Darras 4-4

LES INCRÉDULES SONT CONFONDUS

 

                § III. Jésus-Christ.

 

  28. Tant d'impuissance, de la part du rationalisme actuel, nous est sans doute une nouvelle preuve de la vérité évangélique, et, sous ce rapport, nous avons le droit de nous réjouir. Cependant, elle accuse, dans l'opinion publique et dans certaines intelligences exceptionnellement cultivées, une si parfaite ignorance des principes religieux les plus élémentaires, qu'il est impossible de ne pas s'attrister d'une telle faiblesse dans l'attaque. Tout singulier que puisse paraître un tel sentiment, nous n'hésitons pas à le proclamer. Qu'on lise, par exemple, les huit volumes d'Origène contre Celse le philosophe; et l'on nous comprendra. Celse, en niant la divinité

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1.      Ong., in Matth. Comm., Fragment- i; Patrol. grœc, tom. XIH, col. 829.

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de Jésus-Christ, savait précisément et positivement ce à quoi il s'attaquait. La lutte ne se concentrait pas, comme aujourd'hui, sur un fantôme imaginaire, qu'il suffit de regarder en face pour le voir tomber en poudre. Le rationalisme moderne est évidemment au dessous de sa tâche; mais son infériorité est en proportion parallèle du degré d’affaiblissement de la science religieuse parmi nous. Le programme de l'incrédulité contemporaine est par trop nul! Il nous faut donc indiquer, pour les Renan de l'avenir, tout ce qu'ils auront à renverser, avant d'atteindre la divinité de l'Évangile. Quelques mots seulement, sur le nom même de Jésus-Christ, suffiront à dissiper de frivoles espérances; et, puisqu'il faut qu'il y ait des hérésies, peut-être réfléchira-t-on plus sérieusement, avant d'accepter le triste rôle d'hérésiarque.

  29. Le Verbe incarné, que nous adorons, ne s'appelle pas simplement Jésus, comme le veulent les rationalistes. Il ne se nomme pas exclusivement «Christ,» ainsi que le protestantisme affecte de le croire 1. Son nom est Jésus-Christ. L'Église catholique a reçu ce nom des apôtres; elle le maintient dans son intégrité complexe; et ne le laissera scinder, ni par les fantaisies du rationalisme, ni par les prédilections injustifiables de l'hérésie. Or, le nom de Jésus-Christ est le trait d'union entre les deux âges de l'histoire humaine. Le Christ fut promis, figuré, prédit, désigné à l'avance et attendu pendant quatre mille ans. Il ne suffit donc pas d'introduire subrepticement, dans la série des siècles, un Jésus d'imagination, inventé par la crédulité, popularisé par la légende; pour le livrer,

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1. Il nous est impossible de ne pas signaler ici cette inconséquence du protestantisme de toutes les écoles. Les Actes des Apôtres, en vingt-un passages différents, donnent à Notre Seigneur le nom de Jésus-Christ. Les Épîtres de S. Paul nous présentent le même nom répété cent quatre-vingt-dix-huit fois. S.Pierre, dans ses deux Épîtres, le reproduit vingt-une fois; S.Jean, dix-neuf fois; S. Jude, sept fois. Nous ne parlons pas des Évangiles, qui portent ce titre uniforme : Evangelium Jesu-Christi. Pourquoi les protestants, qui ne reconnaissent d'autre règle que la seule parole de l'Ecriture, ont-ils coupé en deux le nom du Sauveur? Leur désignation absolue : « Christ, » sans l'article préfixe, est également contraire au texte même du Nouveau Testament, où le nom du Christ est toujours décliné, en latin comme en grec :o XpisTos, toû XpisToù: le Christ, du Christ.

