Grégoire VII 18

Darras tome 21 p. 571

 

   21. Tels étaient les auxiliaires de Grégoire. La politique humaine sera peut-être tentée de les trouver bien faibles ; mais l'Eglise instituée par Jésus-Christ est accoutumée à voir la faiblesse humaine se transformer sous la main de Dieu en une puissance invincible. Le pontife élu le savait mieux que personne. Il n'eut pas recours à d'autres moyens pour assurer le succès de son entreprise. « Il se promettait, dit Berthold de Constance, de réprimer non plus seule­ment en Italie mais en Allemagne, la simonie et l'incontinence des clercs. En un mot son plan consistait à étendre à tout l'univers ca­tholique la réforme que son prédécesseur Alexandre II avait déjà fait prévaloir à Rome 1. » Durant les trois mois de son administra-

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1. Paul Bernried. loc. cit. col. 99.

2. Berthold. Constant. Chromo, Patr. Lat. Toni. CXLYIU, col. 103

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tion comme pontife élu, il mûrit ce plan si simple d'apparence, mais dont l'exécution devait soulever d'innombrables difficul­tés. La simonie était une conséquence forcée du système des in­vestitures : ou plutôt, suivant l'expression du docteur Voigt, in­vestiture et simonie étaient même chose. Pour extirper l'une, il fallait de toute nécessité anéantir l'autre. La forme de l'investiture par la crosse et l'anneau introduite depuis une centaine d'années en Germanie et en France, si scandaleuse qu'elle fût, puisqu'elle paraissait faire émaner du pouvoir laïque la juridiction spirituelle, n'était cependant qu'une extension abusive du privilège de nomi­nation épiscopale jadis accordé à Cbarlemagne et, sinon renouvelé formellement, du moins toléré pour ses successeurs empereurs ou rois. Dans la notion de l'empire chrétien telle que l'avait conçue Léon III et que Cbarlemagne l'avait réalisée, ce privilège n'offrait aucun inconvénient. Mais entre les mains d'un prince tel que Henri IV d'Allemagne, il établissait l'abomination dans le sanctuaire, il ré­duisait véritablement l'église en servitude, il constituait en quelque sorte Satan lui-même comme le dispensateur de l'apostolat et du ministère ecclésiastique. Attaquer la simonie c'était donc non-seule­ment proscrire les investitures, mais aussi révoquer le privilège per­sonnellement accordé à Charlemagne pour le bien de l'Église et dont ses successeurs avaient fait une arme si formidable contre l'Église. Il fallait rompre ce concordat dont les fruits étaient deve­nus le poison du sacerdoce et du monde. Cette perspective laissait entrevoir de la part du roi de Germanie des résistances effroyables. Lui ôter la nomination aux bénéfices ecclésiastiques c'était tarir une des sources les plus considérables de ses revenus. Habitué, comme nous l'avons vu, à vendre au plus offrant les évêchés et les abbayes, il tenait à son privilège de nomination comme un avare tient à son trésor. Ainsi se compliquait d'une manière effrayante cette question qui en principe eût été très-simple. Il est évident que nulle puis­sance laïque ne peut par elle-même nommer aux charges ecclé­siastiques. En d'autres termes, César ne peut se substituer à Jésus-Christ pour choisir des apôtres. Toutes les tentatives en ce genre, dans le passé comme dans le présent, sont aussi ridicules que vaines.

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Mais en vertu de conventions spéciales et dans des conditions déterminées, les papes ont souvent accordé et accordent maintenant encore ce privilège au pouvoir laïque. Henri IV en avait joui jusque-là, il s'en montrait de plus en plus indigne. On pouvait pré­voir que bientôt il faudrait le lui retirer ; et alors quel conflit à en­gager avec ce jeune et fougueux tyran! L'extinction de la clérogamie ne devait pas soulever moins de tempêtes. Comment soumettre à la loi du célibat ecclésiastique des hommes qui avaient acheté leurs évêchés, leurs monastères, leurs titres parochiaux sans être astreints ni à se séparer de leurs femmes ni à ne point contracter de mariage? Déposer d'un seul coup toute cette horde d'impurs mercenaires c'eut été bouleverser le monde, et peut-être exposer l'autorité du saint-siége au plus douloureux échec. Tel est le secret des angoisses mortelles qui assaillirent Grégoire VII dans les pre­miers mois de son administration provisoire.


