Arius 42

==================================

 Darras tome 10 p. 384


p384 PONTIFICAT  DE  SAINT  DAMASE   (366-384).


3. On ne saurait exiger pour le poète Ausone un certificat de catholicisme plus explicite. Toutefois, s'il pouvait encore rester un  doute, il suffirait de citer la lettre que saint Paulin de Noie, en renonçant au siècle pour embrasser la profession cénobitique, écrivait à son ancien maître : « Un esprit nouveau me pénètre, disait Paulin à Ausone, mais c'est à vous que je le dois ; aussi est-ce à vous que s'adresse toute ma reconnaissance. Vos leçons m'ont appris à aimer le Christ. Félicitez-moi donc de ma nouvelle résolution; ne me plaignez point, et surtout ne me blâmez pas. Paulin, votre bien-aimé, le fils de votre savoir et de vos vertus, a changé de vie, mais c'est pour appartenir plus entièrement au Christ et à Ausone. A vous la gloire de cette vocation ! Jésus-Christ vous en récompensera ; il vous donnera les premiers fruits de l'arbre que vous avez planté de vos mains 1. » C'était donc très-réellement un maître chrétien qu'Ausone. S'il apprenait aux échos des campagnes de Burdigala et aux rives de la Garonne à redire des chants dont l'inspiration rappelait celle de Virgile et d'Horace, sa muse épurée et chaste ne célébrait ni Lalage ni Alexis. La première idylle d'Ausone est intitulée : «Chant pascal 2; »elle raconte la victoire du Christ sur l'enfer et la mort. Aussi quand l'empereur Gratien, son ex-élève et par conséquent le condisciple de saint Paulin de Noie et de Sulpice-Sévère, songea à décorer le poète bordelais des faisceaux du consulat, il lui mandait : « J'ai longtemps délibéré sur le choix des consuls à désigner cette année. J'y pensais à part moi, et avant tout, comme je dois le faire et comme vous voulez que je fasse toujours, j'ai humblement supplié le Seigneur de m'éclairer de sa grâce, et je lui ai demandé conseil. Obéissant à cette autorité divine, je vous ai désigné pour consul et enfin proclamé le premier des deux consuls de cette année 3. » A ce témoignage si bienveillant et si pieux d'une confiance à la fois souveraine et filiale, Ausone répondait : « Quels comices pour le choix des consuls eussent été plus autorisés et plus complets que ceux où Dieu

--------------------

1 S. Paulin. Nol., Pnema X, vers. 140 et seqq.; Pair. Int., tom. LXI, col. 4J' t It/i/ll. — 2. AI1.-.UU., I, Versus pnicnlti; Pair, lot., toiu. XX, col. S"7. —'Ausou., Gnitiu/'um actaj yro lu/isututu ,' Vjid., col. 942.

=========================================

 

p385 III.  — AVÈNEMENT i"*  1. iiAU'JiHJiUu  ÏJiEUDOSE,

 

commanda et où l'empereur obéit? Ce fut à la suite d'un conseil également saint et vénérable que vous avez appelé votre frère au partage de l'empire, et que vous préparez les mesures de salut qui vengeront la mémoire de Valens, votre oncle. Et en quel temps me donnez-vous ce témoignage d'affectueuse estime? C'est pendant que vous traversez l'Illyrie pour aller anéantir les barbares. Au milieu des sollitudes d'une expédition militaire pleine de périls, la pensée de l'empereur se tourne vers son ancien maître. Pour tant de faveurs, c'est Dieu que je veux remercier; ou plutôt je vous remercierai mieux vous-même, en adressant mes actions de grâces à Jésus-Christ qui vous inspire. Éternel créateur, qui engendrez tout et n'avez pas été engendré, cause et ordonnateur du monde, qui avez précédé tout commencement et qui survivrez à toute fin ; vous qui choisissez votre demeure et vos temples dans le cœur de vos fidèles, soyez béni d'avoir inspiré à Gratien, ce maître des affaires humaines, la tendre affection qu'il a pour moi 1 ! »

 

