Lérins et les moines

Darrras tome 11 p. 279

 

8. Aujourd'hui, par exemple, il n'est plus permis au moindre en­fant de nos écoles d'ignorer qu'à l'époque d'Innocent I des monas­tères très-florissants existaient dans les Gaules, et que le Liber Pontificalis ne commettait point d'anachronisme en indiquant d'une manière sommaire que ce pape avait eu à tracer des règles d'admi­nistration concernant les ordres religieux. En effet, depuis la fondation des monastères de Ligugé et de Marmoutiers par l'il­lustre thaumaturge saint Martin, la Provence venait d'être dotée d'institutions de ce genre par saint Honorât et par Cassien. Au midi de la Gaule, vis-à-vis de la cité actuelle de Cannes, deux îles, séparées l'une de l'autre par un étroit bras de mer, portaient alors le nom de Lerince (Lérins). Strabon nous rapporte qu'habitées jadis par un corsaire fameux, appelé Lero, elles en avaient retenu le vocable. Vers la fin du IVe siècle, elles virent aborder sur leurs plages désertes un ermite et une vierge de Jésus-Christ. C'étaient Honoratus (Honorât) et Margareta (Marguerite), sa sœur. L'un et l'autre avaient sous leur direction une colonie de religieux et de femmes consacrées au Seigneur. Marguerite s'établit dans l'île qui porte aujourd'hui son nom; Honorât fixa ses religieux dans l'île voi­sine. Après ce partage fraternel, la séparation la plus absolue entre les deux royaumes monastiques fut prononcée. Les pêcheurs de Provence racontent encore aujourd'hui que Marguerite ne pouvait mettre le pied dans l'île des religieux, dont l'accès était interdit aux femmes. Elle se bornait donc à prier son frère de venir lui-

=========================================

 

p280    PONTIFICAT DE  SAINT INNOCENT  I   (401-417).

 

même la visiter de temps en temps. Mais le saint, se reprochant les heures consacrées à l'amitié, lui répondit que désormais il ne la reverrait qu'une fois l'an, et il fixa pour l'époque de sa visite la saison où les cerisiers sont en fleurs. Malgré les instances de Margue­rite, qui trouvait le délai trop éloigné, rien ne put ébranler l'austère détermination d'Honorat. L'humble vierge espéra que Dieu serait moins inflexible. Elle obtint de celui qui bénit les amitiés saintes, qn'un cerisier du rivage fleurît tous les mois. Honorât vit dans ce prodige la volonté manifeste du Seigneur. Chaque mois, éten­dant, comme Elisée, son manteau sur les ondes, il traver­sait le détroit et venait parler du ciel à l'heureuse Marguerite. On dit encore que le jour où Honorât, cherchant une solitude à son gré, mit pour la première fois le pied dans ces îles, la multitude des serpents qui les infestaient était telle qus le saint, pour se dérober à leur poursuite, dut se réfugier sur la cîme d'un palmier. Là, il pria le Seigneur, et, une tempête s'étant élevée, les flots couvrirent le sol des deux îles et en balayèrent les hôtes venimeux. Quoi qu'il en soit de ces récits traditionnels, il est certain que saint Honorât et sa sœur conquirent sur le désert et les bêtes farouches cette terre inhabitée, où devaient bientôt fleurir toutes les vertus. Honorât était né à Leuca Tullorum (Toul), cité déjà considérable, dont les Romains avaient fait une de leurs places fortes vers les frontières de la Germanie. Sa famille, d'origine romaine, avait eu l'honneur de donner des consuls à l'empire. Ses parents étaient idolâtres; peut-être même ne vinrent-ils se fixer dans les Gaules que pour protester contre les nombreuses conversions au christia­nisme dont le patriciat fournit tant d'exemples sous le règne de Théodose. Si tel fut leur dessein, il ne réussit guère. Jésus-Christ, qu'ils fuyaient, devait conquérir l'un après l'autre leurs trois enfants. Honorât, le premier, se fit catéchumène; il reçut le baptême, avec Marguerite, sa soeur. Leur exemple entraîna dans la même voie leur frère aîné, Venantius, et ensemble ils déclarèrent leur résolu­tion de renoncer an monde, pour se consacrer exclusivement à la contemplation. Honorât et Venantius se retirèrent d'abord dans une campagne voisine de Leuca Tullorum et y  vécurent en ermites.

