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A vrai dire, l'on ne devrait pas avoir besoin de mentionner expressément que toutes ces affirmations n'ont de sens que si l'événement, dont elles s'efforcent de mettre en lumière la signification, a réellement eu lieu.
Elles sont l'interprétation d'un événement; si on le supprime, elles ne sont que discours vides, dont il faudrait dire non seulement qu'ils ne sont pas sérieux, mais qu'ils constituent un manque d'honnêteté.
Du reste, de telles tentatives, aussi bien intentionnées qu'elles puissent être parfois, sont marquées d'une contradiction, que l'on pourrait presque dire tragique: à un moment où nous avons découvert la corporalité de l'homme avec toutes les fibres de notre existence, où nous ne pouvons plus concevoir l'esprit de l'homme autrement que comme incarné, comme étant‑corps (Leib‑Sein), non comme ayant un corps (LeibHaben), à ce même moment l'on essaye de sauver la foi en la désincarnant totalement, en se réfugiant dans un domaine de simple « signification”, de pure interprétation se suffisant à elle‑même, et que seul le manque de réalité semble soustraire à la critique.
Or, en fait, la foi chrétienne confesse justement que Dieu n'est pas prisonnier de son éternité, n'est pas limité à ce qui est purement spirituel, qu'il peut au contraire agir ici, aujourd'hui, au milieu de mon univers, et qu'il y a effectivement agi en Jésus, le nouvel Adam, qui est né de la Vierge Marie par la puissance créatrice de Dieu, dont l'Esprit, au commencement, planait sur les eaux et qui a créé l'être à partir du néant 50.
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p196 JESUS‑CHRIST
Il nous faut encore faire une autre remarque. Si l'on comprend dans son vrai sens le signe divin de la naissance virginale, on découvre en même temps quelle est, théologiquement, la place d'une dévotion mariale qui se laisse guider par la foi du Nouveau Testament.
La dévotion mariale ne peut reposer sur une mariologie qui serait une espèce de deuxième édition réduite de la christologie; on n'a ni droit ni motif d'établir cette sorte de duplicata.
Si l'on voulait indiquer un traité de théologie, auquel appartiendrait la mariologie et dont elle représenterait la forme concrétisée, ce serait plutôt le traité de la grâce, qui forme d'ailleurs un tout avec l'ecclésiologie et l'anthropologie.
Comme vraie « fille de Sion », Marie est figure de l'Église, figure de l'homme croyant qui ne peut arriver au salut et à la réalisation plénière de lui‑même que par le don de l'amour ‑ par grâce.
Le mot par lequel Bernanos termine le Journal d'un curé de campagne ‑ «Tout est grâce » ‑, et dans lequel une vie apparemment faible et inutile peut se reconnaître riche et comblée, ce mot est devenu vraiment réalité en Marie, la “pleine de grâce” (Lc 1, 28), Marie ne conteste ni ne met en péril l'«exclusivité” du salut par le Christ, elle y renvoie au contraire.
Elle est la figure de l'humanité qui est tout entière attente, et qui a d'autant plus besoin de cette figure, qu'elle court davantage le danger de renoncer à l'attente, pour se livrer à l'action; celle‑ci ‑aussi indispensable qu'elle soit- ne pourra jamais combler le vide qui menace l'homme s'il ne trouve pas cet amour absolu qui lui donne un sens, qui lui
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p197 LES ARTICLES CIIRISTOLOGIQUES DE LA PROFESSION DE FOI
apporte le salut, qui lui fournit ce qui est vraiment le nécessaire vital.