Darras tome 26 p. 217
§ VII. SOUMISSION DE L’EMPEREUR HENRI V
45. Revenons au pape Calixte II, rentré dans Rome en 1121 après son premier voyage à Benevent. Bourdin avait fait de la forteresse de Sutri un nid d’impiétés et de brigandages. Calixte disposait enfin de troupes suffisantes pour l’attaquer. Il les fit partir avec le cardinal Jean de Crème, et lui-même ne tarda pas à se rendre sur le théâtre des opérations. Les habitants de Sutri, pour échapper à la destruction de leur ville, livrèrent enfin l’intrus. On le mit à rebours sur un chameau dont il tenait la queue, en guise de bride, après l’avoir vêtu d’une peau de bouc dégouttante de sang, en guise de manteau rouge. C’est ainsi que ce criminel usurpateur entra dans Rome, au milieu des malédictions de tout le peuple1, qui lui eût fait expier par la mort son intrusion de trois années, si Calixte ne l’eût protégé contre la colère des spectateurs2. II l’envoya d’abord au monastère de Cave, près de Salerne. Ce retour forcé à la vie cénobitique n’ayant pu vaincre l’endurcissement de Bourdin, il fallut, l’année d’après, l’enfermer sous bonne garde dans la citadelle de Janula, qui domine la ville de San-Gennano près du Mont-Cassin. Deux ans plus tard encore, Honorius II le fera transférer dans le fort de Fumone, non loin d’Alatri. Cette prison ne devait pas être bien dure, puisqu’il vécut longtemps, sans qu’une plainte ait transpiré dans l’histoire. C’est là qu’il mourut dans un âge avancé, et non pas au monastère de la Sainte-
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1.Petr. Duc. chron., cass„ îv, 70. — Lasdclf. Jus. in. vita Calixt..
2. Un auteur peu suspect, à raison de ses condescendances schismatiques, confirme ce trait de sagesse et d'humanité. Abbas UsrEBG..ad annum
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Trinité de Cave, comme certains l’ont prétendu1. Bien que le roi d’Angleterre et l’archevêque de Cantorbéry se fussent prononcés pour Calixte II, Bourdin avait conservé des partisans, même jusqu’alors, dans ce royaume où Gélase II avait, par plusieurs, été considéré comme antipape ; le témoignage de Mathieu Paris en fait foi. La laborieuse issue de l’expédition de Sutri mit fin, là comme partout, au schisme qui déchirait l’Église. Si tôt que fut obtenu ce triomphe éclatant, Calixte en répandit l’heureuse nouvelle par des lettres circulaires ; Guillaume de Malmesbury et Roger nous ont conservé le texte de celle qu’il fit parvenir aux évêques et à tous les fidèles des Gaules. Il fallait couronner cette œuvre de pacification : les tours des Frangipani et des autres petits tyrans, qui troublaient l’Eglise et pillaient ses biens, furent détruites ; les chemins furent rendus libres et sûrs ; les offrandes de Saint-Pierre, que les plus puissants des Romains s’appropriaient impunément, revinrent à la disposition du Pape, pour être employées au bien général. Ce n’est pas d’ailleurs que Calixte fut avide d’argent pour lui-même, puisqu’il engageait les Anglais, vu leur éloignement, à faire de préférence le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle.
46. Dans ce même temps, Calixte envoyait comme légats en Allemagne, D. Saxon, cardinal prêtre du titre de Saint-Etienne au Mont-Cœlius ; Lambert évêque d’Ostie, qui deviendra pape sous le nom d’Honorius II, et Grégoire cardinal-diacre du titre de Saint-Ange, qui régnera aussi sous le nom d’innocent II. Cette première légation, chargée de préparer les voies de la paix, était de retour à Rome vers la fin d’Août, et le 5 septembre le pape partait pour Salerne. Roger, alors comte de Sicile et plus tard roi d’Italie, avait, contre le droit des gens, envahi l’Apulie et la Calabre, pendant un voyage du duc Guillaume à Constantinople. La cause véritable de ce voyage n’est pas connue; on sait seulement que
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1 L'Abbé Suger nous apprend qu'à la suite de ce triomphe, on peignit dans une chambre du palais pontifical l'usurpateur sacrilège, qu'il nomme l'Antéchrist, sous les pieds de Calixte. Sugeiutjs, Vita Ludoviti Grossi, cap. xxi ; Pair, lut. tom. CLXXXIV, col. 1313.
