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38. Trois édits consécutifs avaient mis aux mains de la commission des réguliers un pouvoir qui effaçait celui de l'Église ; il s'appesantit bientôt sur l'état religieux. On fit naître des divisions dans les monastères dont la ruine était décidée ; on y souleva des réclamations de la part des religieux contre leurs règles ou de la part des inférieurs contre les supérieurs. Lorsque, par suite de ces manœuvres, des causes antécédentes avaient produit la division, le parti le plus coupable et le plus bruyant était toujours celui qu'on soutenait. Chaque jour amenait, pour les religieux fidèles, quelques vexations et quelques innovations dans les régies. Tant de changements et de désordres dégoûtaient de leur état ceux qui avaient cru y trouver un abri contre le tourment des choses du monde et encourageaient le relâchement des religieux dont l'irrégularité
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(1) Cobbett, Lettres sur l'histoire de la réforme en Angleterre, VI.
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avait depuis longtemps ébranlé la vocation. Beaucoup de monastères furent supprimés et même des corps entiers disparurent. Le premier qui fut en hutte aux tracasseries de Loménie de Brienne, fut l'ordre des Trinitaires pour la rédemption des captifs. Brienne voulut que la réforme et l'ancienne observance ne formassent qu'une même congrégation ; les résultats de cette réunion furent des suppressions de couvents. L'ordre de la Merci fut traité avec plus de rigueur encore. On supprima les maisons d'Aix, Carcassonne Salins, Mas-Sainte-Puelle, Malleville, Castellane, Risdes, Aurignac et Hauterive. La même année 1707, la commission découvrit que les constitutions de la congrégation de Saint-Vannes n'avaient pas été autorisées dans le royaume ; pour faire cesser cette illégalité, on convoqua un chapitre général à Montiérender, chapitre dont Brienne sut habilement exploiter la convocation. Lorsque les constitutions ne prêtaient pas, à la commission, les mêmes prétextes, elle trouvait dans les édits, une source inépuisable d'arguments pour mettre les communautés en émoi et ébranler, dans leur sein, la discipline. Des arrêts multipliés en 1768 et 69 ordonnèrent aux différents ordres des Minimes, des Bénédictins, des Tertiaires de S. François, des Cordeliers de l'étroite observance, des Récollets, des Conventuels de S. François, des Dominicains, des Carmes-déchaussés, des Carmes de l'ancienne observance, des Capucins, des Augustins, des Cisterciens, des Antonins, des Prémontrés, et des Chanoines réguliers de la congrégation de France, de choisir dans leurs chapitres provinciaux et parmi les religieux, des députés qui devaient composer les chapitres convoqués par les mêmes arrêts. Là, en présence des commissaires royaux, on devait procéder à l'exécution de l'édit de mars 1768, reviser les constitutions, compléter les communautés, supprimer celles qui n'atteignaient pas le chiffre voulu par les arrêts. Les commissaires veillaient à l'exécution de ces mesures avec une rigueur que ne comporte pas l'amour du bien. Surtout ils exigeaient sévèrement des états détaillés des revenus et des dettes de chaque monastère.
