LES PRINCIPES DE LA THEOLOGIE CATHOLIQUE 32

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IV. Recherche d'une réponse

 

   1. ----- toute la théologie chrétienne, si elle veut rester fidèle à ses origines, doit nécessairement être d'abord et au plus profond d'elle‑même une théologie de la Résurrection. ------- Son expression première et source de toutes les autres est contenue dans ce message: la puissance de la mort, qui est la constante caractéristique de l'histoire, a été brisée en un certain point par la puissance de Dieu, et, par là, une espérance toute nouvelle a été infusée dans l'histoire. Autrement dit le point central de l'Évangile consiste dans l'annonce de la Résurrection et donc dans l'annonce de l'action divine qui dépasse toute activité humaine.

 

-------- est mis en évidence le primat de l'histoire sur la métaphysique, sur toute théologie de l'essence et de l'être. ---------- Pour le concept grec de Dieu, l'essentiel est que Dieu est l'être pur immuable et que par conséquent il n'est agissant en aucune façon ; son immutabilité absolue inclut qu'il s'enclose en lui‑même, qu'il soit exclusivement tourné vers lui‑même sans relation avec l'être mouvant260. Pour le Dieu biblique au contraire, il est non moins essentiel d'être en relation et d'agir ; création et révélation sont les deux propositions de base à son sujet, et si la révélation s'achève en Résurrection, il s'avère encore une fois que Dieu n'est pas simplement en dehors du temps mais qu'il est dominateur du temps et que son être ne nous est pas accessible autrement que dans son agir.

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----- en fait, Dieu a agi: il est d'abord parlé de cela, avant qu'il soit question de l'homme, de son péché et de sa recherche du Dieu propice.

 

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   2. --------- la Résurrection est l'agir eschatologique de Dieu. Il n'y a pas de mot, dans la théologie actuelle, qui se soit plus avili en phraséologie que celui d'“eschatologique », ----

 

--------- la Résurrection d'entre les morts était attendue par Israel comme la conclusion de l'histoire, donc, au sens le plus littéral du mot, comme eschaton, comme l'ultime action de Dieu. Les Évangélistes, Matthieu de façon particulièrement claire, ont pour cette raison utilisé les figures de style apocalyptique pour décrire la Croix et la Résurrection comme la dernière heure; ils voulaient exprimer ainsi qu'il ne s'agissait pas d'une quelconque résurrection

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-------- dans cette Résurrection, le cadre de l'histoire est dépassé, et donc ------ le Ressuscité n'est pas revenu dans l'histoire intérieure au monde et accessible à chacun, mais au-dessus d'elle, quoiqu'il ne soit pas du tout sans lien avec elle, simplement à côté d'elle.

 

---------- d'un côté il appartient à la totalité et à la grandeur définitive de cet événement d'être «eschatologique”, c'est-à‑dire d'être au‑dessus de l'histoire ; mais, d'un autre côté, il appartient aussi au caractère éminemment sérieux de cet événement qu'il soit en contact avec l'histoire, c'est‑à‑dire que ce mort ne soit plus mort, mais qu'il soit vraiment vivant pour toujours, ----------Ainsi, il est essentiel à cet événement d'être à la fois au‑dessus de l'histoire et fondé et ancré en elle. On peut même prétendre que la mutation décisive apportée à l'eschatologie par la foi chrétienne à la Résurrection est de l'avoir introduite dans l'histoire. Dans l'attente du judaïsme tardif, l'eschatologie est située à la fin de l'histoire. Croire à la Résurrection de Jésus signifie au contraire croire à l'eschaton au sein de l'histoire, à l'historicité de l'oeuvre eschatologique de Dieu.

 

-------: dans la christologie il ne s'agit pas simplement d'une manière qu'on pourrait trouver bien compliquée de libérer l'individu en tant que tel de son péché. Tout au fond il s'agit de l'avenir de l'homme, lequel ne peut se

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réaliser que comme avenir de l'humanité. ----------- le Christ est nécessaire pour que l'humanité atteigne son avenir, car elle n'est pas capable de le réaliser seule.

 

------- cela signifie que Dieu maîtrise le passé de l'homme ‑ le péché en invitant à regarder vers l'avenir ‑ vers le Christ. -------

 

---- Que l'Eschaton chrétien soit déjà présent dans l'histoire au lieu de ne se situer qu'à sa fin, cela modifie profondément la nature de l'eschatologie comme telle. -----

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   4. -----la Résurrection de Jésus‑Christ d'entre les morts, ------ est référée au centre même de l'existence humaine. -------La Résurrection est le rappel à la vie de celui qui était mort sur la Croix ; son « heure” est la Pâque des Juifs, le souvenir de la sortie d'Israël hors de la maison de la servitude. La Croix et la Résurrection de Jésus sont donc vues par la foi dans la ligne du sens profond de la Pâque, comme la Pâque définitive où vient au jour pour la premiere fois ce qui a toujours été signifié par elle. Toute l'histoire du Salut est pour ainsi dire rassemblée dans le point unique de la Pâque définitive qui révèle ainsi le sens de l'histoire du Salut en même temps qu'elle est elle‑même, bien entendu, expliquée et éclairée par cette histoire. Car il est visible désormais que cette histoire tout entière est pour ainsi dire l'histoire d'un Exode 266.

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----“Je m'en vais et je viens vers vous » (Jn 14,28): en m'en allant, je viens. Le « passage au travers du voile de la chair » comme l'Epitre aux Hébreux exprime le mouvement du Seigneur sortant de soi sur la Croix (Hb 10,20), s'avère ainsi comme le véritable exode signifié déjà par toutes les sorties que l'on rencontre dans l'histoire. Et cela montre bien comment la théologie de la Résurrection rassemble en elle toute l'histoire du Salut et la concentre sur sa signification relative à l'existence, en sorte qu'elle en vient à être, au sens tout à fait littéral du terme, une théologie de l'existence : de l'ex‑sistere, de cet exode de l'homme hors de soi par lequel seul il peut se trouver lui‑même. Mais dans ce mouvement de l'ex‑sistere, la foi et l'amour viennent finalement se fondre l'un dans l'autre ‑ l'un et l'autre signifient profondément cet « exi » (sors !), cet appel au dépassement et au sacrifice de soi qui est la loi fondamentale de l'histoire de l'alliance de Dieu avec l'homme et par le fait même la véritable loi fondamentale de toute existence humaine 267.

 

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