4. Le consulat d'Ausone inaugura l'année 379, celle qui suivit immédiatement le désastre d'Andrinople.   Gratien s'était dirigé. avec son armée sur l'Illyrie, dans l'intention sinon de livrer bataille aux Goths vainqueurs, du moins de retarder leur marche et de leur fermer le chemin de Rome et de l'Italie. C'était là en effet tout ce qu'on pouvait espérer pour le moment de plus heureux. Cependant Constantinople, directement menacée par l'invasion triomphante, voyait déjà, du haut de ses murailles, les coureurs barbares dévaster les campagnes environnantes. L'alarme était partout ; l'opinion publique effrayée attribuait tant de désastres à la vengeance divine, et n'hésitait pas à dire que les persécutions ariennes de Valens contre l'Église avaient amené la ruine de l'empire. Les princes, quels qu'ils soient, doivent toujours compter avec les démonstrations du sentiment populaire. Un empereur moins profondément religieux que Gratien l'eût fait uniquement par habileté gouvernementale et avec l'hypocrisie d'un compromis poli-

-------------------------

1 Auson., Grmtiarum Actio pro Consulat»; Pair, lat., tom. XX, col. 942-94».
x. 25

=========================================

 

p386 rosTincAT de saint damase (3GG-384).

 

tique. L'élève couronné d'Ausone était incapable d'une pareille transaction avec sa conscience. Ce fut donc dans une bonne foi entière et un ferme désir de mettre sa puissance au service de la vé- rité, qu'avant de partir pour l'Orient il s'adressa à saint Ambroise, comme autrefois Jovien à Athanase, afin d'obtenir du grand évêque un précis de la foi orthodoxe qui lui permît de démêler les artifices des Ariens et de se reconnaître au milieu de tant de sectes contradictoires. Telle fut l'ongine d'un important ouvrage, divisé en cinq livres et intitulé de Fide. Saint Ambroise, en le transmettant au jeune empereur, lui disait : « Sur le point de vous engager dans une guerre aussi indispensable que périlleuse, vous m'avez demandé, religieux Auguste, un précis de la foi véritable. Jadis la reine du midi venait, de ses contrées lointaines, entendre les paroles de sagesse qui tombaient des lèvres de Salomon. Le roi du Liban, Hiram, sollicitait le même honneur. Hélas ! je ne suis pas Salomon ; mais vous êtes, comme Hiram et la reine de Saba, plein d'amour pour la vérité; de plus, au lieu de n'avoir qu'un royaume fort limité et circonscrit dans des bornes étroites, vous êtes le maître du monde. Votre foi et votre piété sont donc infiniment plus méritoires. Laissez-moi vous affirmer que vous avez compris le moyen de vaincre. C'est par la foi plus que par les armes que vous triompherez. Il ne fallut à Abraham que trois cent dix-huit serviteurs fidèles pour abattre l'orgueil d'ennemis innombrables. Josué, avec les sept trompettes sacerdotales et le secours de la milice céleste, fit tomber les murs d'une orgueilleuse cité. Vous aussi, vous assurez votre victoire par l'amour que vous témoignez à Jésus-Christ; vous la préparez par votre foi. Quand vous annoncez le dessein de combattre pour la cause du Seigneur, vous pouvez avoir la certitude que le Seigneur combattra pour la vôtre. L'œuvre que vous demandez de moi est tout à la fois trop ardue pour mon faible génie, et trop précipitée par le temps pour être complète. Je n'ai pas hésité cependant à sacrifier à la grandeur de l'objet toutes les autres considérations. Voici ce qu'à la hâte j'ai pu réunir d’autorités et de témoignages pour établir la vérité de la foi catho-

=========================================

 

p387 CHAP.   III.    AVENEMENT  DE  L EMPEREUR   TnÉODOSE. CS7

lique. Tout ce que j'expose est tiré des conciles, et en particulier de cette auguste réunion de Nicée, où trois cent dix-huit évêques, comme autrefois les serviteurs d'Abraham, ont, d'un cœur et d'une foi unanimes, élevé l'étendard de la vérité au-dessus de toutes les perfidies et de toutes les dissimulations de l'erreur. A mes yeux, ce nombre patriarcal des pères de l'Église catholique me paraît ménagé providentiellement entre les défenseurs de la vraie foi et les soldats du Père des croyants 1. »

 