Lorsque les constitutions avaient été revisées, on soumettait le nouveau code à la sanction du roi, et quelquefois on alléguait l'ap-
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probation du souverain pontife, afin de pouvoir dire qu'on avait agi d'après les saints canons. Mais quelle confiance pouvait inspirer aux religieux une discipline combinée sous de tels auspices. Les plus réguliers répugnaient à une discipline plus faite pour une milice que pour une communauté religieuse ; les plus relâchés s'autorisaient, pour s'éloigner de leur institut, de cette nouvelle discipline, qu'ils n'observaient pas d'avantage. Les uns rejetaient des règlements auxquels ils n'avaient pas voué obéissance; les autres s'en autorisaient pour rejeter les observances qu'ils avaient embrassées. La commission ne pouvait pas inventer un moyen plus efficace pour ruiner les constitutions religieuses. La commission, du reste, n'observait pas ces hypocrites ménagements à l'égard des ordres dont la destruction immédiate n'offrait pas ces difficultés. L'ordre de Grandmont disparut le premier. On leur défendit de recevoir des novices ; on leur permit de se réunir dans certaines maisons ou de sortir de la congrégation pour entrer dans une autre, et, malgré les réclamations de l'abbé et de ses religieux, l'abbaye de Grandmont fut unie à l'évêché de Limoges. Les Bénédictins de la Congrégation des exempts furent supprimés sortant de cérémonies. Des lettres-patentes du roi les soumirent aux évêques. Les évêques devaient procéder à l'extinction, suppression et union des menses conventuelles, pour en être les revenus appliqués à tels établissements ecclésiastiques qu'ils jugeraient convenables, à la charge de payer à chacun de ces religieux une pension viagère équivalente aux revenus dont ils jouissaient. Brienne ne garda pas plus de mesure envers les chanoines réguliers de Saint-Ruf, envers les Antonins, les Célestins, les Augustins et les Cordeliers. Tout tombait sous les coups de ce singulier réformateur.
« Plus de mille communautés supprimées, dit le P. Prat, des ordres entiers abolis, le trouble introduit dans les autres, des instituts altérés et bouleversés, les vocations taries, l'état monastique ébranlé jusque dans ses fondements, voilà ce que la commission avait fait en moins de six ans. Elle se félicita de son ouvrage et obtint du roi un arrêt qui consacrât solennellement de si prompts et de si brillants succès ! Le 1er avril 1773 parut donc un édit, ou
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plutôt un ordre du jour, qui, en rendant hommage au zèle de ses commissaires, louait la clarté, la précision, la sagesse des constitutions qu'ils avaient corrigées et mises dans un nouvel ordre, et prescrivait en trente-quatre articles, de nouvelles mesures pour en assurer l'exécution. Or, ces mesures, dans leur ensemble, ne tendaient à rien moins qu'à éteindre l'esprit de piété, à réprimer dans les cœurs les élans de la charité, à entraver l'autorité des supérieurs qu'on réduisait à la condition d'officiers de police, à établir dans toutes les maisons un indigne système d'espionnage et à les soustraire à la suprême juridiction du pontife romain. » Le P. Prat cite, dans ses pièces justificatives, ce dernier acte schismatique de Louis XV, qui mourut bientôt et s'en alla souiller l'histoire.
39. Que faisait cependant le Saint-Siège pour prévenir ou réprimer ces abominables entreprises. On a conservé un curieux mémoire, qui fut placé sous les yeux de Louis XVI, peu après son avènement, pour obtenir son approbation et son concours. L'auteur de cette pièce, rédigée sous le nom de La Roche Aymon, président, cherche à dissiper les scrupules du jeune roi en lui faisant croire que Rome a approuvé les agissements funestes de la commission. «Comme la commission, dit-il, apporte l'attention la plus scrupuleuse à ne pas s'écarter des règles, elle n'a pas craint de proposer au roi pour calmer les alarmes de la cour de Rome, de ne rien entreprendre sans prévenir le Saint-Siège. Cette communication établit le concert entre les deux cours. Elle a disposé favorablement celle de Rome pour les opérations qu'elle avait commencé par craindre et par cette conduite, ainsi que par la demande de commissaires apostoliques, toutes les fois qu'ils ont été nécessaires, les désirs de l'assemblée du clergé de 1765 ont été entièrement remplis. » Or, voici ce qu'était le prétendu accord des deux cours. En 1766, on avait commencé par supprimer la lettre du clergé à Clément XIII ; depuis, et c'est Brienne qui nous l'apprend, on avait poursuivi cette entreprise néfaste, sans même consulter le Saint-Siège. « Malgré la régularité de cette marche, dit-il, on n'est entré en aucune explication sous le dernier pontificat : on s'est contenté d'assurer que l'on ne s'écartait pas des règles ; mais nous vou-
