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La nature, la raison et l'objectivité
--------- la voix du magistère, pour beaucoup de chrétiens aujourd'hui, n'est pas crédible pour la bonne raison qu'elle ne paraît ni rationnelle, ni conforme à la réalité. On reproche au magistère de prendre comme point de départ un concept de réalité vieilli. Il argumenterait, comme les stoïciens de l'Antiquité, à partir de la « nature »; mais ce concept de nature serait irrémédiablement dépassé, avec l'ère métaphysique tout entière. -------Aujourd'hui, -------- la Bible a quasiment disparu des traités de morale actuels. A sa place domine à présent, avec l'idée de l'autonomie morale, l'orientation vers un calcul autant que possible rigoureusement rationnel qui ne mise ni sur la nature ni sur la personne, mais sur l'historicité et sur
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des modèles d'agir social tournés vers l'avenir: il faut découvrir ce qui est socialement supportable et ce qui sert à l'édification de la société humaine à venir. La «réalité » à laquelle se rapporte l'“objectivité», on ne la voit plus dans la nature précédant l'homme, mais dans le monde que lui‑même construit, que l'on peut évaluer et a partir duquel on peut extrapoler ce qui est porteur d'avenir10.
--------- il s'est imposé, à la suite du tournant philosophique amorcé par Kant, un partage de la réalité entre le domaine de l'objectif et celui du subjectif. L'objectif n'est pas simplement la réalité en soi, mais la réalité dans la mesure où, objet de notre pensée, elle est mesurable et calculable. Le subjectif à son tour se soustrait aux explications «objectives ». ------- La norme ne peut pour ainsi dire se trouver que dans l'avenir; optimiser au maximum l'état du monde, tel est, dans cette perspective, l'unique commandement moral.
A l'encontre de cela, l'Église croit qu'au commencement était le Logos, et qu'ainsi l'être lui‑même porte en lui le langage du logos ‑
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pas uniquement une raison mathématique, mais également une raison esthétique et morale. Voilà ce que veut dire l'Église quand elle maintient que la “nature » comporte un message moral. ---------L'Église se fait ainsi l'avocate de la raison dans la création et met en pratique la signification de cette parole: «Je crois en Dieu, créateur du ciel et de la terre. » La raison de l'être existe, et si l'homme s'en sépare complètement, pour ne plus reconnaître que la raison de ce qu'il fabrique lui‑même, alors il sacrifie très exactement la dimension morale au sens propre. -------
--------- si le Logos qui était au commencement n'existe pas, le logos dans les choses n'existe pas non plus. ------- si Dieu n'existe pas, la morale n'existe pas,
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et, en fait, l'homme n'existe pas non plus13. Dans cette mesure, tout dépend au fond du concept de Dieu, d'un Dieu qui est créateur, et d'un Dieu qui s'est révélé. Voilà pourquoi nous avons une fois de plus besoin de la communauté qui se porte garante de Dieu, lui que personne ne peut, de lui‑même, introduire dans sa vie. La question de Dieu, qui forme ainsi le noyau central, n'est pas une question de specialistes-----------
Ceci signifie: la morale, prise rigoureusement pour elle‑même, n'a pas besoin du spécialiste, mais du témoin. C'est là‑dessus que repose la fonction de l'évêque comme maître de morale: il enseigne ce qu'il n'a pas inventé de lui‑même. Il témoigne de la sagesse vitale de la foi, dans laquelle le savoir ancestral de l'homme est purifié, conservé, approfondi et augmenté au contact de Dieu grâce à la capacité perceptive de la conscience. Celle‑ci, en communion avec la conscience des saints, avec la connaissance de Jésus‑Christ, est devenue communication de l'homme avec la vérité elle‑même.
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------- la connaissance méthodique de la réalité est un commandement fondamental de la morale. Ce n'est pas pour rien que les Anciens ont défini la « prudence » comme étant la première vertu cardinale; ils signifiaient ainsi la disposition et la capacité à percevoir la réalité et à y répondre en conformité avec elle15.
APPLICATIONS
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L'évêque, maître de morale
L'évêque se porte témoin des mores Ecclesiae catholicae pour les règles de vie qui se sont développées dans l'expérience commune, dans la conscience croyante partagée entre Dieu et la réalité historique. --
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