==========================================

 

p281  CHAP.   III.   —  DÉCRETS  DE  SAIHT ïStfOCENT  I.

 

   Mais l'éclat de leur conversien avait attiré sur eux l'attention pu­blique : leur retraite devint bientôt un objet de pieux pèlerinage dans toute la contrée. Pour échapper à l'empressement de la foule, les deux frères, que la mort de leurs parents avait mis en possession d'un opulent patrimoine, vendirent tous leurs biens, en distribuèrent le prix aux pauvres, et partirent avec leur sœur pour Massilia (Marseille), où l'évêque Proculus voulut les attacher à son clergé. Mais ils n'aspiraient qu'au bonheur de la solitude et du silence. Leur dessein était d'aller visiter les monastères de l'Orient, afin d'apprendre, à l'école des anachorètes de Grèce, de Bethléem et de Nitrie, les secrets de la perfection érémitique. Laissant donc Marguerite dans une communauté de vierges, ils s'embarquèrent avec un saint moine, Caprasius (Caprais), sous la direction duquel ils s'étaient placés. A cette époque, les côtes du Péloponèse et de l'Hellade étaient peuplées de religieux, qui alliaient, comme en Egypte, la vie anachorétique à celle des cénobites; c'est-à-dire qu'ils passaient toute la semaine dans des grottes isolées, se réunissant seulement le dimanche pour assister aux saints mystères et recevoir les instructions de leur supérieur ou père [abbas). Les trois voyageurs parcoururent successivement ces retraites, où la grâce de Jésus-Christ faisait éclore des mer­veilles d'anstérité et de mortification sur la terre classique des­ mollesses païennes. En arrivant à Methone (Modon), capitale de l'ancienne Messénie, Venantius, mûr pour le ciel, rendit son âme à Dieu 1. Cette mort changea les dispositions d'Honorat. Il reprit la route des Gaules, traversa l'Italie et arriva à Forojulium (Fréjus), l'antique Colonia Classensis. Leontius (saint Léonce) de Nîmes en était alors évêque. Entre Honorât et Léonce, il se forma bientôt une de ces liaisons dont la sainteté réciproque est le fondement. Honorât voulut se fixer définitivement dans le diocèse de son pieux ami. Il s'établit quelque temps, avec Caprasius, dans la contrée sauvage qui s'appelle aujourd'hui Caporosso, sur un rocher qu'on montre encore aux pèlerins et que la langue vul-

----------------

1. On célèbre la fêle de saint Venantius à la date du 30 mai.

=========================================

 

p282    PONTIFICAT DE SAISI INNOCENT I  (401-417).

 