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Guillaume avait laissé son duché sous la garde du pape pendant son absence, et que, bien que sa femme Gaillegrima, sœur de Jourdain, prince de Capoue, fût encore pleine de vie, puisqu’elle lui survécut, il avait répandu le bruit étrange qu’il se rendait en Orient pour obtenir la main de la fille d’Alexis. Lorsque le comte Roger, envahissant la Calabre, était naguère venu mettre le siège devant Nicéphori, Calixte lui avait député le cardinal Hugues, pour obtenir qu’il renonçât à son entreprise. Le cardinal revint sans avoir réussi dans cette négociation. Il est certain toutefois que Guillaume était de retour au mois de Septembre, lorsque Calixte se rendit à Salerne pour affermir la paix entre lui et le comte Roger. Il est non moins certain, quoi que plusieurs historiens en aient voulu dire, que le duc rentra bien vile en possession de tout son duché, qu’il posséda jusqu’à sa dernière heure. Les événements de l’année suivante nous le montrent même allié avec Roger contre Jourdain. Nous lisons dans la chronique de Falco, de Bénévent : « Le duc Guillaume d’Apulie alla trouver le comte Roger de Sicile, se plaignant de Jourdain comte d’Aria... Il lui céda la moitié des villes de Païenne et de Messine et la moitié de toute la Calabre» pour en obtenir du secours. Il lui fut aussitôt accordé six cents soldats et cinq cents onces d’or1... » Après une première soumission du comte d’Aria, le duc rendit au comte Roger les soldats qu’il en avait reçus. Dans une seconde campagne contre le même comte d’Aria, le duc eut recours cette fois au prince de Capoue Jourdain, homonyme du comte qui avait déclaré la guerre. De plus, à la prière du duc lui-même, que le cardinal Crescence leur gouverneur avait soutenu dans la première expédition, les habitants de Bénevent demeurèrent neutres. Après cette campagne, qui réussit à son gré, Guillaume, étant dans la ville de Salerne, « trouva, dit le chroniqueur, la fin de ses agitations au sein de la mort. » La tombe seule pouvait donner le repos à cette existence aussi tourmentée qu’inutile.
47. Cette mort, que rien ne semblait annoncer, impressionna
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1. Falco Benev. sacer notar. ad annuui 1121.
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vivement le Pape, encore alors en Apulie. Celle du cardinal Hugues-le-Grand, survenue dans les mêmes circonstances, acheva de l’ébranler. Se sentant malade, il prit la résolution de revenir au plus tôt à Rome, où le rappelaient d’ailleurs les intérêts généraux de la chrétienté. S’étant mis en route pour regagner sa capitale, il dut repasser par Bénévent; et,, comme il approchait de cette ville, il reçut à Bitonto une ambassade du roi de France, conduite par Suger. Le futur ministre venait, au nom de Louis-Le-Gros, traiter d’affaires importantes, qu’il n’a point spécifiées dans sa narration. « En considération du roi mon maître, et par égard aussi pour notre antique monastère, le Seigneur apostolique nous reçut avec honneur ; il eût voulu même nous retenir longtemps auprès de sa personne, si l’Abbé de San-Germano, notre ancien condisciple à Saint-Denis, n’avait fait valoir avec nous les raisons impérieuses qui nous pressaient de repartir. » Suger s’était acheminé vers la France, l’esprit assiégé d’étranges pressentiments, qui le poursuivaient jusque dans ses rêves. Comme il venait de s’arrêter dans une petite ville du nord de