p108 p109
CHAPITRE 3
L'Esprit Saint
=================================
p110 p111
-------- Alors que nous avons beaucoup à dire sur le Père et le Fils, l'Esprit Saint est resté le Dieu inconnu. Certes l'appel au Saint-Esprit a toujours existé dans l'histoire de l'Eglise, mais les mouvements qui sont nés ainsi ont finalement contribué de diverses manières à ce que, dans l'Eglise, l'on parle de plus en plus discrètement de l'Esprit Saint.
Tout commence avec Mani (216‑274 ou 277 ap. J.‑C.), le père du manichéisme, qui se faisait passer pour l'incarnation du Paraclet ‑ de l'Esprit Saint et fondait ainsi sa supériorité sur le Christ (1).
De là une ombre s'étend sur toute l'histoire de l'Eglise du Moyen Age: il s'agit d'une sainteté supérieure, présomptueuse, dont les ambitions bien que souvent repoussées assombrirent la foi de la chrétienté et devinrent un héritage dont il est difficile de se défaire.
Parti d'autres racines, un mouvement spirituel s'était répandu dans l'Eglise d'Asie Mineure dès le IIe siècle,
=================================
p112 LE DIEU DE JÉSUS‑CHRIST
le montanisme dont le représentant le plus éloquent en Occident fut le grand écrivain Tertullien (env. 160-220).
Partant du message des montanistes, il en vint à un mépris de l'Eglise pécheresse, qui aboutit à l'arrogance et au moralisme rigide.
La forme la plus fascinante de cette nostalgie du Saint‑Esprit, c'est un pieux abbé du Sud de l'Italie qui l'a façonnée au XIIe siècle : Joachim de Fiore (vers 1130‑1202).
Joachim ressentait profondément les insuffisances de l'Eglise de son temps: la haine qui divisait les juifs et les chrétiens, l'ancien et le nouveau peuple de Dieu; la rivalité entre l'Eglise d'Orient et l'Eglise d'Occident; la jalousie entre le clergé et les laïcs ; la tyrannie et le désir de puissance des hommes d'Eglise.
-------- Il désirait ------- une Eglise dans laquelle juifs et païens, Orient et Occident, clergé et laïcs, vivraient dans l'esprit de vérité et d'amour, sans prescriptions ni lois, de sorte que la volonté de Dieu sur sa créature se réalisât vraiment.
------- : après le règne du Père dans l'Ancien Testa-
=================================
p113 L'ESPRIT SAINT
ment et le règne du Fils dans l'Eglise jusque‑là hiérarchique viendrait aux environs de 1260 un troisième règne, un règne de l'Esprit Saint qui serait un règne de liberté et de paix universelle.
----------dans la forme de vie des moines, l'Eglise à venir se profile déjà dans l'Eglise du présent. ---------
=================================
p114 LE DIEU DE JÉSUS‑CHRIST
--------- C'est l'Evangile pris à la lettre qui constituera le christianisme tout à fait spirituel ‑ telle est son optique.
--------- Il y eut tout d'abord les franciscains, qui virent dans leur mouvement la nouvelle Eglise. ------- et voilà qu'en Italie des groupes de renouveau politique s'en emparèrent.
------il est remarquable que, par différents détours, Hitler et Mussolini aient tiré les slogans «Troisième Reich » et «Führer» ou «Duce » de l'héritage de Joachim.
Par l'intermédiaire de Hegel, le marxisme lui aussi a repris quelque chose de ces vues: l'idée d'une histoire qui avance triomphalement et qui, en tant que telle, atteint immanquablement son but, et donc l'idée d'un salut s'établissant définitivement à l'intérieur de l'histoire (2).
=================================
p115 L'ESPRIT SAINT
------- François a donné à Joachim la plus belle, voire la seule réponse juste, et il a, par sa vie, séparé l'esprit bon de l'esprit mauvais d'une telle oeuvre, ce que ses successeurs furent par la suite incapables de faire.
Sa maxime était : « sine glossa » vivre la Sainte Ecriture et surtout le sermon sur la montagne, sans distinguo ni faux‑fuyants, se laisser prendre au mot par la Parole.
--------- L'Esprit habite la Parole, il n'est pas dans une fuite devant la Parole. La Parole est le lieu de l'Esprit; Jésus est la source de l'Esprit. Plus nous entrons en lui, plus nous entrons réellement dans l'Esprit et plus l'Esprit pénètre en nous.
C'est ce qui démasque l'erreur de Joachim : l'utopie d'une Eglise s'éloignant du Fils pour s'élever plus haut ; l'attente irrationnelle qui se fait pourtant passer pour un programme réel et rationnel.