gaire du pays désigne sous le nom de Santa Balma de sante Honorât « la sainte Baume 1 de saint Honorat. » Mais, comme autrefois à Leuca Tullorum, la foule se donna bientôt rendez-vous à la Balma des deux ermites. Ce fut alors qu'Honorât et son com­pagnon se réfugièrent dans l'île de Lérins. Là encore ils furent poursuivis non plus cependant par une curiosité indiscrète et sté­rile, mais par d'illustres disciples qui vinrent se mettre sous leur direction. II fallut bâtir un monastère pour les hôtes nouveaux que l'Esprit-Saint appelait au désert. Successivement on vit arriver Lupus (saint Loup), un des proches parents d'Honorat, qui venait, de concert avec Pimeniola, sa femme, de vendre tous les biens qu'ils possédaient au territoire de Toul, lui pour s'enfermer à Lé­rins, elle pour entrer dans un monastère de religieuses. Maximus (saint Maxime), plus tard évêque de Reji-Albiœci (Riez) ; Hilarius (saint Hilaire), depuis évêque d'Arles; Jacobus (saint Jacques), depuis évêque de Centones Allobrogum (Tarentaise) ; Valerianus, depuis évêque de Cemeliensis (Cimiers-Nice) ; Aurelius, depuis évêque de Porojulium (Fréjus), firent de même. Eucherius (saint Eucher), qui devait monter plus tard sur le siège archiépiscopal de Lyon, se distinguait au milieu de cette florissante colonie, jeune encore, doué d'un esprit vaste et cultivé, possesseur d'un nom illustre et d'une grande fortune, il avait formé le dessein de renon­cer à tous les avantages que pouvait lui offrir le monde. Mais il était marié, il avait deux enfants en bas âge : Salonius, depuis évêque de Colonia Allobrogum (Genève), et Veranus, depuis évêque de Ventia (Vence). Salonius, l'aîné, n'avait encore que dix ans. C'étaient là, outre l'attachement profond d'Eucherius pour sa femme Galla, des liens qui semblaient devoir le retenir longtemps dans le siècle. Mais la grâce de Dieu triompha de tous ces obs­tacles. Galla, non moins pieuse que son époux, se renferma dans une communauté de religieuses, et Eucherius aborda un jour à Lérins, amenant avec lui ses deux fils. Ils y furent élevés sous la

--------------

1.  On sait que le radical celtique Balm, d'où le latin Balma et le français Baume, ainsi que leur dérivé Ballon, désigne une croupe montagneuse, élevé» au-dessua de deux vallées. [Ct. Ducange„ Glofsar., verbo Balma.)

==========================================

 

p283  AP.   III.  — DÉCRETS  DE  SAINT IHXOCENT I. 

 

direction du moine Vincentius, dont le Commonitorium devait bientôt illustrer le nom. Salvien leur donna des leçons de rhéto­rique et de philosophie. Cependant leur père s'était enfoncé dans le lieu le plus reculé de l'île, où il passa quelques années sans avoir aucun commerce avec les hommes.

 

9. Telle était cette soif de mortifications, d'austérités et de soli­tude, qui dévorait alors tant de grandes âmes. L'île des Serpents s'était rapidement transformée en un eden de sainteté, de science et de vertu. Voici en quels termes Eucher, devenu évêque de Lyon, décrivait les charmes de cette île bénie. «Entre toutes les retraites habitées par les pieux serviteurs de Jésus-Christ, dit-il, j'aime et j'honore ma chère Lérins, toujours ouverte pour recueillir dans son sein les naufragés d'un monde si fé­cond en tempêtes! Elle abrite doucement sous ses ombrages les cœurs que le souffle ardent du siècle avait brûlés. Le pèlerin habi­tant y respire en paix sous l'aile du Seigneur; c'est le paradis que cette île bienheureuse, aux sources vives, aux gazons verts, aux vignes fertiles, aux fleurs et aux fruits parfumés. Elle méritait d'être choisie pour devenir le théâtre d'une discipline céleste. Elle méritait de fixer le choix d'Honorat, ce père des saints, ce fonda­teur en qui revit la majesté des patriarches et des apôtres. Main­tenant Honorât est devenu le pontife d'Arles. Mais Lérins a gardé Maxime, grand par cela seul qu'il fut jugé digne de succéder à Honorât dans le gouvernement des monastères. Elle pos­sède Lupus, ce cœur plein de mansuétude, sous le nom redoutable qui rappelle le loup de la tribu de Benjamin. Elle possède le frère de Lupus, Vincent, cette perle incomparable. Elle possède le vé­nérable vieillard Caprasius, l'égal des plus illustres pères du désert. Elle possède enfin cette légion de saints anachorètes, reclus dans leurs cellules, et qui retracent sur la terre des Gaules les mer­veilles des solitaires d'Egypte. 0 bon Jésus ! quels saints, quels anges j'ai vus là ! Le parfum répandu du vase d'albâtre évangélique n'exhalait pas une plus suave odeur. C'était comme une atmos­phère de vie céleste. Le rayonnement de l'homme intérieur illu­minait les visages. Etroitement unis dans la eharité, déférents par

===========================================

 

p284    PONTIFICAT DE  SAINT  IHS0CE5T  I   (401-417).