l’Italie, un messager, de lui bien connu, vint à sa rencontre, « avec un air tout singulier, dit-il lui-même, à la fois triste et joyeux : Il nous apprend la mort de l’Abbé Adam et notre élection à sa place. Elle avait à peu près réuni l’unanimité des suffrages ; mais, le roi n’ayant pas été consulté, les honorables personnages, moines et chevaliers, qui s’étaient empressés d’aller la lui soumettre avaient reçu de sa part un fort mauvais accueil ; le monarque les avait accablés d’injures et les retenait en prison dans un château d’Orléans. Je donnai des larmes à mon père spirituel, et des prières à son âme. Puis, songeant à ce qui me regardait, je fus dans une extrême angoisse. » Accepter l’élection en dépit du mécontentement royal, pour un ami particulier du monarque cela ne se pouvait pas. En appeler au souverain Pontife, c’était s’exposer à devenir une cause de funestes dissentiments ; un homme tel que Suger ne le pouvait pas davantage. Il continuait cependant son chemin, comptant sur la divine miséricorde. Son espoir ne fut pas déçu; le roi s’était apaisé de lui-même, il avait délivré les prisonniers ; puis il vint à
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la rencontre de son ancien ami, de con fidèle condisciple, affectant d’abord la sévérité, puis se livrant à la joie sans contrainte. Sur la porte même de l’Abbaye se tenaient l’archevêque de Bourges, Wulgrin, successeur de Léodegaire, plusieurs autres prélats, et tous les religieux sans exception. La joie était universelle, ce fut un accueil triomphal. L’élu, qui n’était que diacre, fut le lendemain, veille du Dimanche de la Passion, ordonné prêtre ; et la bénédiction abbatiale eut lieu ce même dimanche avec la plus grande solennité1. Une ère de prospérité véritable s’ouvrait pour la célèbre Abbaye et s’affirmait de plus en plus pour la France ; elle rejaillira sur la chrétienté.
48. De retour à Rome, Calixte fit partir de nouveau pour l’Allemagne les trois députés qu’il avait envoyés une première fois à l’empereur avant son départ pour l’Apulie. Leur mission de paix était encore demeurée sans résultat, le Pontife choisit pour son légat en Allemagne l’archevêque de Mayence, Adalbert, qu’il connaissait comme l’adversaire le plus résolu de la politique schismatique du César Teuton. Henri, de l’avis de son entourage, veut frapper un coup décisif et saisit un vain prétexte pour décider que les habitants de Mayence seraient traités en rebelles. Adalbert averti soulève alors toute la Saxe ; en sa qualité de légat, il provoque de fréquentes assemblées des évêques et des princes de la contrée pour la défense de l’Eglise ; son éloquence change en ardents défenseurs de sa métropole, qui l’était aussi de toute la Germanie, ceux qui n’ont pas déserté la cause catholique. Les Saxons n’ont oublié ni les désastres qu’ils ont subis ni les victoires qu’ils ont remportées pour cette noble cause. Avec la majesté du légat, l’ombre d’Otton de Nordheim plane sur leurs délibérations et redouble leur courage. A cela s’ajoutait que les évêques de Spire et de Worms, avec quelques autres qui, sans être assez puissants pour résister à l’empereur, n’en avaient pas moins fait hautement profession d’obéissance au Siège Apostolique, étaient chassés de leurs sièges et vivaient en proscrits, errant d’asile en asile. Le
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1 Suger. Abb. Vita Ludovici Grossi, cap. xxi ; Patr. lat. tom. CLXXXYI, col. 1314 et seq.