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drions, Monseigneur, que le grand pontife que vous avez mis sur la chaire de S. Pierre en fut bien persuadé et que, s'il avait des nuages sur ce qui se fait en France au sujet des Réguliers, il voulut bien nous communiquer ses peines et nous mettre à portée de les dissiper. Nous vous ferions passer tous les éclaircissements que vous jugeriez nécessaires, et si l'on nous montrait que nous nous sommes trompés, on ne nous trouverait ni indociles ni incorrigibles...» (1) Voici ce que valaient ces promesses de soumission : « Combien, dit l'historien de Clément XIV, le Saint-Père ne fut-il pas affligé quand il apprit que cette commission, au lieu d'entreprendre des réformes nécessaires et opportunes, passait, sous de frivoles prétextes, à l'abolition totale de plusieurs ordres, et même quelquefois sans avoir pris l'avis du Saint-Père, ni requis son consentement ! » Je ne saurais comprendre, écrivait le secrétaire d'État du même pape au nonce de Versailles, le 20 juin 1770, comment les prélats membres de la commission ont pu désirer et le ministère décréter la suppression de communautés religieuses dépendantes immédiatement du Saint-Siège apostolique, sans lui en donner préalablement le moindre avis, ne fut-ce que par pure politesse. Je m'étonnerais moins si c'étaient des ministres ou des magistrats laïques qui agissent de la sorte ; mais je trouve singulièrement étrange que des ministres de l'Église, eux qui sont strictement tenus à maintenir ses droits, se prêtent avec tant de facilité et de condescendance à de pareilles et de si déraisonnables innovations. Que V. E. fasse donc, avec sa douceur habituelle, usage de ce confidentiel épanchement, si elle le croit opportun, etc.. » (2) Le 8 août suivant, une nouvelle dépêche, par ordre exprès du pape, chargea le nonce d'éclairer avec douceur, mais avec force, les évoêques membres de la Commission: « Autre chose, écrivait le cardinal Pallavicini, est que les évêques, par une raison de prudence, se taisent dans quelque cas sur ce qui arrive, sans leur participation, au préjudice des droits de l'Église ; autre chose est que ces mêmes évêques, auxquels a été essentiellement confiée l'obligation de
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(1) Dépêche au cardinal de Bcrnis, juin 17G9. ,
(2)Theiner, Pontificat de Clément XIV, 1.1, p. 4C3.
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défendre ces droits et de les soutenir, se fassent les auteurs, les conseillers ou les fauteurs de telles opérations anormales. Dans le premier cas, ils peuvent quelquefois être excusables, mais dans le second, jamais.»
Enfin les évêques de la commission portaient si loin l'oubli ou le mépris des prérogatives du Saint-Siège, que, l'année suivante, Clément XIV en était réduit à réclamer contre eux, en faveur de l'Église, l'appui du duc d'Aiguillon, successeur de Choiseul. Les cadets de famille, parvenus à l'épiscopat, mettaient, du moins plusieurs, littéralement l'Église au pillage ; et pour Brienne en particulier, sous le couvert de son zèle réformiste, il n'était rien moins qu'un voleur à main politique. Quand on visite, comme nous l'avons fait, les ruines de cette abbaye de Basse-Fontaine, qu'il eut l'impudence d'annexer à sa terre de Brienne, on ne peut s'empêcher de maudire sa mémoire. Le P. Theiner nous a encore conservé cette dépêche du cardinal secrétaire d'État au nonce de France. « Sa Sainteté a eu pour très agréable les nouvelles de la promesse qui lui a été faite par M. le duc d'Aiguillon de détourner S. E. le cardinal de la Roche Aymon soit de faire aucune innovation au sujet de l'affaire des Célestins, soit de promulguer l'édit que la commission pense faire publier relativement à la discipline des Réguliers, comme encore quoi que ce soit qui puisse intéresser directement ou indirectement notre cour, sans que nous en soyons préalablement et pleinement informé. » On sait quels moyens, à cette époque même, les princes catholiques employaient pour arracher à Clément XIV la suppression des Jésuites. Les corps religieux qui existaient encore ne reçurent de lui qu'un appui à peu près stérile ; mais du moins il protesta contre les entreprises du gouvernement et de la commission ; il réserva jusqu'au dernier moment les droits de l'Église, et le Saint-Siège ne peut être chargé d'aucune part de la terrible responsabilité qui pèse sur Louis XV, ses ministres et ses commissaires.