 

humilité, d'une piété tendre et d'une espérance invincible, leur démarche était modeste, leur obéissance rapide, leur abord silen­cieux, leur regard plein de sérénité. On eût dit un bataillon de l'armée des anges. Ils ne convoitent rien, ne désirent rien, si ce n'est le Dieu qu'ils désirent encore, tout en le possédant. Ils aspirent à la vie bienheureuse, et ils l'ont déjà. Ils s'élancent vers le ciel, et le ciel est chez eux. Qu'est-ce en effet que le ciel? La séparation d'avec les pécheurs? Ils l'ont. La sainteté rayonnante de la vie? Ils l'ont. L'hymne sans fin chanté à la louange de Dieu? Ils le chantant. La société des bienheureux? Ils en jouissent. La possession du Christ? Ils possèdent le Christ. Ainsi, dans la surabondance de la grâce divine, ils goûtent, dès cette vie présente, les joies qu'ils espèrent dans l'avenir. Ils tiennent déjà la réalité, bien qu'ils soient encore dans le chemin de l'espérance. Il n'est pas jusqu'au travail qui ne soit pour eux une source immense de joie, puisqu'en s'y livrant ils trouvent le Dieu qui doit en être la récompense. 0 Hilaire, mon bien-aimé, quel n'est pas votre bonheur au milieu de cette céleste colonie ! Je vous en supplie, ne perdez pas la mémoire d'un misé­rable pécheur tel que moi, et recommandez ma faiblesse aux prières de ces saints. Comme Israël, vous habitez le désert, afin d'entrer avec Jésus dans la terre des promesses. Adieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur1. »

 

10. Telle était à son berceau cette première institution monas­tique de Lérins, dont la règle tracée par saint Honorât ne nous est point parvenue. On voit, par l'exemple de Salonius et de Veranus, les deux fils de saint Eucher, que les monastères de cette époque offraient déjà aux familles chrétiennes la ressource d'une éduca­tion littéraire et pieuse pour les enfants. Sidoine Apollinaire nous apprend que l'un de ses frère? avait été élevé à Lérins par Faustus (saint Fauste), le futur évoque de Riez 2. On aura précédemment

---------

(1) S.Eucher..De Lande eremi.Epist.ad Hilartum.presbr/t.Lirinens. ; Pair, lat., toni. L, col. 7H. Le prêtre de Lérins, à qui saint Eucher écri­vait cette lettre, était saint Hilaire, qui succéda plus tard à saint Honorât sur le siège d'Arles.

(2) Sidon. Apollinar., Carm. Euch. ad Faust. Reiensem ; Pair, lat., tom. LVII1, col. 720.

==========================================

 

p285 CHAP. III.   —  DECRETS   T)R  SAINT  lSNbfiENT  I.

 