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zèle d’Adalbert el des princes Saxons se proposait de les rétablir dans leur dignité. Chacun des deux partis réunit sous ses étendards des forces considérables, et les deux armées en présence allaient en venir aux mains, lorsque, par un de ces changements inespérés dont la Providence a seule le secret et la puissance, Henri demanda de lui-même que le différend fut vidé, non par les armes, mais par des arbitres de l’un et de l’autre camp. Douze furent choisis du côté du Pape et douze du côté de l’empereur. Ils se réunirent à Wurlzbourg, le jour de saint Michel, au mois de Septembre. Henri était présent. Sept jours entiers furent consacrés à rechercher les meilleurs moyens pour faire cesser le schisme et rétablir la concorde. On décida que, pour le rétablissement d’une paix solide, l’empereur devait obéir à tout ce qui serait décrété par l’assemblée, et le prince promit de l’exécuter fidèlement. La paix fut conclue sur cette base, que toutes les causes de scandale et de trouble seraient arrachées, en quelque lieu que l’ennemi des âmes les eût semées et fait croître dans l’empire Allemand. L’évêque de Spire et l’abbé de Fulde, deux hommes éminents entre tous, furent choisis pour porter à Rome cette heureuse nouvelle, en attendant la convocation d’un concile général par l’autorité du successeur Pierre.
49. Avant de remporter cet éclatant triomphe, la bonne cause avait eu ses martyrs. Saint Erminold, que saint Otton évêque de Bamberg, avait fait abbé du monastère de Prufeingein, fondé par lui près de Batisbonne, fut mis à mort, le saint jour de l’Epiphanie de cette année 1121, par des hommes criminels qui ne voulaient pas se corriger, et dont il réprimandait la honteuse conduite avec la liberté d’un apôtre. Il s’était auparavant montré l’émule des Basile et des Ambroise. L’empereur ayant annoncé qu’il viendrait le visiter dans son couvent, au lieu d’aller en procession à sa rencontre, comme cela se pratiquait pour les souverains, l’intrépide et généreux abbé fit fermer toutes les portes, quand approcha le cortège impérial. Il se tint seul en dehors, sentinelle avancée de la religion et de la conscience : «La maison du Seigneur, dit-il au despote, ne reçoit pas les excommuniés. » Cet acte de courage
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inspire le respect ; Henri commanda à sa suite de rebrousser chemin : il laisse le moine à son incorrigible sainteté. D’autres se chargeront de la vengeance. Vers le même temps, au mois de mai, les hérétiques simoniaques faisaient périr par le poison le saint évêque de Liège, Frédéric. L’archidiacre Alexandre, évêque élu de cette Église, avait reçu l’investiture des mains de l’empereur Henri, contre les prescriptions du Souverain Pontife. L’archevêque de Cologne, en sa qualité de Métropolitain, pourvut à l’élection d’un autre évêque ; c’était Frédéric, qui reçut la consécration épiscopale, nous l’avons dit, des mains du pape Calixte au concile de Reims. Il revint pieds nus dans sa patrie ; le peuple et le clergé se portèrent en foule à sa rencontre. Les partisans d’Alexandre, soutenus par le duc de Louvain, Godefroy le Barbu, épièrent désormais une occasion de se défaire de l’évêque légitime, et c’est Iorque la paix semblait sûrement rétablie, que le bienheureux Frédéric reçut la palme du martyre1.
50. Lorsque l’évêque de Spire et l’abbé de Fulde retournèrent de Rome, accompagnés de l’évêque d’Ostie, qui avait les pleins pouvoirs du pape, et de deux autres cardinaux, attachés à la même mission de la réconciliation de l’empire et du sacerdoce, un événement s’était produit, qui semblait, devoir tout compromettre. L’évêque de Wurtzbourg étant mort, l’empereur avait choisi pour lui succéder un certain noble du nom de Gébéhard ; mais la partie saine du peuple et du clergé proposait Rugger pour une promotion canonique, et les princes de Saxe avec Adalbert secondaient leurs vœux. On convint qu’une nouvelle conférence à Wurtzbourg sur ce différend serait tenue le jour de Saint-Pierre. Là, malgré le choix de l’empereur, l’archevêque de Mayence et les légats du Saint-Siège donnèrent la consécration épiscopale au diacre Rugger, sachant bien que son élection seule était légitime. Toute espérance de paix semblait perdue, et c’est dans ces circonstances difficiles que se réunit le concile général de Worms, au mois de Septembre 1122, le jour de la Nativité de la sainte Vierge.