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comme un roi de théâtre, aux dérisions du vulgaire. Avant même de songer à attaquer l'Évangile, il faut renverser tous les livres de l’Ancien Testament, qui annoncent l'avènement d'un Messie; il faut brûler tous les monuments des littératures égyptiennes, chinoises, indiennes, assyriennes, persanes, grecques et romaines, qui attestent uniformément la croyance du monde à une rédemption future, dont les sacrifices sont le signe en quelque sorte sacramentel, dont les rites religieux sont l'expression populaire. A-t-on réfléchi à l’immensité de cette hécatombe, qui commencerait à Manéthon et à Coufucius, en passant par Hésiode et Homère, pour aboutir à Virgile, Gicéron et Tacite? Ce n'est pas tout. Non-seulement les monuments écrits des civilisations jusqu'ici étudiées proclament la déchéance primitive de l'humanité, la nécessité d'une réhabilitation, et la foi à un révélateur futur, mais les pierres elles-mêmes prennent une voix, et tiennent le même langage. Détruisez donc préalablement, sur tous les points du globe, tous les souvenirs lapidaires, les statues, les bas-reliefs, les colonnes, les arcs de triomphe, les marbres et les bronzes antiques; rasez tout, depuis les temples troglodytes de Mahalibapour et les pylônes de Karnac, en passant par Nimroud et Khorsabad, pour finir par les chefs-d'œuvre de l'art grec et romain. Bouleversez le sol de l'univers; et, quand vous aurez achevé votre œuvre, empêchez que le hasard de quelques fouilles nouvelles ne vienne vous révéler soudain un nouveau témoin de la foi de l'ancien monde. Tout ne sera pas fait encore. Il y a des témoins plus vivaces que les livres, plus durables que les monuments : ce sont les races humaines. Or, toutes les races, en ce moment idolâtres, sont unanimes dans leur foi à une déchéance, à la nécessité d'un Médiateur. Allez égorger, dans les îles de la Polynésie, sur tous les points de l'Afrique, dans toute l'étendue des continents américain et asiatique, ces témoins vivants d'une croyance qui vous blesse! Avant d'atteindre le caractère messianique du Christ, il faut tout cela!

  30. C'est déjà, je l'imagine, un fait assez merveilleux que la position historique du Christ dans l'ancien monde. Oui, c’est un miracle d’avoir pris dans l'humanité une telle place, d'y avoir poussé des

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racines si profondes, qu'à moins d'anéantir l'histoire et de la remplacer par le chaos, on ne saurait renverser le Messie! Et pourtant, cela forme à peine la frange du manteau divin de Jésus-Christ. Une croyance générale au Rédempteur futur pouvait, à la rigueur, être exploitée par l'habileté d'un homme de génie, et aboutir à une usurpation de titre. Voici comment il y a été pourvu. L'Ancien Testament n’est, dans son ensemble, que le signalement, poursuivi d'âge en âge, et représentant, avec une exactitude poussée jusqu'au dernier trait, la figure du Messie à venir. Le rationalisme n'aime pas l'Ancien Testament: on le conçoit sans peine; chaque nouveau maître en incrédulité s'est donné le but de détruire un témoin aussi importun. Le succès n'a pas encore couronné tant d'efforts. On peut dire, sans indiscrétion, que l'attaque ne s'est jamais placée dans une situation avantageuse pour elle. D'interminables discussions philologiques sur un mot hébreu, sur sa racine, sur ses équivalents dans les langues ariennes ou sémitiques; de pédentesques échafaudages de grammaire; la prétention, d'ailleurs peu modeste, de savoir l'hébreu mieux que les Juifs de la Version des Septante; parfois des velléités d'hostilité géologique, chimique, physiologique; ou bien des incidents sur un fait obscur, sur une particularité non encore éclaircie, voilà tout ce qui a été tenté jusqu'ici. On assemblait des nuages, que dispersait le premier coup de pioche dans un champ historique, ou dans un terrain du diluvium. L'Ancien Testament a deux gardes, qu'il faut d'abord anéantir, avant de l'atteindre: En premier lieu, la race juive, qui persiste à attendre le Messie, sur la foi de ce Livre. Tant qu'il restera un seul enfant d'Israël, vous n'aurez rien fait contre le Livre sacré de sa loi. Allez donc; exterminez un peuple que vingt siècles de désastres, de persécutions et d'opprobres ont laissé debout; quand vous aurez tué jusqu'au dernier, vous vous trouverez en face de l'univers chrétien, qui vous présentera, triomphant et immortel, le Livre sacré des Juifs.