remarqué, dans un récit de Sulpice-Sévère1, qu'à Marmoutiers les cénobites avaient un enfant, ou disciple, qui les servait. Sainta Paula, à Bethléem, en apprenant la naissance à Rome de sa petite-fille, à laquelle on avait donné le nom de son aïeule, faisait dire par saint Jérôme à Toxotius et Laeta, père et mère de cet enfant : « Je crains bien qu'il ne vous soit difficile, impossible même, d'élever à Rome la nouvelle chrétienne selon les règles de Jésus-Christ. Envoyez-la donc à sa grand'mère Paula et à sa tante Eustochium, qui la façonneront plus pieusement et plus commodément. Ce sera une perle précieuse sur le lit de Marie ; elle reposera dans la crèche de Jésus. Nourrie dans le monastère, parmi le chœur des vierges, elle ne connaîtra ce monde qu'à travers la vie des anges. Eustochium veut l'avoir. Confiez-lui cette petite, dont le vagissement seul est une prière au ciel pour vous. Que votre enfant voie, aime, admire, dès ses premiers regards, celle chez qui tout est enseignement de vertu : la parole, la tenue, la démarche ! Que la nouvelle Paula soit bercée sur les genoux de l'ancienne qui re­commencera, pour la petite-fille, ce qu'elle a fait si heureusement pour sa propre fille. Et s'il m'est permis d'intervenir personnellement, je vous dirai : envoyez-la moi. Je la porterai sur mes épaules ! Vieil­lard, je me ferai enfant, avec elle, je balbutierai pour me plier à son langage, et, croyez-le, je serai plus fier de mon emploi qu'Aristote ne le fut jamais du sien ! Le philosophe avait à instruire un roi de Macédoine, qui devait mourir à Babylone par le poison; moi, je formerai le cœur d'une épouse de Jésus-Christ, destinée à la couronne du ciel 2. » Le vœu des solitaires de Bethléem fut exaucé. La jeune Paula rejoignit son aïeule et sa tante Eustochium. Elle succédaà cette dernière dans la direction du monastère de femmes. Il y avait donc, dès cette époque, une alliance intime entre la vieillesse pleine d'expérience des religieux et l'éducation de la jeunesse chrétienne. À l'heure où nous écrivons ces lignes, l’antique tradition persévère. Elle durera autant que l'Église, c'est-à-dire

-------------------

Cf. pag. 85 de ce volume. — 2. S. Hieron., Epist. cvn, ad Loetam, Pair, lat., pflMb Trsd. de M. A. Thierry; tom. XXII, col. 877-878,

=========================================

 

286   pontificat de saint innocent i (401-417).

jusqu'à la consommation des siècles. Les efforts hostiles du ratio­nalisme présent et futur, n'y pourront rien.

 

11. C'est d'ailleurs un fait très-remarquable, bien qu'on ne l'ait peut-être jamais signalé, que l'efflorescence chrétienne du IVe et du Ve siècle, qui nous étonne par la variété, la multiplicité et surtout la succession de tant de génies, correspondit précisément avec l'expansion universelle du monachisme. Depuis les rochers du Sinaï jusqu'aux laures de la Thébaïde; depuis les prairies de la Cappadoce jusqu'aux rives du Peloponèse; depuis les grottes de la Sicile1 jusqu'aux îles Stœchades (Hyères 2), et Lerinae (Lérins) ; depuis

------------

i Toutes les îles de la Méditerranée, dès le temps de saint Ambroise, étaient autant de lieux de retraite choisis de préférence par les solitaires de l'Occi­dent. Voici un texte de l’Hexameron Quid enumerem insulas, quas velut monilia plerumque prœtexit (mare), in quitus ii qui se ebdkant intemperanliœ sacularis illecebris. fido conti-nentiœ proposilo eligunt mundo latere, et vit* hujus declinare dubhs anfractus? Mare est ergo secretum temperantiœ, exercitium continenticc, gravitaiis secessus, porlus secuntatis, Iranquillitas sœculi, mundi hvjus solrielns, tum fîdeUus viris aique demiis incenlivum devotionis, ut cum undarum lemler ntluentium sono cer-tent cantus psallenlium, pleudant insulœ iranquillo fluctuum sanctorum attaro, hvmzi* sanctorum personent. Vnde mihi ut omnem pelugi pulchritudiuem compre-hendam quant vidil operator? El quid plural Quid aliud ille concentus undnnm, nisi auidam concentus est p'ebis ? Vnde ber.e mari plerumque comparaiur Etcle-jia quœ primo ingreSentis populi agmine lotis vestibulis undas vomit : deinde in m-siione taiius pM<is tanquam undis re/luenlibus stredel, cum responsoriis psalmo-rutx, cantus vtrorvm, mulierum, virginum, parvulorum, consonut undarum fragor résultat Sam illud quid dicam, quod unda peccatum abluit, et Sancti Spiritus auradu grand docteur, qui le prouve sura­bondamment :    saluluris aspirât? (S. Arubros., Hexamer.,  lib. 111, cap. V; Patr. lat., tom. XIV, col. 165.)