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1 Act. SS.Bolland. dieb. 0 Jan. et 27 maii.
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Les débats se prolongèrernt, au-delà d’une semaine, jusqu’à ce qu’enfin Celui qui tient en ses mains le cœur des rois, plia l’empereur schismatique à l’obéissance envers le Saint-Siège. Henri scella de son sceau d’or l’engagement qui suit, et que le Vatican conserve dans ses archives : « Moi Henri, par la grâce de Dieu empereur des Romains, Auguste, pour l’amour de ce même Dieu, de la sainte Église Romaine et du seigneur pape Calixte II, et pour la guérison de mon âme, je remets à Dieu, à ses apôtres Pierre et Paul et à la sainte Église catholique toute investiture par la crosse et l’anneau ; je concède l’élection et la consécration libres dans toutes les Églises de mon empire. Les biens, les régales et les droits de saint Pierre, qui, depuis le commencement de cette discorde jusqu’à ce jour, soit du temps de mon père, soit aussi du mien, lui ont été ravis et sont en ma possession, je les restitue à la même sainte Eglise Romaine ; quant à ceux que je n’ai pas, je lui viendrai fidèlement en aide pour qu’ils lui soient restitués. Pareillement, des possessions des autres Églises, des princes séculiers, des autres tant clercs que laïques, d’après le conseil des barons et selon les lois de la justice, je rendrai celles que j’ai, et j’aiderai fidèlement à la restitution de celles que je n’ai pas. Je donne une vraie paix au seigneur pape Calixte, à la sainte Eglise Romaine, et à tous ceux qui sont ou ont été de son côté. Dans les choses pour lesquelles la sainte Église Romaine me demandera secours, je l’aiderai de tout mon pouvoir, et dans les choses sur lesquelles elle se plaindra, je lui ferai constamment la justice qui lui est due.
51. Tout cela fut fait après mûre délibération, avec l’assentiment des princes. Voici les principaux d’entre eux qui signèrent cet écrit : Adalbert archevêque de Mayence, Frédéric archevêque de Cologne, Otton évêque de Bamberg, Brunon évêque de Spire, Arnould abbé de Fulde ; le duc Frédéric, le margrave Boniface, le margrave Theobald, le comte Palatin Cynulphe, le comte Palatin Otbert, le comte Bérenger et le comte Godefroy. L’archevêque de Cologne certifia l’authenticité de la pièce comme chancelier. Le Pape, de son côté, accorda que les élections des évêques et des
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abbés du royaume teutonique fussent faites en présence de l’empereur, sans violence ni simonie, et que l’élu recevrait du même empereur les régales par le sceptre. Il promettait aussi de lui donner en toute occasion le concours de la puissance spirituelle. Ses trois éminents ambassadeurs apposèrent leur signature à cet acte1. Les deux écrits, à cause de la foule innombrable des auditeurs, furent lus dans un vaste champ, près du Rhin, puis échangés au milieu des acclamations de l’assemblée. L’évêque d’Ostie célébra les divins mystères, et par le baiser de paix et la sainte communion réconcilia pleinement l’empereur et ses partisans avec l’Église. Peu de temps après, à la Saint-Martin, Henri eut une autre conférence à Bamberg avec ceux d’entre les princes qui n’étaient pas à Worms. On y régla diverses affaires tant pour l’honneur du royaume que pour celui du sacerdoce, et l’empereur y désigna des ambassadeurs, qui devaient offrir de magnifiques présents au pape Galixte, son parent, à qui désormais il était sincèrement uni. Telle fut la fin de ces funestes divisions que le despotisme impérial avait excitées pendant trop longtemps contre l’Église. La prudente fermeté de Calixte et de ses représentants avait eu raison de l’endurcissement du fils d’Henri IV. Grégoire VII n’avait pas remporté d’aussi complet triomphe ; Innocent III n’en remportera pas de plus grand.