5. Quelque rapide qu'ait pu être la composition du traité ambrosien de Fide, il est cependant aussi complet, aussi lucide, aussi triomphant, sous sa forme concise et syllogistique, qu'on aurait pu l'attendre d'une méditation faite à loisir et d'un travail de longue haleine. Mais craignant sans doute que le temps manquât au jeune empereur pour l'étudier dans son ensemble et ses détails, saint Ambroise voulut en faire un résumé court, substantiel, qui exigeât à peine quelques minutes de lecture, et qui pût servir à Gratien comme d'un manuel sans cesse présent à sa pensée et à ses yeux. Théodoret nous a conservé en grec ce résumé dont le texte latin ne se retrouve plus parmi les œuvres du grand évêque de Milan. Voici cette page, où chaque mot a une rigueur théologique et une netteté d'orthodoxie dont saint Thomas d'Aquin seul, dans la suite des âges, eût été capable. « Nous confessons, dit Ambroise, que Jésus-Christ Notre-Seigneur est le Fils unique de Dieu, engendré du Père, avant tous les siècles, sans principe en tant que Dieu ; qu'il s'est en ces derniers temps incarné de la sainte Vierge Marie, et qu'homme parfait composé d'une âme et d'un corps semblables aux nôtres, il a paru en ce monde consubsatantiel au Père selon la divinité, consubstantiel à nous selon l'humanité ; l'union ineffable de deux natures parfaites s'étant consommée en sa personne. Nous confessons donc un seul Christ, un seul Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu; nous croyons qu'en tant que Dieu et comme créateur de toutes choses, il est coéternel au Père. Après le consentement prononcé par la sainte

======================

1. S. Ambros., De Fide prologus ; Pair. lot., tom. XVI, col. 527-523.

=========================================

 

p388 PONTIFICÀT  DE   SAINT   ÙAMASE   (oGli-CSi,.

Vierge quand elle dit à l'ange : « Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole, » nous croyons que le Verbe daigna se choisir un temple dans le sein virginal; qu'il s'unit à Marie par une conception miraculeuse et ineffable; qu'il n'apporta point du ciel dans ce nouveau séjour un corps primitif et coéternel à sa propre substance ; mais qu'il prit au sein de la Vierge un corps formé comme les nôtres, auquel il s'est uni. Le Verbe-Dieu ne fut pas changé en chair, il ne fut pas non plus une apparence fantastique d'homme ; mais conservant sans changement et sans altération sa substance divine, il adopta et revêtit notre nature; en sorte que, comme Dieu-Verbe, il n'a point pris son origine au sein de la Vierge Marie, il n'a point cessé d'être coéternel à son Père; seulement, dans sa bonté infinie, il a daigné s'unire à notre nature, sans qu'il y ait eu confusion entre les deux substances divine et humaine qui demeurèrent distinctes en une seule et même personne. Voilà pourquoi il disait aux Juifs : « Détruisez ce temple, et je le rétablirai en trois jours. » Ce fut selon l'humaine nature, adoptée par lui, que le Christ Dieu subit la dissolution de la mort; et ce temple détruit, il le ressuscita lui-même, en vertu de sa substance divine, selon laquelle il est le créateur souverain. Après son incarnation merveilleuse, il n'a plus quitté la nature adoptive dont il avait daigné se faire un temple. Il demeurait donc à la fois passible et impassible : passible selon l'humanité, impassible selon la divinité. Après sa résurrection, il montrait à ses disciples son humanité glorieuse et parfaite : «Touchez, leur disait-il, et comprenez qu'un esprit n'a ni chair ni os, ainsi que j'en ai. » Il se présentait donc à leurs regards non point comme une apparence fantastique, mais comme une personnalité humaine formée sans confusion, sans conversion, sans altération, de l'alliance du Verbe avec notre nature. Voilà pourquoi il fit toucher aux apôtres les cicatrices des clous et de la lance; voilà pourquoi il mangea avec eux, leur donnant ainsi dans sa personne le type et l'exemplaire divin de notre future résurrection. En sorte que le Verbe, en tant que Dieu, est immortel, impassible, exempt de tout changement, de toute altération; mais en tant qu'Hommc-Dicu, il s'est soumis volontairement

=========================================

 

p389 CHAP.   W.   —  AVÈNEMENT  CE   L'EMPEREUR  THÉODOSE. 


et pour notre salut aux infirmités et aux souffrances de notre chair '. »

 