  31. Historiquement donc, l'Ancien Testament est un monument irrécusable. Or voici, tel qu'il le contient, le signalement du Messie. Le premier trait remonte au jour de la déchéance originelle, au seuil de l’Eden. C'est une promesse divine, circonstanciée et for-

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melle: «Une femme viendra, dont le fils écrasera la tête de Satan 1.» Ainsi, le Rédempteur sera fils d'une femme; Dieu ne lui désigne point de père ici-bas. Le Rédempteur écrasera la tête de Satan; il ne sera donc pas seulement un philosophe, un sage, détruisant quelques erreurs, réformant quelques abus partiels; il aura la puissance surhumaine d'écraser l’erreur, le mal, à sa source, d'une manière absolue. Tels sont, au point de départ, les deux traits caractéristiques du Messie. Successivement, toutes les lignes de sa figure céleste vont se dessiner avec précision. Le Rédempteur, «en qui seront bénies toutes les nations de la terre, sortira de la race d'Abraham 2.» L'Envoyé des collines éternelles, le Désiré des nations, paraîtra, «à l'époque où le sceptre sortira de la maison de Juda 3.» Il sera «fils de David4, et, quoique sa génération soit éternelle 5, il naîtra à Bethléem 6.» — «Une vierge concevra et enfantera un fils, dont le nom sera Dieu avec nous (Emmanuel) 7. Il sera le Christ, roi d’Israël 8 Jésus le Sauveur 9.» —«Une étoile se lèvera sur Jacob 10» — «Les rois d'Arabie et de Saba lui apporteront des présents 11.» Cependant, il faudra «rappeler de l'Egypte l'enfant divin 12.» — «Une voix s'élèvera du désert; un autre Elie sera le précurseur du Christ 13» — «Le Messie aura toute l'autorité de Moïse 14; il sera, de plus, prêtre selon l'ordre de Melchisédech 15 roi dans l'éternité 16.» — «Sa parole s'adressera aux humbles et aux affligés 17.»—«Les yeux des aveugles, les oreilles des sourds seront ouverts; le boiteux bondira, comme le cerf, et la langue des muets sera déliée 18.» — «Le temple de Zorobabel sera honoré de la présence du Messie 19.» —«La fille de Sion tressaillera d'allégresse; la fille de Jérusalem sera comblée de joie, à l'approche de son roi, le Juste, le Sauveur. Pauvre lui-même, il sera monté sur une ânesse, suivie de son petit 20.» — «Son aspect sera dépourvu de tout éclat

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1. Gènes., ni, IS. — 2. Gènes., xviii, 18; xxn, 18. — 3. Gènes., xux, 10. -t 4. II Reg., vn, 19; xxni,  Psalm., cxxxi, H. — 5. Isa., lui, 8.-6. Mich,, V, 2. —7. Isa., vn, 14. —8. Dan., ix, 25. —9. Habac, m,18. 10.Nw jner., xxiv, 17. — 11. Psalm., lxxi, 10. — 12 Osée, xi, 13 — " Isa., XL, 3. — 14. Deuteron., xvni, 15-18. — ^15. Psalm., cix, 4. — 16. Dan., vn, 14-27; Mitb., IV, 7. — 17 Isa., LXi, 1. — 18. Isa., xxxv, 4-7. — 19 Agg., li, 10. —20. Isa., ÏXii, 11; Zachar., ix, 9.

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extérieur, nous le verrons sans le reconnaître 1.» — «Le conseil des méchants s'assemblera contre lui 2.» — «L'homme de sa paix, qui mangeait le pain de sa table, le trahira 3.» —  A l'approche du péril, nul ne lui prêtera secours; il tombera en défaillance, son sang s'écoulera comme l'eau 4.»—«Le pasteur sera frappé, et les brebis se disperseront 5.» — «Il sera estimé au prix de trente pièces d'argent, qu'on viendra jeter dans le Temple, et qui seront ensuite remises au potier 6.» Cependant «il abandonnera son corps aux bourreaux et ses joues aux soufflets, sans détourner le visage des crachats et des injures de ses ennemis7. » — « Comme la brebis qu'on mène à la boucherie, il se laissera conduire à la mort 8; mais, il portera sur l'épaule le sceptre de sa royauté 9.» — «Ses pieds et ses mains seront percés; on comptera tous ses os 10.» — «Ses vêtements seront partagés et sa robe tirée au sort 11.» — «Couvert de plaies pour nos iniquités, broyé pour nos crimes, il s'offrira lui-même, et de sa libre volonté, en sacrifice 12.» — «Ceux qui le verront, insulteront à sa détresse; ils l'outrageront en branlant la tête. Il espérait au Seigneur, diront-ils, que le Seigneur le délivre 13!» — «On l'abreuvera de fiel, on lui présentera du vinaigre pour étancher sa soif 14.» — «Il priera pour les coupables 15.» — «Il remettra son âme entre les mains du Seigneur16.» — «Il mourra, mais pour ressusciter 17; son tombeau sera glorieux 18, son étendard se lèvera sur tous les peuples 19.» — L'époque précise de cet événement est marquée. «Le Christ sera mis à mort, le Saint des Saints expiera tous les péchés,» en la soixante-dixième semaine d'années, qui suivra l'édit d'Artaxerxès Longue-Main, pour le rétablissement du Temple, c'est à dire quatre cent quatre-vingt-sept ans après Zorobabel, date qui correspond à l'an 33 de notre ère 20,

