son exil. La garnison de cette ville était compo­sée de chrétiens, auxquels on persuada que le saint abbé était un moine apostat qui blasphémait contre la sainte Vierge et lui refusait le titre de mère de Dieu. Nous avons déjà vu la même calomnie dirigée contre le saint pape Martin. Vraisemblablement les monothélites, afin d'exciter les passions populaires dans une

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1 S. Maxim. Acta., tom. cit., col. 162-107.

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controverse trop métaphysique pour être à la portée du peuple, avaient imaginé quelque raisonnement dans le genre de celui-ci : Distinguer en Jésus-Christ l'opération et la volonté divine de l'opé­ration et de la volonté humaine, c'est implicitement déclarer que dans l'incarnation la Vierge fut la mère de l'homme et non la mère de Dieu. Si tel fut le paralogisme employé par les monothélites, la distinction des deux natures, qu'ils admettaient cependant, pouvait donner lieu à la même objection. La rumeur calom­nieuse propagée à dessein dans le camp de Sélimbrie faillit aboutir à une émeute. Les soldats voulaient se précipiter sur Maxime et le mettre en pièces. Le préteur réussit à calmer les esprits. Une députation de centurions et de porte-étendards, accompagnés de prêtres et de diacres, se rendit près du véné­rable captif. Un prêtre à cheveux blancs prit la parole et dit : «Père, votre nom est devenu parmi nous l'objet d'un grand scan­dale. On accuse votre sainteté de refuser à la Vierge notre Dame son titre de mère de Dieu. Au nom de la Trinité sainte, consubstantielle et vivifiante, je vous adjure de nous dire quels sont en réalité vos sentiments, afin que nous ne soyions pas injustement scandalisés à votre sujet. — En entendant cet étrange message, le confesseur s'était agenouillé et pleurait. Levant au ciel les mains et les yeux, il répondit : Quiconque ne reconnaît pas dans la Vierge notre Dame, digne de toutes louanges, très-sainte et immaculée, la mère du Dieu qui a fait le ciel et la terre, que celui-là soit anathème et catathème au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, trinité consubslantielle et adorable, au nom du chœur des anges, au nom du sénat des apôtres et des prophètes, de la phalange innombrable des martyrs, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen. — Les soldats et les prêtres, émus des paroles du vieillard et de la foi avec laquelle il les avait prononcées, le comblèrent de bénédictions. Père, disaient-ils, que Dieu vous protège et vous donne la force de supporter tous les tourments. —La multitude qui s'était jointe à la députation, en apprenant la profession de foi de Maxime, poussait des cris de joie. Tous voulaient entendre le confesseur et recueillir de ses lèvres les enseignements sacrés qu'il leur prodi-

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guait. Le rassemblement grossissait toujours; le préteur, plus alarmé de ces témoignages sympathiques qu'il ne l'avait été des démonstrations précédentes, fit enlever le confesseur pour le trans­porter à deux milles du camp, jusqu'à l'arrivée de la nouvelle escorte chargée de le conduire au terme de son exil. Mais les clercs ne voulurent pas se séparer du saint vieillard; ils le suivirent durant ces deux milles, et passèrent la nuit à ses côtés. Le lende­main, quand l'escorte fut arrivée, ils lui remirent une somme d'ar­gent, produit d'une collecte faite au camp, le firent monter sur un cheval acheté par eux, et lui donnèrent le baiser de paix, se recommandant à ses prières et le saluant comme un martyr1. »


   28. L'homme de Dieu fut conduit cette fois à Perbère, où il retrouva son disciple Anastase. Quelques mois après, tous deux furent ramenés à Constantinople. L'autre Anastase, l'ancien apocrisiaire, également rappelé de Sélimbrie, arriva en même temps qu'eux pour comparaître devant un synode monothélite, présidé par le patriarche byzantin. Nous n'avons plus les actes de ce con­ciliabule. La sentence qui y fut prononcée est seule parvenue jus­qu'à nous. Après avoir anathématisé et livré à l'exécration de l'univers, dit l'hagiographe, les noms de Maxime, des deux Anas­tase, du bienheureux pape Martin et de saint Sophronius, patriarche de Jérusalem, les évêques formulèrent le jugement des accusés en ces termes : «Le présent synode, au nom de Jésus-Christ vrai Dieu et tout-puissant Seigneur, anathématisé et livre à la géhenne de Satan, vous Maxime et vous les deux Anastase, en punition de vos blasphèmes. Reste au pouvoir civil à frapper du glaive de la loi vos discours impies et vos attentats sacrilèges. Comme nulle pénalité humaine ne saurait être proportionnée à vos forfaits, nous remettons au juge suprême le soin de les punir selon la rigueur de sa justice éternelle. Pour ce siècle présent, nous vous laisserons la vie, adoucissant ainsi la sévérité des lois; Mais nous décrétons qu'au sortir de cette enceinte vous serez conduits au prétoire im­périal, où son amplitude le clarissime préfet vous fera appliquer la

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1 S. Maxim. Âota; Pair, grœc, tom. XC, col. 168-170.

