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Cela nous permet de faire un pas de plus dans notre réflexion. Nous pouvons dire maintenant que l'amour crée toujours, d'une manière ou d'une autre, une certaine immortalité; même dans ses
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p217 LES ARTICLES CHRISTOLOGIQUES DE LA PROFESSION DE FOI
ébauches pré‑humaines, il tend dans ce sens par la conservation de l'espèce.
Et d'être ainsi principe d'immortalité n'est pas quelque chose d'accessoire pour l'amour, une de ses conséquences parmi d'autres, c'est vraiment l'essence de l'amour. On peut inverser cette affirmation et dire: l'immortalité procède toujours de l'amour, jamais de l'autarcie de ce qui se suffit à soi‑même.
Nous pouvons même pousser l'audace jusqu'à affirmer que ce principe vaut également pour Dieu, tel que le voit la foi chrétienne. Si Dieu est subsistance et permanence absolues face à tout ce qui change, c'est parce qu'il est en trois personnes ordonnées l'une à l'autre et qui n'ont d'autre réalité que d'être l'une pour l'autre; il est substance pleinement actuelle de l'amour absolu, qui est de ce fait entièrement «relatif », ne vivant que dans les relations réciproques.
Nous avons déjà dit que ce n'est pas l'autarcie repliée sur elle-même qui est divine. Et nous avons découvert que ce qui est révolutionnaire dans la vision chrétienne du monde et de Dieu, par rapport à l'antiquité, c'est qu'elle nous invite à comprendre l'
“Absolu” comme «relativité » absolue, comme « relation subsistante ».
Revenons à notre sujet. L'amour crée l'immortalité et l'immortalité procède uniquement de l'amour. Cette vérité, à laquelle nous sommes parvenus, signifie ensuite également que celui qui a aimé pour tous a fondé aussi l'immortalité pour tous.
C'est là le sens exact de l'affirmation biblique selon laquelle sa résurrection est notre vie. L'argumentation de Paul dans sa première lettre aux Corinthiens, qui à première vue nous paraît étrange, devient alors compréhensible : s'il est ressuscité, nous aussi nous le sommes, car alors l'amour est plus fort que la mort; s'il n'est pas ressuscité, nous ne le sommes pas non plus, car alors c'est la mort qui a le dernier mot, alors rien n'est changé (comp. 1 Co 15, 16 s).
Comme il s'agit ici d'une affirmation centrale, exprimons‑la encore d'une autre manière: ou bien l'amour est plus fort que la mort, ou il ne l'est pas. S'il l'est devenu dans le Christ, c'est justement en tant qu'amour pour les autres.
Cela implique évidemment que notre propre amour, abandonné à lui‑même, ne suffit pas pour vaincre la mort; pris en lui‑même, il restera nécessairement un appel non réalisé.
Seul son amour, uni à la puissance d'amour et de vie de Dieu même, peut fonder notre immortalité. Cependant il reste vrai que la manière de notre immortalité dépend de notre manière d'aimer. Nous aurons à y revenir, lorsque nous parlerons du jugement.
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p218 JESUS‑CHRIST
Ces réflexions nous ouvrent encore une autre perspective. Elles nous permettent de comprendre aisément que la vie du Ressuscité n'est plus bios, la forme bio‑logique de notre vie mortelle à l'intérieur de l'histoire; elle est Zoe, vie nouvelle, autre, définitive; une vie qui a dépassé la sphère de mort de l'histoire du bios, cette sphère de mort ayant été surmontée ici par une puissance plus grande.
Les récits de la résurrection dans le Nouveau Testament font d'ailleurs apparaître très clairement que la vie du Ressuscité ne se déroule plus à l'intérieur de l'histoire du bios, mais en dehors et plus haut.
Il est vrai que cette vie nouvelle a été attestée dans l'histoire et devait l'être, puisqu'elle est là pour elle et que la prédication chrétienne consiste essentiellement à transmettre ce témoignage que l'amour a triomphé de la mort et transformé ainsi radicalement notre situation à tous.
A partir de là, nous pouvons sans trop de peine trouver l' «herméneutique » appropriée pour l'exégèse difficile des textes bibliques de la résurrection, c'est‑à‑dire trouver dans quel sens il faut les comprendre pour respecter leur signification.
Nous ne pouvons évidemment pas discuter ici, en détail, les différents problèmes, qui apparaissent aujourd'hui plus difficiles que jamais, car l'on mélange de façon toujours plus inextricable des affirmations historiques et philosophiques- celles‑ci la plupart du temps insuffisamment réfléchies ‑ et l'exégèse se forge très souvent sa propre philosophie, présentée au profane comme la quintessence du donné biblique.
Dans les détails, beaucoup de choses resteront toujours discutables, mais l'on peut parfaitement reconnaître la limite fondamentale qui sépare une explication comme telle, et une adaptation arbitraire.