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1. Isa., LUI, 2. —2. Psalm., lxx, 10. — 3. Psalm., xl, 10, 11. — 4. Psalm., Lxvm, 21. — 5. Zachar., xiii, 7. — 6. Zachar., xi, 12. — 7. Isa., l, 6. — 8. Isa., LUI, 7.-9. Isa., ix , 6. — 10.  Psalm., xxi , 17, 18. — 11. Psalm., XXI, 19. — 12. Isa., LUI, 7. — 13. Psalm., xxi, 8, 9. — 14. Psalm., Lxvni, 22. — 15. Isa., LUI, 12. — 16. Psalm., xxx, 6. — 17. isa., un, 12.; Psalm., cxxxvm, 18. — 18. Isa., xi, 10. – 19. Isa., xi, 12. — 20. Dan., ix, 24-27.

IV. 16

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  32. Tel est le signalement prophétique du Messie ou Christ. Il sera Dieu; il naîtra d'une vierge, à Bethléem; il fera des miracles; il sera mis à mort; il ressuscitera. Un tel programme est absolument irréalisable pour un génie humain, si grand qu'on veuille le supposer. Le génie, en ce monde, ne peut rien ni sur l'ordre ni sur l'époque de sa propre naissance; il reçoit la vie, mais il ne saurait choisir d'avance la mère qui l'enfantera; il ne peut déterminer ni le temps ni le lieu où il veut naître. Le génie fait de grandes choses, il ne fait point de miracles; le génie meurt et ne ressuscite pas. L'imposture ici est impossible. Qu'elle ait tenté, cependant, certains esprits, parmi les Juifs, on le conçoit; les Theudas, les Barkokéba, en essayant l'application à leur personne du signalement divin, ont précisément fourni la preuve de l'incontestable réalité des prophéties et de la croyance messianiques, au sein du peuple juif. Ils ont, de plus, constaté, par l'authenticité de leur échec, l'inanité d'une pareille tentative. Les conditions fixées d'avance au Rédempteur dépassent toute taille humaine: nul ne pourra revêtir la robe sans couture du Crucifié du Golgotha. Le Messie doit se dire Dieu, mais il doit prouver sa divinité par le salut du monde; il doit faire des miracles, mais surtout il doit perpétuer les miracles; il doit mourir, mais il doit ressusciter. Par là, seulement, il entrera dans la réalité de son signalement prophétique il prendra possession du titre de Christ, qui le rattache à tout le monde ancien.

  33. Si le premier versant de l'histoire l'attend comme Messie, le second doit le reconnaître comme Sauveur. Son nom n'est complet qu'à la condition d'embrasser tous les âges. Ce qu'il fut, comme Christ dans la période de l'espérance, il doit l'être maintenant, comme Jésus; c'est-à-dire que la place qu'il occupe, dans l'anti- quité, comme Messie, il doit l'avoir, dans le monde moderne, comme Sauveur. Ici, le rationalisme se retrouve en présence d'une série nouvelle de faits constants, notoires, irrécusables, appuyés non pas seulement sur des témoignages, des récits ou des livres, mais sur l'évidence quotidienne et palpable. Le premier, le plus éclatant qu'à l'heure où nous écrivons ces lignes, Jésus-Christ a des adorateurs sur tous les points du globe. Il

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suffit d'ouvrir les yeux, et de voir, pour s'en convaincre. Jésus-Christ est adoré, non-seulement comme un souvenir, une gloire, une incarnation divine, apparue, il y a deux mille ans, au sein de l'humanité, et retournée pour jamais au ciel. Il est adoré, comme présent, en substance et en réalité, dans l'Eucharistie. Qu'on le veuille ou non, le fait existe. Pénétrez sous la coupole de Saint-Pierre, Jésus-Christ est là présent, pour ses fidèles, et adoré par eux. Suivez le pauvre missionnaire jusqu'aux confins du monde; sous les bananiers des forêts de l'Inde, il élèvera un autel; il prononcera quelques paroles et adorera Jésus-Christ sur la pierre nue, où le Dieu de la Crèche consent toujours à descendre. L'Indien, qui passe à côté de cet étranger, s'arrête un instant, pour contempler ce fait étrange. Il écoute un enseignement si nouveau pour lui; peu à peu son intelligence s'ouvre à une lumière inconnue; son creur tressaille, au contact d'un amour divin; à son tour, il croit; il se prosterne; il adore! Que pensez-vous de ce fait? Jésus-Christ, mort il y a deux mille ans, a la puissance de se faire aimer, de se faire adorer par un sauvage, errant dans les forêts de son pays, n'ayant jamais soupçonné l'existence de la Judée, d'un Testament Ancien ou d'une civilisation quelconque. Le fait de la conversion des âmes par Jésus-Christ existe donc; vous le touchez du doigt; il n'est pas circonscrit à l'Inde, au Japon ou à la Chine; il est partout. Les savants de notre Europe, après quinze ou vingt ans de révolte, s'inclinent, parfois, sous l'influence de la divinité de Jésus, tout comme les pauvres insulaires d’Otaïti. Ce sont là des faits. Avant de nier la divinité de l'Évangile, commencez par les anéantir si vous en avez la puissance; ou par les expliquer, si vous en avez le secret. Toutes les forces humaines s'épuisent, par la durée, par 1’usage, par leurs victoires mêmes. Pourquoi la force de Jésus- Christ ne s'est-elle pas épuisée? C'est une loi historique que tout ce qui a commencé meurt; pourquoi la religion de Jésus-Christ ne meurt-elle pas? Toutes les institutions, fondées par les hommes tombent; pourquoi l'Église de Jésus-Christ ne tombe-t-elle pas?  Remarquez que chaque jour qui s'écoule est un triomphe nouveau pour cette doctrine, qui vieillit d'autant. Le rationalisme incrédule

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doit donc commencer, avant d'être recevable à nier l'Évangile, par anéantir, au sein des sociétés modernes, le miracle persévérant de l'adoration de Jésus-Christ comme Dieu; le miracle persévérant de l'adoration de Jésus-Christ dans l’Eucharistie; le miracle persévérant de la conversion des âmes par Jésus-Christ.

  34. Qu'il essaie! Secouant le globe par les deux pôles, qu'il aille, à travers des flots de sang, amoncelant ruines sur ruines, arracher au monde le nom de Jésus-Christ et la foi à sa divinité! Quand il risquera cette épreuve, il ne fera rien de nouveau. L'histoire moderne n'est pas autre chose que la prolongation d'une lutte de ce genre, avec un succès bien différent de celui qu'on se promettait. Nous abordons ainsi un autre fait, non moins incontestable, c'est que, depuis dix-huit siècles, on meurt pour la divinité de Jésus-Christ, et que, plus cette divinité a compté de martyrs, plus elle a fait de conquêtes. Niez, si vous le pouvez, que les douze apôtres, sortis de la Judée, pour prêcher au monde la foi à la divinité de Jésus-Christ, ne soient morts pour elle? Un seul d'entre eux a survécu, après avoir subi le plus barbare supplice; ce fut saint Jean, dont l’in Principio a le privilège de vous déplaire. Tous les autres ont péri sous le glaive, sur les bûchers ardents, sur la croix, dans tous les genres de tortures que l'imagination des bourreaux savait inventer, à une époque où l'art de tuer les hommes atteignait presque les limites du génie. Essayez de révoquer en doute les massacres, trois fois séculaires, organisés, par le paganisme de Rome, contre tout ce qui portait le nom de Chrétien. Vous aurez, en face de vous, tous les historiens, grecs et latins, depuis Tacite et Suétone jusqu'à Eusèbe de Césarée. Déchirez leurs ouvrages, pour vous débarrasser de ces témoins indiscrets. Vous ne le pouvez, ni ne le voulez. Alors, il vous faut expliquer comment des milliers d'hommes sont morts pour un fantôme de Christ, pour une chimère, pour un néant! Et, quand vous aurez cru trouver une réponse satisfaisante, en criant au fanatisme, il vous restera à expliquer comment les bourreaux eux-mêmes, les persécuteurs, les païens, furent pris, à leur tour, du fanatisme de leurs victimes, et se prosternèrent au pied d'une croix.