40. De toutes les plaies faites à l'état monastique, la plus cruelle était celle qui ruinait les vocations en les ajournant. Depuis qu'on avait reculé jusqu'à vingt et un ans, l'âge requis pour l'émission
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des vœux, le recrutement des ordres religieux devenait de plus en plus difficile. Les religieux, restés fidèles à leurs ordres respectifs, disparaissaient de jour en jour. Les Capucins en moins de dix ans, perdirent 1205 religieux et n'en reçurent que 446. Les Grands Carmes qui, à la publication de l'édit, étaient au nombre de 1349 se trouvèrent réduits à 1097. Dans le même laps de temps, les Récollets de la province de Paris perdirent 48 religieux ; sept novices seulement se présentèrent. L'ordre de S. Dominique descendit de 1610 à 1200. Sur 135 pertes, les Augustins n'eurent que 30 recrues. En général l'excédant des morts sur les entrées était d'un grand tiers. Et, ce qui n'est pas moins triste à dire, le sanctuaire était déserté en même temps que le cloître. En sorte que, si la persécution ne fut pas venue ranimer la foi et retremper les caractères, l'état ecclésiastique en eut été réduit à un état de défaillance peu différent de la mort. En 1775, Brienne, chef du bureau de la juridiction, fut chargé de faire un rapport sur ce point. Brienne reconnut les causes de la diminution rapide des vocations, et proposa, comme moyen d'y remédier, de prendre des enfants dès l'âge le plus tendre et de les élever dès lors, à peu de frais, pour l'état ecclésiastique, dans les séminaires. S'il lui paraissait nécessaire de disposer dès l'enfance à l'état ecclésiastique ceux que la Providence y destinait, pourquoi tant de prétextes pour interdire jusqu'à vingt et un ans la vie religieuse à ceux qui se sentaient portés à l'embrasser?
41. Les réguliers, effrayés des vides qui s'élargissaient autour d'eux, exposèrent leurs alarmes à l'assemblée du clergé. Leurs demandes furent appuyées par Christophe de Beaumont, en qui l'innocence opprimée trouvait toujours un défenseur. La loi qui avait reculé l'époque des admissions ne devait être appliquée que pendant dix ans ; après ce terme, le roi s'était réservé expressément d'expliquer de nouveau ses intentions. Ces dix années devaient expirer en 1779, époque ou l'assemblée n'était pas réunie ; si donc elle ne présentait pas ses observations, on pourrait interpréter à faux son silence. «Quelle plaie pour l'Eglise, s'écrie le courageux archevêque ; quelle diminution dans le nombre de ses
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ministres ! Indépendamment des secours sans nombre que fournissent les corps réguliers pour la prédication et la confession, qui d'entre vous n'a pas éprouvé de quelles ressources ils sont dans les campagnes, pour toutes les fonctions du saint ministère et notamment pour la desserte des cures, par la disette des prêtres séculiers. Pour moi, je dois leur rendre cette justice, que je les ai toujours trouvés, dans mon diocèse, empressés à me fournir tous les secours dont j'ai pu avoir besoin, et que, même dans les points où ils auraient pu avec fondement m'opposer leurs exemptions, ils n'en ont pas fait usage et sont entrés avec docilité dans toutes mes vues. Tout doit donc nous porter à venir à leur secours : il ne s'agit de rien moins que de prévenir leur anéantissement. En nous intéressant pour eux, nous travaillons pour la religion, pour l'Église universelle, pour une portion considérable de celle de France, pour nous-mêmes et pour le bien de nos diocèses : c'est ici le moment d'agir ; il ne serait plus temps à la prochaine assemblée. » L'assemblée s'émut de ces paroles et chargea une commission de les rapporter au jeune roi. Louis XVI répondit qu'il aurait égard à des réclamations si légitimes. Mais, après la séparation de l'assemblée, Brienne travailla l'esprit du roi et, en 1780, parut un nouvel arrêt du conseil ordonnant de continuer l'application de l'arrêt de 1766. C'était l'arrêt de mort des ordres religieux. Le clergé ne se laissa ni intimider, ni endormir par les manœuvres de Brienne. En 1780, l'assemblée — l'une des plus respectables que la France ait vues jusqu'alors, — revint à la charge. Dulau, archevêque d'Arles, plaida chaudement la cause des Antonins ; puis, le souvenir des maux qui pesaient sur les autres congrégations, l'entraînant plus loin, il peignit, en traits vifs, les progrès d'un mal qui menaçait l'existence même de l'Église en France. En présence de cette prévision trop véridique, l'assemblée résolut d'appeler l'attention du roi sur le sujet de ses alarmes. Louis XVI comprit la justice de ces plaintes et la gravité des périls que le clergé signalait à sa vigilance ; il eut sans doute couvert les ordres religieux de sa protection, s'il eut eu plus de confiance en ses lumières.
42. Louis XVI avait déchargé de l'exécution des arrêts la com-
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mission de réforme ; mais il ne l'avait pas dissoute et lui avait même laissé tous ses pouvoirs sous une dénomination différente. L'assemblée du clergé, qui avait découvert cet artifice, mit en question si elle ne demanderait pas au roi la révocation de son dernier édit ; la confiance qu'elle avait dans le prince lui fit oublier la défiance que devaient lui inspirer les démarches tortueuses du conseil du roi. La commission poursuivit donc son rôle funeste ; elle consomma entre autres, la ruine de l'ordre de Cluny. Bref, à l'époque où Brienne était entré en campagne contre les ordres religieux, la France comptait 2,966 maisons religieuses et 26,672 religieux de divers ordres. En 4790, d'après les papiers du comité ecclésiastique de l'Assemblée Constituante, la France ne comptait plus que 1,036 maisons et 6,064 religieux. Un misérable archevêque, agissant pour le compte d'un misérable roi, avait détruit plus de moines à lui seul que Luther, Calvin et Henri VIII ; il avait passé, nouvel Omar, à travers les institutions monastiques. Près de deux mille maisons avaient péri sous ses coups, et vingt mille religieux avaient disparu du sol de France. Des causes multipliées poussaient sur cette pauvre France, l'effroyable nuage d'où allaient s'échapper tous les fléaux de l'anarchie. Tandis que l'erreur, sous mille formes, arrachait des cœurs l'amour de la religion et jusqu'aux sentiments naturels de justice et de probité ; tandis que la magistrature, par l'opposition éclatante qu'elle faisait aux volontés royales, apprenait aux populations à mépriser les lois et à braver l'autorité du monarque, il n'y avait plus de Basile, de Grégoire, de Chrysostôme et d'Athanase pour défendre la chose publique. Cependant Louis XVI passait son temps à des serrures et Marie-Antoinette fabriquait des fromages à Trianon. Du lait au sang, il n'y a pas loin. Bientôt viendra pour le pauvre fils de S. Louis, le temps des grandes infortunes. Dieu se serait peut-être laissé fléchir en faveur de la France et de la famille royale, si Louis XVI avait pu dire comme Charles-Quint, dans un extrême péril : « Rassurons-nous ; dans une demi-heure, tous les moines et toutes les religieuses d'Espagne se lèveront et prieront pour nous » ; ou mieux encore, comme son ancêtre Philippe-Auguste : »Il est minuit :
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c'est l'heure où les communautés se lèvent pour chanter matines. Les saints moines ne nous oublient jamais : ils vont apaiser le Christ, ils vont prier pour nous, et leurs prières vont nous arracher du danger. » (1)