6. Telle était la profession de foi catholique dont saint Ambroise munissait le jeune César, au moment où celui-ci mettait le pied sur le sol de l'Orient, si fécond en apostasies et en erreurs. Gratien, en arrivant à Sirmium, rendit un décret qui rappelait dans leurs diocèses tous les évêques orthodoxes bannis par Valens. Les églises occupées par les intrus devaient rentrer sous la juridiction des pasteurs légitimes. Cet édit fut accueilli comme une mesure réparatrice. Il tranchait sur les mesures analogues par un discernement très-exact entre la vérité et l'erreur. Jusque-là, les empereurs chrétiens s'étaient bornés à laisser à chaque culte et à chaque secte la liberté absolue de professer publiquement leur religion ou leur croyance. Gratien fit un pas en avant; il déclara que les Donatistes, les Manichéens, les Photiniens et les Eunoméens ne pourraient sous aucun prétexte se prévaloir du nouvel édit; que les évêques en communion avec le pape Damase profiteraient seuls du double bénéfice de l'amnistie et de la réintégration dans les églises d'où ils avaient été chassés par Valens. Gratien entrait anisi dan la voie des grands princes qui comprennent que la religion de Jésus-Christ ne saurait être divisée, et qu'en se fractionnant elle cesserait d'être. Le principe moderne de la liberté de conscience, réduit à sa valeur sociale, signifie uniquement que le for intérieur échappe à la loi humaine. Sous ce rapport, Gratien ne prétendait violenter personne. Il laissait les Donatistes, les Manichéens, les Photiniens, les Eunoméens libres de croire ce qu'ils voudraient, d'adorer Dieu à leur fantaisie, de répudier l'autorité du pape; seulement il ne leur permettait pas d'envahir les églises données par Constantin aux véritables serviteurs de Jésus-Christ. Les rationalistes trouveront peut-être que Gratien était bien sévère; mais ces rationalistes sont les mêmes qui amnistient les fureurs de Constance contre les catholiques, celles de Dioclétien ou de Néron contre les martyrs. Or Gratien ne martyrisa, ne tortura, n'inquiéta personne.

--------------------

1. Fragmentum Ambrosian. ; Pair., la', tom. XVI, col. 8i7-850.

==========================================

 

p390 roxTiriCAT hé .-•.»;> r !'.oi.-,m-; (liùij-oo.,.

 

Il laissa les païens libres de pratiquer leur religion; les ariens libres de professer l'un de leurs mille symboles contradictoires : mais il voulut que les églises bâties par les catholiques fussent rendues aux évêques catholiques, et pour qu'il n'y eût aucune méprise sur cette qualification elle-même, à laquelle toutes les églises ont obstinément prétendu, il stipula que la communion avec le pape Damase établirait officiellement la marque du catholicisme. Le disciple couronné de saint Ambroise profitait, on le voit, des leçons d'un tel maître.

   7. Cependant la situation politique se dégageait des périls où la défaite d'Andrinople avait jeté l'empire. Le salut vint du côte d'où l'on pouvait le moins l'attendre. Comme si la Providence avait voulu accentuer plus nettement le danger social de l'Arianisme, et ménager exclusivement aux catholiques la gloire de rétablir le trône des Césars, ce fut la reine Mavia qui, sous l'inspiration de l'évêque Moses, vint la première, spontanément et sans aucune arriére-pensée de récompense, au secours de Gralien. Lorsque les guerriers Ismaélites parurent sous les rempart de Constantinople, ils furent accueillis par la population avec des transports d'enthousiasme. La veuve de Valens, l'impératrice Dominica, les reçut elle-même comme des libérateurs. Leur arrivée ne pouvait être plus opportune. Déjà les Goths et les Greuthongues se croyaient maîtres de Byzance. Ce n'est pas que les escadrons arabes se montrassent plus civilisés que les barbares eux-mêmes. On racontait, au contraire, que les Ismaélites suçaient le sang chaud de leurs victimes. Sous ce rapport, l'influence chrétienne de l'évêque Moses ne paraissait pas encore avoir triomphé du farouche caractère de ses compatriotes. Mais il faut bien le dire, la barbarie du Nord qui s'abattait sur l'empire romain était telle que ce n'était pas trop, pour la vaincre, de la barbarie du Midi. Entre elles deux, les populations énervées du Bosphore trouvaient une sorte de paix relative. Le courage un instant abattu se relevait de toutes parts. Les villes fortifiées fermaient leurs portes et tenaient tête aux envahisseurs. Périnthe, Héraclée, Byzance, Andrinople elle-même, malgré son récent désastre, osaient résister à l'ennemi. Julius,

=========================================

 

p391 CHAP.   III.   — AVÈNEMENT  DE  I/EMPEHEUR T11É0D0SE. 


