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------ Je n’oublierai jamais le concert de
Bach à Munich que Leonard Bernstein a dirigé, après la mort prématurée de Karl Richter. J’étais
assis à côté de l’évêque luthérien Hanselmann. Lorsque le dernier son d’une des
grandes cantates du chantre de St Thomas s’était triomphalement évanoui, nous
nous sommes spontanément regardés, et aussi spontanément nous avons dit l’un à
l’autre: « Celui qui a entendu cela, sait que la foi est véridique. » -----N’est-ce pas aussi évident quand
nous nous laissons toucher par l’icône de la Trinité de Roublev? ----
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------- l’artiste voie ce que les sens en tant que tels ne voient pas et ce qui se manifeste pourtant aux sens : la splendeur de la gloire de Dieu, l’éclat de la « connaissance de la gloire de Dieu, qui est sur la face du Christ » (2 Co 4,6)[1]. ------ J’ai souvent dit que, selon ma conviction, la véritable apologie du Christianisme, la preuve convaincante de sa véracité face à tout ce qui est négatif, réside d’une part, dans les saints et, d’autre part, dans la beauté que la foi a engendrée. -----
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---------- Celui qui est la beauté en
personne, a accepté d’être frappé au visage, d’être couvert de crachats, d’être
couronné d’épines - le suaire de Turin nous le fait deviner d’une manière émouvante.
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Or, c’est dans ce visage ainsi défiguré que la véritable, l’ultime beauté apparaît : la beauté de l’amour qui va « jusqu’au bout » et qui s’y avère plus forte que le mensonge et la violence. Celui qui a perçu cette beauté sait que c’est, malgré tout, la vérité, et non le mensonge, qui est la dernière instance du monde. Ce n’est pas le mensonge qui est « vrai », mais justement la vérité: -----------
Le mensonge connaît cependant encore une autre ruse: la beauté mensongère et fausse - une beauté éblouissante qui ne fait pas sortir l’homme de lui-même dans l’extase de la mise en route vers en-haut, mais qui l’emmure totalement en lui-même. -------- C’est cette sorte d’expérience de la beauté dont parle la Genèse dans le récit de la chute de l’homme: Eve vit qu’il était « beau »[2] de manger de l’arbre, et que celui- ci était «séduisant à voir ». La « beauté » telle qu’elle l’expérimente, éveille en elle l’envie de posséder, l’infléchit
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et la rejette pour ainsi dire sur elle-même. ----
Qui ne connaît cette parole de Dostoïevski si souvent citée disant que la beauté nous sauvera ? Or, le plus souvent, on oublie de mentionner que c’est le Christ que Dostoïevski désigne par la beauté rédemptrice. -------- Rien ne saura nous mettre davantage en contact avec la beauté du Christ que le monde du beau, créé par la foi, et la lumière sur le visage des saints à travers laquelle sa propre lumière devient visible. [3]