   22. Durant cet intervalle il se borna à maintenir dans leurs postes respectifs les divers légats du saint-siége envoyés par son prédécesseur. Il prit cependant une initiative plus caractérisée vis-à-vis du cardinal Hugues le Blanc, celui-là même qui avait si éner- giquement provoqué son élection. Une mission de haute impor­tance se présentait à remplir en Espagne. Le comte Ebol de Roucy, l'un des plus puissants seigneurs de la province Rémoise, avait l'année précédente obtenu d'Alexandre II une concession apostolique dont Grégoire VII dans une lettre adressée le 30 avril 1073 à tous les princes chrétiens d'Espagne, nous fait connaître l'objet en ces termes : « Vous n'ignorez pas sans doute qu'ancienne­ment le royaume d'Espagne relevait de la juridiction de saint Pierre et qu'aujourd'hui encore, malgré l'invasion des païens (Maures) qui l'occupent, le droit de la justice étant imprescriptible, il ne relève d'aucune autre puissance que du siège apostolique. Ce qui par la volonté de Dieu est entré légitimement dans la propriété de l'Église peut lui être momentanément enlevé par la force, mais ne saurait être définitivement soustrait de son domaine sans une légitime concession. Or le comte Ebol de Roucy dont la valeur et le mérite ne vous sont point inconnus, sur le point d'aller en Espagne com-

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battre les Sarrasins, a obtenu du saint-siège la concession de tous les territoires qu'il pourrait conquérir sur eux, à la condition sous­crite par lui de les tenir en fief de saint Pierre. Nous avertissons donc en toute dilection ceux qui voudraient s'adjoindre à lui de mériter par leur dévouement au prince des apôtres, sa protection dans les périls de la guerre et la récompense qu'il réserve à ses fidèles serviteurs. Si quelques-uns d'entre vous entreprennent isolé­ment et avec leurs propres troupes des expéditions semblables, ils doivent se pénétrer des sentiments de dévotion et de justice, pre­nant dès lors la ferme résolution de ne jamais, après leurs conquêtes, faire au prince des apôtres le même tort que lui infligent eu ce moment les Maures infidèles. Nous voulons en effet que chacun de vous sache que s'il ne s'engage d'avance à faire payer équitablement sur les territoires conquis les droits de saint Pierre, nous lui défendrons en vertu de l'autorité apostolique d'y entrer, plutôt que de voir la sainte église catholique notre mère souffrir de ses propres fils ce qu'elle a souffert de l'invasion barbare et déplorer non plus seulement la perte de ses biens temporels mais le dom­mage causé à ceux de ses enfants qui lui demeurent fidèles 1. A

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1. Nous avons peine à comprendre, dit Bossuet, pourquoi Grégoire VII ai­mait mieux voir l'Espagne asservie aux infidèles, plutôt que de relâcher le moindre de ses droits bien ou mal fondés. Il n'est attentif qu'à tondre la bre­bis, et ne songe nullement à l'arracher toute palpitante de la gueule du lion. Voilà où en était venu ce pontife personnellement si désintéressé et d'une telle sainteté de vie. La plus légère atteinte aux droits temporels du siège apostolique lui paraissait le plus grand des malheurs. » (Defens. Decl. Lib. I, Sect. i, cap. au. Edit. Lâchât, Torn. XXI, p. 175). Ces exclamations, nous en demandons pardon au génie de Bossuet, retentissent complètement à faux. Grégoire VII se préoccupait au plus haut point d'arracher l'Espagne au joug des Maures, puisqu'il y envoyait comme une avant garde des croisés le vail­lant comte de Roucy. L'image oratoire de la brebis qu'il tondait avant de l'arracher à la gueule du lion n'est pas plus exacte. Il n'y avait pas de chré­tiens dans les territoires occupés par les Maures, il ne s'agissait donc point de délivrer des brebis qui n'existaient pas, mais de reconquérir le sol usurpé. Or, pour cette conquête il ne manquait pas de chevaliers chrétiens, tels que le comte de Roucy, disposés à faire hommage de leur conquête au saint-siège, c'est-à-dire à payer le tribut de saint Pierre tel qu'il avait été unanimement établi dans l'Espagne catholique. Voilà pourquoi Grégoire VII avertit les princes de ce royaume, s'ils veulent entreprendre contre les Sarrasins quelques

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cette occasion nous envoyons dans vos contrées notre cher fils Hugues (le Blanc) cardinal-prêtre de la sainte église romaine, le­quel vous transmettra nos avis et nos résolutions et les fera exécu­ter à notre place1.» En confiant une pareille mission à Hugues le Blanc, Grégoire VII voulait-il éloiguer de Rome ce cardinal œquivoci nominis, comme dit saint Anselme de Lucques et dont le carac­tère offrait si peu de solidité? Plusieurs historiens l'ont supposé, mais à notre avis, sans aucun fondement. Il parait au contraire qu'à cette époque le pontife élu croyait pouvoir accorder à Hugues le Blanc une pleine et entière confiance.