maître de la cavalerie romaine, organisa contre les Goths une conspiration analogue à celle qui devait porter plus tard le nom de Vêpres Siciliennes. Un pli cacheté fut remis par Julius à tous les gouverneurs romains, depuis le versant septentrional du Taurus, en Asie Mineure, jusqu'à la mer Adriatique, en Europe. Chacun d'eux devait l'ouvrir à la même heure, et faire massacrer sur-le-champ tous les Goths, Greuthongues, Alains, Taïphales et autres barbares qui se trouveraient isolés dans les villes, ou dispersés dans les campagnes. « La mesure fut exécutée, dit Ammien Marcellin, et l'empire échappa, sans secousses, sans tumulte, au plus grand danger qu'il eût couru jamais1. » L'historien termine son récit par cet épisode dramatique. « Ce n'est point en littérateur, ajoute-t-il, mais en soldat que j'ai voulu écrire. J'ai dit la vérité, ou du moins ce que j'ai pris pour elle, sans réticence ni exagération. Que d'autres plus jeunes et plus éloquents poursuivent mon œuvre ; ils pourront l'emporter sur moi par les grâces du style, mais non par la sincérité 2. » Malgré cette protestation suprême d'Ammien Marcellin, il nous est impossible de croire que le guet-apens dont le maître de la cavalerie, Julius, venait de prendre l'initiative, ait réellement sauvé l'empire. Un massacre de ce genre dut au contraire exalter la haine des barbares contre le nom romain. Dans la réalité, les Goths et leurs farouches alliés les Greuthongues, les Alains et les Taïphales, perdirent quelques milliers d'hommes tués isolément par les agents de Julius ; mais le gros de leurs forces ne fut guère atteint. La main qui devait pour le moment sauver l'empire n'était pas celle de Julius.

 

   8. En arrivant à Sirmium, Gratien réunit le conseil impérial, et lui fit connaître sa résolution de donner la pourpre au jeune duc Théodose, et de confier à son génie militaire la garde de l'Orient. Si jamais proposition émanée de l'initiative personnelle d'un souverain dut étonner le monde, ce fut celle-là. Gratien avait signé l'arrêt de mort du père de Théodose; le conseil impérial, qui avait provonué cette rigoureuse sentence, était le même auquel Gratien

----------------------

1. Amm. Marcell., lib. XXXI, sub fia. — * fiidi

=========================================

 

p392 PONTii'iCvï se s.vi.vr d:.;:ass (:JG3-33ï).

annonçait un nouveau maître en la personne du fils de la victime. Mais la situation était tellement grave que toutes les considérations personnelles s'effacèrent devant le danger public. Gratien déclara qu'il lui était impossible de lutter à la fois en Germanie contre les barbares d'outre-Rhin, et en Orient contre les Gotbs. Valentinien II, son frère et collègue impérial, n'avait que cinq ans; il ne pouvait donc rien pour la défense commune? Restait l'unique ressource de choisir, parmi les généraux les plus illustres, un homme d'un talent incontesté, d'un caractère vigoureux, désintéressé, héroïque. Or nul plus que le duc Théodose n'offrait cette réunion d'éminentes qualités. « Je lui abandonnerai volontiers l'Orient, disait Gratien, parce qu'il est seul capable d'arracher cette moitié du monde aux mains des barbares. D'ailleurs je réparerai ainsi, autant qu'il est en moi, l'injustice commise envers le vainqueur de l'Afrique, son père. » Cette généreuse détermination de Gratien fut accueillie avec enthousiasme. Des messagers partirent pour Italica (Séville), où le jeune Théodose vivait dans une laborieuse retraite, partageant son temps entre l'étude et la culture des champs paternels. «Les jours des Fabricius et des Cincinnatus paraissaient revenus, dit un panégyriste. On redemandait à la charrue les sauveurs du nom romain. » Théodose partit pour Sirmium. A son arrivée, Gratien le présenta aux troupes. Elles connaissaient déjà ce héros, dont la mâle figure rappelait celle de son père. Il avait la taille haute et bien prise, le regard ferme et pénétrant, l'air majestueux et naturellement souverain. On remarquait sa ressemblance avec Trajan, d'où la famille Théodosienne prétendait descendre. Dans le fait, les médailles de l'un et de l'autre offrent le même type et un air de parenté manifeste. Théodose était âgé de trente-trois ans. Il déclina modestement l'honneur que Gratien voulait lui faire en l'associant au trône. « Simple général, disait-il, je me dévouerai avec non moins de zèle au salut de l'empire et au service de César. » Mais Gratien insista. L'armée tout entiére s'écriait que Dieu le voulait pour empereur. Le héros reçut donc la pourpre et fut acclamé aux cris de : Vive Théodose Auguste! Vive l’empereur d'Orient! —Quelques jours après, Gratien,

====================================

 

p393 CHAP.   III.   —  OEUVRES DE  SAINT BASILE.

 

prenant congé de son nouveau collègue, retournait dans les Gaules et infligeait une sanglante défaite aux Allemanni. Théodose, de son côté, pénétrait inopinément en Thrace, et taillait en pièce» l'armée des Goths (379).

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon