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1. L'ENFANCE DE JESUS
Il s'est fait enfant. Qu'est‑ce qu'être enfant? (5). Cela signifie tout d'abord : être soumission, dépen-
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dance, être dans le besoin, s'en remettre aux autres.
----- Jésus ------ est né dans le sein d'une femme dont il a reçu la chair et le sang, les pulsations du coeur, les gestes et la langue. -------- Jésus a reçu également les formes de pensée et les conceptions des hommes qui ont existé avant lui et finalement de sa mère, et --- son âme humaine en a été imprégnée.
Cela veut dire que, avec l'héritage de ses ancêtres, il a repris tout le chemin parcouru jusque‑là et qui, de Marie, remonte jusqu'à Abraham et finalement à Adam.
Il a pris sur lui le poids de cette histoire, il l'a vécue et supportée pour transformer tous les refus, toutes les déviations en un oui tout pur: «Car le Fils de Dieu, le Christ jésus, n'a pas été oui et non; il n'y a eu que le oui en lui» (2 Co. 1,19).
--------: «En vérité, si vous ne redevenez pas comme des petits enfants, vous n'entrerez jamais dans le Royaume des Cieux» (Mt 18, 3). --------dans l'enfance, le propre de la condition humaine se réalise si bien que quiconque a perdu l'essentiel de
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l'enfance est lui‑même perdu.
-------- s'impose la question suivante: qu'est-ce qui constitue le propre de l'enfance, que Jésus tient pour si irremplaçable ? Car il est clair qu'il ne s'agit pas d'une glorification romantique des enfants, ni d'un jugement moral, mais qu'il y va de quelque chose de plus profond.
En premier lieu il nous faudra nous rappeler que le titre de noblesse théologique central de Jésus est «le Fils ». -------- L'orientation de sa vie, sa racine et son point d'aboutissement avaient pour nom Abba ‑ papa. Il savait qu'il n'était jamais seul; jusqu'au dernier cri sur la croix il est tout entier tendu vers l'Autre, vers celui qu'il nomme Père.
C'est ce qui a rendu possible que son véritable titre de noblesse ne soit finalement ni Roi ni Seigneur ni d'autres attributs de puissance, mais un mot que nous pourrions également traduire
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par « enfant ».
Nous pouvons donc dire : si l'enfance occupe une place si éminente dans la prédication de Jésus, c'est parce qu'elle est en lien étroit avec son mystère le plus personnel, sa filiation.
Sa plus haute dignité, qui renvoie à sa divinité, n'est finalement pas une puissance possédée pour elle‑même ; elle consiste dans le fait d'être tourné vers l'Autre ‑vers Dieu le Père.
-------- L'homme veut devenir Dieu et il doit le devenir. Mais chaque fois que, comme dans l'éternel dialogue avec le serpent du paradis, il essaie d'y parvenir en s'affranchissant de la tutelle de Dieu et de sa Création pour ne plus s'appuyer que sur soi‑même et s'installer en soi‑même, chaque fois que, en un mot, il devient tout à fait adulte, tout à fait émancipé, et qu'il rejette totalement l'enfance comme état de vie, il débouche sur le néant parce qu'il s'oppose à sa propre vérité qui est dépendance.
Ce n'est qu'en conservant ce qu'il y a de plus essentiel à l'enfance et à l'existence de fils, vécue d'abord par Jésus, qu'il entre avec le Fils dans la Divinité.
Nous n'avons rien dit là que de très général. Un autre aspect de ce que Jésus entend par l'enfance trans-
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paraît dans sa glorification des pauvres : «Heureux vous les pauvres, car le Royaume des Cieux est à vous» (Lc 6, 20).
-------- Dans l'état de pauvreté apparaît quelque chose de ce qui fait l'enfance: l'enfant ne possède rien par lui-même. Il reçoit des autres et c'est précisément en ne possédant en propre ni puissance ni biens qu'il est libre.
Il n'a encore aucune position sociale qui étouffe sa personnalité comme un masque. Biens et puissance sont les deux grandes tentations de l'homme, qui devient prisonnier de son avoir et lui abandonne son âme. -------