 

   23. C'est du moins ce qu'il est permis d'inférer de la lettre suivante, adressée le même jour par Grégoire VII aux légats d’ Alexandre II dans le midi de la Gaule, Girald évêque d'Ostie et le sous-diacre de l'église romaine Raimbaud : « La voix publique vous aura déjà sans doute appris la mort de notre seigneur pape Alexan­dre et la nouvelle de mon élection ; voulant toutefois vous trans­mettre des détails plus circonstanciés, je n'ai trouvé personne plus apte à vous les fournir que notre cher fils le cardinal Hugues le Blanc, témoin oculaire de tout ce qui s'est passé. Priez donc et faites prier, je vous en conjure, pour que le seigneur accorde à l'âme de notre regretté père les joies de la béatitude éternelle et nous donne à nous-même le secours de sa grâce pour supporter le poids du fardeau qui nous est imposé. Les circonstances présentes et le bien des affaires nous ont déterminé à confier cette mission au cardinal. Prévenez-en le saint abbé de Cluny et toute sa congré­gation, afin de les disposer à l'accueillir avec une charité frater­nelle, sans aucune trace des discussions passées. Homme abjurant lui-même ses anciens errements, Hugnes-le-Blanc s'est en quelque sorte dépouillé de son libre arbitre pour entrer dans notre cœur et dans nos pensées. Il nous est uni dans une même volonté et dans

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expéditions particulières, d'avoir à souscrire un engagement semblable à celui du comte. Tel est le sens des dernières paroles mal comprises par Bossuet : Ne •simeta mater Ecclesia non jam proprietalis sus ,sed fi/iorum detrimeutv sau-cielur. i S. Grég. VII, Epist. vu, Lib. I; Pair. Lat.  Tom. CXLVIU, col. 239.

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le même désir du bien. Nous avons d'ailleurs constaté que les griefs qui lui furent précédemment imputés venaient moins de sa faute que de celle d'autrui. — Nous vous prions de ne point perdre de vue la teneur des instructions contenues dans les lettres de notre sei­gneur pape Alexandre de bienheureuse mémoire. Il vous chargeait de prêter tout votre concours à l'entreprise du comte Ebol de Roucy et vous transmettait l'engagement souscrit par ce prince en faveur du siège apostolique, avec ordre de vous concerter avec le saint abbé de Cluny pour envoyer en Espagne des hommes dignes et capables, afin de corriger dans les chrétientés de ce pays les points qui au spirituel ont besoin de réforme et de recueillir dans les territoires conquis par Ebol les droits de saint Pierre, selon la teneur de l'acte de concession. Si vous l'avez déjà fait, nous serons heureux de l'apprendre. Autrement si pour quelque motif que ce soit vous avez différé jusqu'à ce jour, ou si la convention souscrite par le comte de Roucy ne l'a point été par les autres princes qui se dis­posent à des entreprises particulières contre les Maures; nous vou­lons que le cardinal Hugues-le-Blanc, après s'être entendu avec vous et avec l'abbé de Cluny, se rende lui-même en Espagne et exige de tous l'équitable engagement de reconnaître les droits de saint Pierre. Priez de notre part l'abbé de Cluny de faire accompagner Hugues-le-Blanc par des hommes qui puissent l'aider de leurs conseils en le laissant toutefois chef de la légation. Hors de l'Espagne, Hugues-le-Blanc ne devra intervenir en rien dans les affaires ecclésiastiques, à moins que vous ne lui demandiez son concours 1. » — Au mo­ment où Hugues-le-Blanc arriva dans le midi des Gaules, le légat Girald avait déjà exécuté les instructions qu'il avait reçue d'A­lexandre II et s'était rendu en Espagne 2. II en informait le pontife élu par un message qui dut se croiser en route avec le cardinal Hugues-le-Blanc : car dès le 1er juillet, 1073 Grégoire sacré depuis deux jours y répondait en ces termes : « Il nous est très-agréable

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1. Ibid. Epist vi.

2. Le fait résulte d'une autre lettre adressée le 1er juillet par Grégoire VII déjà sacré au légat Girald (Epist. xvt. col. 298.) Nobis equidem gratum est qitod pro ..egiiiis sanctx Romanœ Ecctesise in Hispanias profectus est.

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d'apprendre que vous vous êtes rendu en Espagne pour y suivre directement les négociations entamées avec la sainte église romai­ne. » Cette particularité a échappé à l'attention des précédents historiens. Elle nous porterait à croire que Hugues-le-Blanc, dont la mission ainsi qu'on l'a vu était conditionnelle et ne devait s'exé­cuter qu'autant que Girald pour une raison quelconque aurait différé jusque là d'entamer les négociations, n'alla pas plus loin et ne poursuivit pas sa route jusqu'en Espagne. Le fait est qu'on ne trouve à cette époque aucune trace de sa présence au delà des Pyrénées, aucun synode tenu sous sa présidence, aucune lettre rendant compte de ses opérations. S'il en fut ainsi, il n'est pas douteux que le cardinal, avec la fougue de son caractère, dut être fort sensible à cette déconvenue. Peut-être faut-il rapporter à cet incident le point de départ de la haine implacable qu'il voua dès lors à un pontife dont il avait provoqué si ardemment l'élection.

 

   24. Quoiqu'il en soit de ce détail particulier négligé par la criti­que moderne, celle-ci s'est montrée inexorable pour la lettre de Grégoire VII aux rois et princes chrétiens d'Espagne. «Ne se disant encore qu'élu au pontificat de Rome, écrit M. Villemain, Gré­goire manifestait déjà sur l'Espagne cette prétention d'une souve­raineté antérieure et absolue qu'il étendit dans la suite à tous les royaumes 1. » — « Cette lettre a dû produire en Espagne une sen­sation étrange, dit M. Voigt. On devait être étonné qu'un homme naguère si doux et si circonspect, se prononçât d'une manière aussi décisive. On ne savait sur quel fondement l'église romaine appuyait ses prétentions sur l'Espagne 2. » Non moins scandalisé que les autres, le docteur Héfélé ne trouve pour excuser la conduite de Grégoire VII que cette singulière observation : « Il avait évidem­ment en vue la donation de Constantin, par laquelle cet empereur abandonnait au pape saint Silvestre omnes Italiœ seu occidentalium regionum provincias, ne se réservant pour lui-même que l'Orient3. » —

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1.Villemain. Hist. de Grcg. VII, T. I, p. 195.

2.Voigt. Hist. de Greg. VU et de son siècle; Ed. in-12, p, 186. Trad Jagef.

3. Héfélé, Hist. des Conciles, Tom. VI, p. 469, Not. 1, Trad. Delarc.

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« Personne en Espagne ni ailleurs ne  savait un seul mot de ces prétendus droits du siège apostolique sur l'Espagne, dit Bossuet : Grégoire lui-même en convient. Je ne veux cependant pas croire qu'en les revendiquant il ait joué le rôle d'un imposteur, j'aime mieux dire qu'il put se tromper de bonne foi en s'appuyant sur des titres faux, comme il s'en trouve un si grand nombre dans l'his­toire 1.  » Ces quelques citations suffisent à donner   l'idée de l'acharnement avec lequel on s'est élevé à ce propos contre ce qu'il a été si longtemps convenu d'appeler les prétentions exorbitantes de Grégoire VII. Tant de récriminations tombent cette fois encore complètement à faux. Ce ne fut point Grégoire VII qui prit l'initia­tive de cette affaire ; il en hérita de son prédécesseur Alexandre II qui l'avait réglée lui-même et lui avait imprimé la direction pre­mière. Mais, dira-t-on, Alexandre II n'avait agi qu'à l'instigation de son premier ministre Hildebrand sur lequel retombe en définitive toute la responsabilité. C'est encore une erreur. L'initiative re­monte et appartient exclusivement au comte Ebol de Roucy,  ce vaillant croisé qui aida si puissamment les princes chrétiens d'Es­pagne à repousser les Maures. Intimement lié avec Sanche I roi d'Aragon, dont il était le beau frère, il connaissait les droits anti­ques de l'église romaine sur les territoires espagnols. Avant d'aller se tailler à la pointe de l'épée une principauté que son épée arrache­rait au joug des Sarrasins, il venait en demander l'investiture à Alexandre II. Cette démarche spontanée et libre du preux cheva­lier suffit à elle seule pour démontrer une certaine notoriété subsis­tant encore à cette époque des anciens droits du saint-siége. Gré­goire VII la constate lui-même dès la première ligne de sa lettre aux princes espagnols : « Vous n'ignorez sans doute pas, leur dit-il, qu'anciennement le royaume d'Espagne relevait de la juridic-