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flagellation, ensuite on vous arrachera la langue, instrument de vos blasphèmes, et l'on vous coupera la main droite. En cet état vous serez promenés à travers les douze régions de cette auguste capitale, et conduits pour un exil perpétuel dans un cachot où vous pourrez, le reste de votre vie, pleurer sur vos crimes et souf­frir les maux que vous vouliez appeler sur nos têtes.1 » Telle fut cette monstrueuse sentence. Les évêques qui la prononcèrent seront à jamais la honte de l'épiscopat byzantin. La fureur héré­tique qui l'avait inspirée frappait bien plus l'hérésie elle-même que les martyrs. Après une pareille débauche de cruauté, le monothélisme était décrédité sans retour. Mais que dire du despotisme im­bécile et brutal de Constant II lequel, non content d'avoir dicté à des évêques courtisans cet arrêt sanguinaire, prit plaisir à le faire exécuter avec tous les raffinements d'une atroce barbarie? « Maxime, dit l'hagiographe, fut traîné au prétoire, étendu sur le chevalet, flagellé à coups de nerfs de bœuf, jusqu'à ce que son corps, déjà si amaigri par la vieillesse et la souffrance, ne fût plus qu'un sque­lette sanglant. Les deux Anastase subirent le même supplice. A chaque minute, le préfet du prétoire stimulait le zèle des bourreaux en criant : « Point de pitié pour ces contumaces, rebelles aux ordres de l'empereur! » Après la flagellation, une main plus exercée, pro­bablement celle d'un chirurgien, armée d'un instrument spécial, coupa la langue des trois confesseurs jusqu'à la racine en y com­prenant l'épiglotte. « Ainsi tomba, disent les actes, cette langue du très-grand Maxime, la plus diserte, la plus éloquente, la plus féconde en enseignements divins, que depuis Chrysostome les Grecs eussent entendue.» Mais, par un prodige qui redoubla la rage des persécuteurs, l'homme de Dieu ne perdit point la parole après qu'on lui en eut arraché l'organe. Sans langue, il continua de par­ler, et l'on vit en ce jour comme une reproduction du miracle évangélique, quand Notre-Seigneur ouvrit la bouche du sourd-muet. Le même phénomène surnaturel eut lieu pour son disciple le moine Anastase et pour le prêtre et apocrisiaire du même nom,

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1 S. Maxim. Acta; Pair, grasc, tom. XC, col. 171.

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avec cette particularité pour le premier, qu'ayant eu jusque-là une voix très-faible, sa parole prit dès lors un éclat et une ampleur inusités. On trancha ensuite la main droite à chacun des confes­seurs. Ainsi mutilés et sanglants, ils furent promenés dans les rues de la ville, comme des parricides et des assassins. Malgré toutes les mesures prises pour exciter contre eux les passions popu­laires, ce spectacle n'excita guère d'autres sentiments que ceux d'une profonde horreur et d'une vive indignation contre le despotisme impérial. Constant II achevait par là de s'aliéner le cœur de ses sujets. Il fit traîner les trois martyrs dans le pays sauvage du Lazique, avec ordre de les abandonner sans secours et sans vivres sur la frontière romaine, près des cantonnements meurtriers des Alains. Il fallut transporter saint Maxime sur un brancard d'osier : mais à peine arrivé au terme de ce pénible voyage, près d'un castrum appelé Schemari, il rendit à Dieu son âme héroïque, à l'âge de quatre-vingt-deux ans (13 août 662). Anastase, son disciple, était mort en chemin le 24 juillet. L'apocrisiaire survécut quatre années, dont il employa tous les instants à la défense de la vérité. Il parvint à écrire, en attachante son poi­gnet mutilé un système de petits bâtons qui soutenaient son stylet ou sa plume. Nous avons encore quelques fragments précieux des œuvres de saint Hippolyte, qu'il avait retrouvées chez les Alains, et dont il recueillit les témoignages favorables au dogme des deux volontés en Jésus-Christ1. Il mourut le 41 octobre 666 dans le castrum de Thusuma, au pied du mont Caucase. Le sang de ces martyrs criait vengeance. Constant II devait bientôt tomber sous les coups de la justice divine.

 

29. Le pape saint Eugène I ne devait pas en être témoin. Il mourut le 2 juin 657, après un pontificat de moins de trois années. Il avait, dans ce court intervalle, montré un courage et une fermeté dignes du successeur des apôtres. Nous n'avons malheureusement plus une seule des lettres qu'il eut occasion d'écrire soit à l'empe-

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1 S.  Hippolyti   Portuens.,   Testimonia cum prolog. ab Anastasio martyre collecta ; Patr. grœc, tom. XC, col. 178.

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reur monothélite, soit aux diverses églises d'Orient et d'Occident, pour les prémunir contre l'hérésie byzantine. Cette perte est d'au­tant plus regrettable qu'elle nous prive d'un témoignage formel qui s'ajouterait, nous n'en doutons pas, à tous ceux que l'histoire a jusqu'ici fait passer sous nos yeux en faveur de l'orthodoxie d'Honorius. Ainsi, dans les divers interrogatoires subis par saint Maxime, alors que les hérétiques byzantins, si habiles à torturer, à falsifier même les textes des docteurs et des pères, réunissaient des séries de citations pour autoriser leurs erreurs, on a pu remar­quer qu'ils n'invoquent pas une seule fois les fameuses lettres d'Honorius. Il fallait donc que, dès lors, la notoriété publique eût fait justice des calomnieuses interprétations dont ces lettres avaient été l'objet de la part des sophistes du patriarcat de Byzance. Mais si les monothélites se turent sur ce point, en revanche ils n'épar­gnèrent pas les menaces au pape saint Eugène, « dont l'insolence, disaient-ils, osait relever la tête. » Ils se promettaient de le voir arracher un jour à son siège, et subir le sort de son glorieux pré­décesseur saint Martin. Leurs menaces et leur colère sont autant d'éloges pour la mémoire d'Eugène I, dont le nom, inscrit au mar­tyrologe romain, demeure entouré de l'auréole des confesseurs pontifes.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon