§ V. Le retour d'Egypte.
22. Le massacre des saints Innocents ne fut qu'une épisode de la cruelle persécution qui signala les derniers jours d'Hérode. «Ce prince, dit Josèphe, avait soixante-dix ans. Atteint d'une maladie qui lui ôtait tout espoir de guérison, il devint d'une humeur tellement sombre qu'il ne pouvait se supporter lui-même. L'horreur qu'il inspirait à ses sujets, la persuasion qu'on attendait sa mort comme une délivrance, redoublaient sa rage. Une sédition éclata, dans ces conjonctures, et lui fournit un prétexte pour assouvir sa fureur 3.» Au mépris de la loi de Moïse, il avait fait placer sur
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1. Le nombre des enfants tués à Bethléem, en cette circonstance, ne saurait être fixé d'une manière absolue. Voici les appréciations du Dr Sepp à ce sujet : «Bethléem, comme on le sait, était la plus petite ville de Juda; sa population, et celle des environs, devait monter à deux ou trois mille; car, même aujourd'hui, où elle est assez considérable, elle s'élève à peine à deux mille. Or, pour mille habitants, on ne peut compter plus de quinze à vingt naissances masculines par an. Les victimes égorgées par Hérode, en n'y comprenant pas les pères et les mères, ne peuvent donc guère s'élever à plus de soixante à soixaute-dix. » (Sepp, Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ, tom. 1, pag. 139.) — 2. Hymn. in fest. SS. Innocentium.
2. Joseph., Antiq. jud., lib. X\1I, cap. vm.
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le portail du Temple, un aigle d'or, symbole de la domination romaine 1. Judas, fils de Sariphée, et Matthias, fils de Margalotha, deux docteurs, dont le zèle, l'éloquence et l'attachement profond aux institutions nationales, avaient rendu le nom cher à toute la jeunesse de Jérusalem, laissèrent éclater toute leur indignation. La résistance des Pharisiens, qui venaient de se refuser au recensement imposé par César, avait jeté, au sein de la population, des ferments de révolte. Le nouvel outrage fait à la religion mosaïque, par l'exhibition, dans le sanctuaire de Jéhovah, d'une sculpture formellement interdite par la loi juive, acheva d'exaspérer les esprits. L'aigle d'or fut arraché des portiques du Temple, aux applaudissements de la multitude; on brisa, à coups de hache, cet emblème de la servitude d'Israël; on en fouLa aux pieds les débris. Le vieil Hérode, sur son lit de douleur, apprit cet attentat; il eut encore assez de vie et de puissance pour faire brûler vifs Matthias et tous ses complices. Quelques jours après, il se faisait transporter, par le conseil de ses médecins, aux sources bitumineuses de Callirhoé, à quelques stades de Jéricho. - Josèphe décrit, en ces termes, les souffrances du tyran: «Une fièvre lente, dont la chaleur semblait toute concentrée au dedans de lui, le consumait jusqu'à la moelle des os; une appétence insatiable le forçait à engloutir sans cesse des aliments qui ne le nourrissaient plus; des ulcères purulents lui rongeaient les entrailles, et lui arrachaient des cris de douleur; les pieds et les jointures, gonflés par l'hydropisie, étaient encore recouverts d'une peau translucide, mais la partie inférieure du buste était dévorée vivante par les vers. A cet horrible supplice, se joignait celui d'une odeur fétide et insupportable; tous les nerfs étaient contractés, la respiration courte et sifflante. Les médecins qui l’approchaient étaient unanimes à proclamer que la vengeance divine s'était étendue sur lui, en punition de ses cruautés inouïes 2. Tel était le cadavre vivant qu'on plongea, à
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1. On se rappelle les assertions du rationalisme sur l'inviolable domaine des Hérodes, auquel les Romains se seraient bieu gardés de toucher. Partout, l'histoire vieul accuser l'ignorance, ou la mauvaise foi, des théories rationalistes. — 2. Joseph.., d«<iV'y**rf., lib. ^VM, cap. vxii.
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Callirhoé, dans une cuve de bitume et d'huile tièdes. Le malade n'y fut pas plutôt entré que son corps sembla se dissoudre; son œil mourant se fermait à la lumière. On le rapporta sur son lit. Cependant, la nouvelle de sa mort commence à se répandre. Sur ce faux bruit, les Juifs font éclater leur joie. Hérode, sorti de sa léthargie, l'apprend; il donne l’ordre d'amener à Jéricho tous les membres des principales familles de ce peuple esclave, et les fait emprisonner dans l'hippodrome. «Aussitôt que j'aurai rendu l'âme, dit-il à Salomé, ordonnez à mes archers de tuer, à coups de flèches, toute cette multitude, afin que la Judée soit forcée de pleurer ma mort!» Il demanda ensuite, pour étancher sa soif ardente, qu'on lui apportât une pomme, et voulut la couper lui-même. Ce désir fut satisfait, mais profitant d'un moment où il se croyait libre, il essaya de se percer le cœur, du couteau qu'il tenait à la main. Achiab, son neveu, poussant un cri d'effroi, se précipita sur lui et arrêta le bras du suicide. Le bruit causé par cet événement mit le palais en rumeur; la nouvelle que le tyran venait d'expirer eut bientôt volé, une seconde fois, par toute la ville, et parvint jusqu'à la prison où était détenu Antipater, son fils 1. Le jeune prince, qui l'attendait avec impatience, se livra aux transports d'une joie dénaturée, et supplia ses gardes de le mettre en liberté. On vint en avertir Hérode. Plus furieux de la joie d'Antipater que des approches mêmes de la mort, il envoie des soldats le massacrer dans sa prison, et, cinq jours après, il expire lui-même, portant au tombeau la malédiction des Juifs, et la tache du sang innocent, répandu à grands flots, durant un règne de trente-sept ans 2.
23. Salomé, aussitôt après la mort de son frère, fit mettre en liberté les malheureux prisonmers de l'hippodrome. Elle espérait, par cet acte de clémence, se créer, pour l'avenir, une popularité qui servirait ses desseins ambitieux. Le testament d'Hérode fut lu,
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1. Voir le chapitre intitulé : Hérode, no 33.
2.Hérode avait régué trente-sept ans, depuis son couronnement au Capitole, et trente-quatre ans seulement, depuis la chute d'Antigone. Le récit des dernières cruautés et de la mort d'Hérode, que nous donnons ici, est l'analyse fidèle des chap. VIII, ix et x du liv. XVll des Antiq. de Josèphe.
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dans l'amphithéâtre de Jéricho, en présence des soldats et de la multitude réunis. Le vieux roi «déclarait, en termes formels, que ses dispositions testamentaires ne pourraient sortir leur effets qu'après avoir reçu la confirmation d'Auguste 1.» Il léguait ensuite à César tous les vases d'or et d'argent et les objets d'art les plus précieux de ses palais, avec une somme de dix millions en argent monnayé; cinq millions étaient offerts à l'impératrice Livie. Ces libéralités posthumes devaient puissamment aider à obtenir la ratification impériale, pour le reste du testament, qui investissait Archélaus du titre de roi de Judée; donnait à Antipas les tétrarchies de Galilée et de Pérée; à Philippe, celles de la Trachonitide, de la Gaulanite et de Balanée; enfin à Salomé, tante des trois jeunes princes, et sœur du feu roi, les cités de Jamnia, Azoth et Phasaëlis 2. Le peuple répondit à cette communication par des cris de: Vive le roi Archélaus! Les funérailles du tyran se firent avec une pompe jusque-là inusitée chez les Hébreux. Le corps, revêtu des insignes royaux, une couronne d'or sur la tête, le sceptre à la main, fut porté, pendant deux cents stades, sur une litière d'or, enrichie de pierreries, depuis Jéricho jusqu'à Hérodion, lieu désigné pour la sépulture. La garde royale, composée de Thraces, de Germains et de Gaulois, ouvrait la marche 3. On n'a pas suffisamment relevé, au point de vue de nos origines nationales, cette particularité de la présence de cohortes gauloises en Judée, à l'époque Évangélique. Nous avons déjà signalé le fait, qui remonte au temps des
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1.Josèphe, Antiq.jud.,lib. XVII,cap.x.Voilà encore un démenti nettement infligé à la théorie de I'indépendance et de l'inviolabilité du domaine des Hérodes. — 2.Phasaëlis avait été bâtie par Hérode, qui lui donna le nom de son frère Phasiël. Elle était située dans la vallés de Jéricho, au nord de cette ville. (Reland, Palœstin. itlusb-., tom. II, pag. 933.)
3. Voici le texte même de Josèphe : IIpwToi (lèv oî 8opv)ç6poi [le-rà 8è t6 0pà- , *iov, èîti 6à TOÛTOiç oTtoffoi Tepiiavoî, xai to raXà-riitov (jlet ' aÙTouç, èv x6a[ito Tràvxeç 'wu oXeixYiffTYipîw. (Joseph., Antiq. jud., lib. XVII, cap. x.) Pour prévenir l'équivoque que pourrait faire naître le terme i^rec raXdlTixov, et en déterminer le vrai sens, c'est-à-dire la Gaule et non la Galatie, il suffit de le comparer avec une autre expression de Josèphe, qui désigne la ville de Vienne, caiitale des Allobroges, sous le titre de polis dos Galatios (Joseph., Antiq. jud., lib. XVII, cap. XII.)
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relations d'Hérode avec la fameuse Cléopâtre. Ces enfants de la Gaule à la solde du roi des Juifs; ces compatriotes de Vercingétorix, transportés à Jérusalem, entendirent les récits des Mages, ils furent témoins de l'agitation des Hébreux, à la nouvelle que l'Étoile du Messie avait paru en Orient; les cris déchirants des mères de Bethléem, retentirent à leurs oreilles. Peut-être, quelques-uns d'entre eux virent, plus tard, les miracles que le divin fils de Marie semait sur ses pas. On ne saurait, du moins, révoquer en doute l'authenticité du fait attesté par Josèphe. La Gaule, à l'époque de la naissance de Jésus-Christ, n'était pas un nom inconnu des Juifs, et réciproquement, le nom de Jérusalem était familier aux guerriers de la Gaule et de la Germanie. Ces relations officielles entre les deux pays préparaient, pour l'ère apostolique, l'évangélisation de notre patrie. Quoiqu’il en soit, le cortège funèbre, se développant avec une pompe magnifique, s'arrêtait après chaque mille (huit stades). On brûlait de l'encens et des parfums autour de la litière royale, et pendant que les Lamentatrices pleuraient la mort du tyran, les chœurs de musiciens chantaient ses louanges. Ce fut au milieu de ces démonstrations d'un deuil mensonger, qu’Hérode fut déposé dans le tombeau qu'il s'était élevé lui-même.
24.«Cependant, dit saint Matthieu, l'Ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, sur la terre d'Egypte. Lève-toi, lui dit-il, prends 1’enfant et sa mère; et retourne au pays d'Israël, car ceux qui cherchaient l'enfant, pour le perdre, sont morts. —Joseph, se levant, prit l'enfant et sa mère, et retourna au pays d'Israël. Mais ayant appris qu'Archélaus régnait en Judée, à la place d'Hérode, son père, il n'osa point s'y rendre. Averti en songe, il prit le chemin de la Galilée, et vint habiter la cité de Nazareth. Ainsi fut accomplie la parole des prophètes: Le Christ sera appelé Nazaréen 1.» Le récit Évangélique, dans sa brièveté simple et sans
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1. Matth., II, 19-23. La prophétie à laquelle saint Matthieu fait allusion ici va nous fournir une nouvelle preuve de l'authenticité du récit Évangélique. Dans le verset d'Isaïe (chap. xi, 1), que la Vulgate a traduit par cette phrase latine : Egrelielur virgn de radice Jesse et floi de radice ejus ascendet ; le mot Flos se lisait eu hébreu Netser, qui était le nom même de Nazareth. (S. Hie-
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recherche, va s'encadrer, avec une admirable précision, dans le détail des événements politiques, racontés par l'historien Josèphe. L'appréhension soudaine qui envahit l'âme du patriarche, à son arrivée sur les frontières de Juda, n'était que trop justifiée par les troubles qui suivirent la mort d'Hérode. Après avoir rendu les derniers devoirs à son père, Archélaûs exploitant, en politique habile, une coutume nationale des Hébreux, donna au peuple le festin des funérailles, avec une somptuosité vraiment royale. Toute la ville de Jérusalem retentissait de cris d'allégresse; quand le jenne prince monta au Temple, et vint s'asseoir sur le trône d'or, qui lui avait été préparé, l'enthousiasme de la foule ne connut plus de bornes. Archélaûs prit la parole, et acheva, par la modestie affectée de son langage, la conquête de tous les cœurs. Il remercia la multitude de l'attachement dont elle lui donnait en ce moment la preuve. «J'ai lieu d'en être d'autant plus touché, dit-il, que le souvenir des actes rigoureux du roi, mon père, pouvait vous disposer moins favorablement à l'égard de son fils. Désormais donc, vous pouvez compter sur toute ma reconnaissance. Il ajouta, pourtant, qu'il ne prendrait point encore officiellement le titre de roi. «J'ai déjà refusé, disait-il, le diadème que l'armée voulait déposer sur mon front, à Jéricho. César a seul le pouvoir de m’accorder la couronne. Aussitôt que je l'aurai reçue de sa main, ma conduite vous prouvera à quel point vous m'êtes chers; tous mes efforts tendront à réparer les malheurs du règne précédent, et à vous assurer, dans l'avenir, la prospérité, le bonheur et la paix.»
25. La foule prit à la lettre ce discours de joyeux avènement. Les uns demandèrent au jeune prince la diminution des tributs imposés par Hérode, et l'entière abolition de certains droits de péage et de douane, plus particulièrement vexatoires; d'autres
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ronym.. Comment, in Is., xi, 1.) Ce mot hébreu Netser (Nazaréen) est exactement celui qui fut inscrit sur le titre de la croix du Sauveur. Il est bien évident qu'un apocryphe, étranger à la langue hébraïque et à l'interprétation des prophéties juives, concernant le Messie, n'aurait jamais pu imaginer un tel rapprochement entre le texte d'Isaïe et le fait de la résidence de Jésus-Christ à Nazareth.
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réclamèrent la mise en liberté immédiate des prisonniers qui languissaient dans les cachots du feu roi. Toutes ces faveurs furent accordées. Archélaûs avait besoin de la faveur populaire, comme d'un appoint qui déterminerait la ratification impériale. Il achetait, à Jérusalem, par des sacrifices sur lesquels il se promettait bien de revenir, le suffrage tout-puissant de Rome. Mais cette condescendance intéressée ne fît qu'enhardir les prétentions de ses nouveaux sujets. Les flammes du bûcher en dévorant naguère les illustres docteurs Judas de Sariphée et Matthias, avec un nombre considérable de jeunes gens des premières familles, avaient allumé, dans tous les coeurs, un ardent désir de vengeance. Bientôt les esprits s'exaltèrent. L'approche des fêtes de Pâques, et l'affluence des Juifs, accourus de tous les points du monde pour la solennité, ajoutaient à la gravité de la situation. Une députation vint prier Archélaus de réparer l'injustice passée, et de mettre à mort les conseillers d'Hérode, que l'animadversion publique désignait comme les auteurs de la condamnation de Judas de Sariphée. Le jeune prince mit tout en œuvre pour calmer les factieux; il leur représenta qu'une telle mesure dépassait son pouvoir. Jusqu'à ce que César l'eût confirmé dans la possession du trône de Judée, il ne pouvait prendre la responsabilité d'une décision de cette importance. Plus tard, quand le sceptre serait affermi dans sa main, il promettait de pourvoir au jugement de cette affaire, avec toute la maturité et la prudence qu'elle exigeait. — Cette réponse fut accueillie par des clameurs séditieuses. Les Pharisiens, secrets instigateurs de l'émeute, avaient tout préparé pour un soulèvement. Les jours précédents, plusieurs d'entre eux n'avaient pas quitté les parvis sacrés, même la nuit, mendiant un morceau de pain au premier venu, pour ne pas interrompre leurs déclamations furibondes. Une foule immense était réunie dans le Temple; Archélaûs, effrayé, envoya un de ses officiers, à la tête d'une cohorte, pour réprimer l'insolence des factieux. Le peuple se rua sur les soldats, massacrant tous ceux qu'il put atteindre, et l'officier, couvert de blessures, dut prendre la fuite, pour échapper à une mort certaine. Il fallait agir. Archélaus fit cerner le Temple par son armée tout entière: la cavalerie avait
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ordre de tuer tous ceux qui chercheraient à sortir de l’intérieur des parvis, et de repousser tous ceux du dehors, qui manifesteraient l'intention d'y pénétrer, pour porter secours aux rebelles. Cette mesure changea en consternation la fureur des Juifs. A la vue des cavaliers, qui couraient se poster à chaque issue, la multitude s'élança en désordre pour les prévenir. Un assez grand nombre réussit à prendre la fuite, et trouva une retraite dans les montagnes voisines. Le reste fut impitoyablement égorgé. Trois mille cadavres jonchèrent les portiques du Temple. Ordre fut donné de cesser, pour cette année, la célébration des solennités pascales: les étrangers durent quitter sur-le-champ la Ville sainte, et le décret d'Archélaûs, notifiant cette décision, fut publié le soir même 1.
26. Telle était la situation de Jérusalem, quand la sainte Famille, quittant le sol hospitalier de Egypte, arrivait aux frontières de Juda. On comprend, dès lors, pourquoi saint Joseph «craignit de pénétrer plus avant en ce pays2.» L'histoire profane, rapprochée du texte Évangélique, forme à celui-ci un lumineux commentaire. Ce ne fut point parce que le nouveau roi Archélaûs était fils d’Hérode, que saint Joseph n'osa entrer sur son territoire. Antipas, tétrarque de Galilée, était également fils d'Hérode, et Joseph ne craignait point pour cela de se fixer à Nazareth. «qui cherchaient l'enfant, pour le perdre, sont morts 4, avait dit l'Ange. Ce message céleste rassurait complètement l'époux de Marie sur les intentions des nouveaux princes. Archélaûs et Antipas ne songeaient point, en effet, à recommencer les perquisitions sanglantes de Bethléem. Ces deux frères, secrètement rivaux, avaient une préoccupation unique, mais contradictoire. Archélaûs voulait faire confirmer, par la puissance impériale, le testament qui l'appelait au trône. Antipas, conseillé par Salomé, sa tante, espérait agir assez fortement à la cour d'Auguste, pour se faire substituer à son frère, comme roi de Jérusalem. Un testament antérieur d'Hérode,
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1. Joseph, Antiq.jud.,Uh. XVII, cap. x et xn. — 2. Timuit illoire. (Matth., il, 22.)
3. Ce prince, nommé Hérode Antipas, pour le distinguer d'Hérode le Grand de l’Iduméen, son père, est le même qui figure daus l'Histolre de la Passion du Sauveur. — 4 Defuncti sunt enim qui guœrebant animam pueri. (Matth., n, 20.)
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lui en donnait le droit. Pour faire réussir ses prétentions, chaque compétiteur avait un égal besoin de ménager à son nom les faveurs de la popularité. Cette nécessité disposait pour le moment les deux jeunes princes à des actes de douceur et de clémence. Il avait fallu toute l'obstination des factieux, pour provoquer la répression qui venait d'ensanglanter le Temple de Jérusalem. Mais cet incident, qu'Archélaus aurait voulu prévenir, et dont l'explosion imprévue était, pour ses desseins, un véritable contre-temps, créait pour la sainte Famille un danger réel. Les étrangers accourus pour la fête de Pâques, brusquement chassés et fuyant la Ville sainte, portèrent la nouvelle du massacre à toutes les frontières. On conçoit donc que saint Joseph, qui se dirigeait lui-même vers Jérusalem, dut partager l'appréhension générale. Des motifs particuliers de crainte naissaient encore pour lui du sentiment de sa responsabilité à l'égard du dépôt divin confié à sa garde. Longeant donc la côte maritime de la Palestine, les illustres voyageurs vinrent en Galilée, et la Vierge Marie revit sa demeure de Nazareth, dont l'humble toit eut la gloire d'abriter l'enfance et la jeunesse de l'Homme-Dieu.