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1 Bossuet, Defens. Declar. loc. cit. p. 173. Neque propterea Gregorium antiqua tcclesise romans jura in Hispanis regnum memorantem deceptorem putamus, sed falsis titulis quales omni sevo multi confecti sunt, decipipotuisse confitemitr. Cxterum id juris et Hispani nesciebant, et hujus oblitteratam fuisse memo-moriam t'psum ipse Gregorius jatebntur. Quznam certe cjus legati rei oblit-teratse atque omni hominum elapsse mémorise documenta protulerùit, neque us-•juani k'jinMS, aut omnino iidelligimus quomodo stare possint.

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tion de saint Pierre : Non latere vos credimus regnum Hispaniœ ab antiquo proprii juris sancti Pétri fuisse l. » Quant à la valeur et à l'authenticité des titres sur lesquels il s'appuyait, nous avons pour y croire l'adhésion complète que leur donna le vénérable Hugues de Cluny; et si le témoignage d'un saint appuyant la parole d'un au­tre saint ne suffit point encore aux critiques modernes, il en est un autre dont on ne saurait récuser la compétence ni l'impartialité absolue. Les princes d'Espagne directement intéressés dans cette affaire reconnurent sans difficulté la légitimité des droits du saint-siége. On peut s'en rapporter à la perspicacité de pareils témoins. Quant à la donation constantinienne évoquée mal à propos par le docteur Héfélé, elle n'avait ici aucune application. Nous avons vu que cette très-réelle charte de Constantin le Grand ne donnait point à Sylvestre II la propriété matérielle des royaumes de l'occident, mais un droit de suprême judicature. Quels furent donc les textes postérieurs à Constantin sur lesquels Alexandre II, Hildebrand, saint Hugues de Cluny, le beau-frère du roi d'Aragon et les princes d'Es­pagne s'appuyèrent ? Il ne nous ont pas été conservés. C'est là une découverte qui reste à faire dans le champ de l'érudition paléogra­phique. En attendant le résultat complet des investigations qui se poursuivent en ce sens, les récents historiens d'Espagne ont déjà constaté deux faits d'une importance capitale et qui jettent un jour tout nouveau sur la question. Le premier remonte à l'an 701, époque ou Witiza, rompant avec l'église romaine défendit à tous

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1. Grégoire ne convient donc pas, comme le dit Bossuet, de l'ignorance com­plète dans laquelle se trouvaient alors les Espagnols eux-mêmes au sujet des anciens droits du saint-siége sur l'Espagne. Seulement dans une autre lettre écrite quatre ans plus tard, il explique que la longue interruption de l'exercice de ce droit en a affaibli le souvenir. Voici ses paroles : Notum vobis fieri volumus...regnum Hispanïœ ex antiquis constitutionibus beato Pelro et sanctœ Romans Ecclesis in jus et proprietatem esse traditum. Quod nimirum hactenus prmteritorum temporum incommoda et aliqua antecessorum noslrorum occulta-vit negligentia. Dum postquam regnum illud a Saracenis et paganis pervasum est, et servitium quod beato Petro inde solebat fieri, propter inftdelitatem et ty-rannidem eorum detentum, ab ttsu nostrorum tôt annis interceptum est, pariter etiam rerum et proprietatis memoria dilabi cœpit. (Greg. VU, Epist. xxvm, Lib. IV, col. 4SG).

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ses sujets de payer le tribut annuel de saint Pierre. Donc antérieure­ment à Witiza l'Espagne reconnaissait la souveraineté féodale du siège apostolique1. Le second fait signalé par le grand historien espagnol Mariana est encore pins significatif; il se rapporte à l'an 930 et au régne de Ramire III. « Profondément attaché à l'Église et au saint siège, dit Mariana, ce prince par une constitution solen­nelle déclara que son royaume, sa propre personne, ses fils et successeurs seraient pour toujours soumis aux souverains pontifes et leur paieraient tribut2. » On voit donc qu'Alexandre II et Gré-goire VII n'eurent à recourir ni à la donation constantinienne ni à des titres apocryphes pour établir les justes revendications de l'église romaine sur le royaume d'Espagne.

 

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