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  35. Le grand fait de la conversion du monde païen par la croix de Jésus-Christ, s'offrira à votre étude, et vous aurez à déduire les raisons fort naturelles qui firent monter la divinité du Christ, de l'obscurité des catacombes, au sommet du Capitole. Vous nous direz comment une succession d'hommes, qu'on tuait sans relâche, fondèrent une société immortelle; comment des prisonniers, des condamnés, des martyrs, heureux d'être lapidés, brûlés, égorgés, mouraient, sans murmure, et firent éclore, dans leur sang, une semence de nouveaux chrétiens. Engageante perspective, vraiment, pour embrasser une religion nouvelle, que la certitude d'être revêtu d'un manteau de résine, et de servir de torche vivante, dans les jardins de Néron! Qui pouvait résister à la touchante destinée d'être jeté dans l'arène, à la dent des lions de Numidie; d'être envoyé aux mines; d'être écorché vivant; d'avoir les ongles arrachés; toutes les jointures coupées, l'une après l'autre; d'être étendu sur un gril ardent; ou d'être plongé dans un bain de plomb fondu? Expliquez-nous une seule conversion, avec les séductions d'une telle propagande! Et pourtant le monde est chrétien le paganisme est vaincu. Cherchez, dans l'univers actuel, un adorateur de Jupiter, de Vénus et de Saturne! Le paganisme a été vaincu, une première fois, sous Constantin. Mais, depuis Constantin jusqu'à Clovis, il l'a été cent fois. Savez-vous même le nom de toutes les peuplades barbares, qui vinrent à la curée du monde romain, pendant trois siècles? L'Église de Jésus-Christ a vaincu tous ces paiens, et toujours par la même méthode, en souffrant, en priant, en mourant. Encore aujourd'hui, on souffre, on prie, on meurt pour la divinité de Jésus-Christ; et il en sera ainsi jusqu'à la fin des siècles. Ce sont là des faits; il faut les nier, avant de dépouiller Jésus-Christ de son manteau divin. Or, les nier, c'est nier la lumière du soleil; c'est renverser toute évidence, anéantir toute histoire, et éteindre le monde dans la nuit. Qu'il se lève maintenant, l'audacieux Érostrate, tenté de brûler l'édifice de la divinité de Jésus-Christ! Le fondement de cette construction immortelle remonte à l'Éden. Chaque siècle de l'histoire antique compose une de ses assises. Le Christ est l'espérance de quatre mille ans; la fleur sacrée du Testament ancien; le

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Rédempteur attendu, décrit, signalé par tous les âges. Jésus paraît au sommet des deux mondes; il réalise en sa personne toutes les prophéties; il élève l'étendard de sa croix; la tête de Satan est écrasée; le paganisme expire! Une immense révolution de salut s'accomplit dans l'univers; elle embrasse tous les temps, tous les lieux, tous les hommes; elle se prolonge, sans interruption, depuis dix-neuf siècles; elle a tout changé, tout renouvelé, tout spiritualisé, tout sanctifié sur la terre; elle ne cesse de soulever l’humanité vers Dieu. Jésus-Christ, c'est l'histoire tout entière; c'est le monde, depuis Adam jusqu'à nous. C'est la royauté éternelle, passant à travers le temps, pour conduire l'homme, des mains de son Créateur, au tribunal de son Juge! Christus heri hodie, ipse et in saecula . 1

LES INCRÉDULES SONT CONFONDUS.

 

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