2. Nous avous déjà dit, à propos de l'île Capraria, ou la flotte expéditionnaire de Mascesil contre Gildon fut obligée de relâcher pendant la tempête, que les côtes de la Sardaigne, de la Corse, et de toutes les îles adjacentes, étaieut peu­plées de cénobites chrétiens. Il en était de même des île? Siœchades (Hyéres). Avant même que saint Honorât fut veuu, avec saint Caprais, se fixer a Lérins, les Staechades étaient déjà habitées par des anachorètes. L'histoire de cha­cune de ces institutions cénobitiques ne nous a pas été conservé, mais leur existence se révèle à nous au hasard des témoignages confemporains, avec cette spontanéité imprévue qui donne aux affirmations un caractère d’autant plus authentique qu'il est moins cherché. C'est ainsi que, daus sa Collatio XI Cassien nous apprend que les Staeclhades étaient peuplées de cé­nobites. Vcici sou texte : S. vero sanctu.n studii veitri ,ilim hœc sahare non fWNMK, mWm «ii» wtofew.. J"« ad lanctos qui in Si*chadibus comUtuni

=========================================

 

p287 CHAP. III. — DicUETS DE SAINT IKNOCEHT I.     

 

les collines de Bethléem jusqu'à celles de Ligugé et de Marmoutierst le catholicisme s'était affirmé partout en créant des monastères. Ba­sile et Grégoire de Nazianze avaient été moines, comme Athanase, comme Jérôme, comme Epiphane, comme Augustin, comme saint Martin de Tours, comme Sulpice-Sévère, comme Jean Chrysostome. Qu’on veuille bien y réfléchir sérieusement, il est impossible que ce soit là une coïncidence fortuite. La discipline religieuse est éminem­ment favorable à la culture intellectuelle. Sans doute, à lui seul, l'élé­ment monastique ne saurait créer le génie, là où l'étoffe manque. Mais, à égalité de dispositions naturelles entre deux enfants, il est certain que l'éducation religieuse donnera infailliblement la supé­riorité à celui qui, outre l'éducation purement classique, aura reçu la discipline chrétienne. C'est qu'en effet, l'homme vaut plus par le cœur que par l'intelligence. Voilà pourquoi les monastères ont fait tant de si grands hommes.

 

12. Dans le même temps que saint Honorât fondait à Lérins cette pépinière d'illustres évêques qui, à leur tour, édifièrent comme une ruche d'abeilles la monarchie française, un Scythe, né dans les montagnes de la Thrace, «Cassien fondait, sur ces mêmes rives de la Provence, dit M. de Montalembert, une autre métropole mo­nastique, l'abbaye de Saint -Victor près de Marseille. Cette abbaye fut construite au sein des grandes forêts qui avaient alimenté la marine des Phocéens. Au temps de César, elles descendaient jus­qu'au bord de la mer, et leur mystérieuse obscurité avait telle­ment épouvanté les soldats romains, que le conquérant, pour les enhardir, avait dû lui-même prendre la cognée et en frapper un vieux chêne 1. L'abbaye s'éleva sur la grotte où avait été inhumé le saint martyr Victor, officier d'une légion romaine, à la fin du IIIe siècle 2. Elle rattachait ainsi à la sainte mémoire de l'époque des martyrs les travaux plus pacifiques, mais rudes encore et in-

--------------

insulis emiiiendœ suit, fruires, desideriun, ut arbitror, vestri ardoris explebunt. (Ciissian.. Collât. haïr. XI, Prafat. ; lui., tom. XL1X, col. 848.)

1. Huffi, llist. de Marseille, 1696, tom. ), pag. 2G ; de Rilibe, la Provence au poiitt de vue des bois, etc., 1857, pag. 23 (Note de M. de Montalembert). Cf. tom. VI11 de cette Histoire, pag. 535, 586.

==========================================

 

p288   PONTIFICAT  DE   SAIHT   I3N9CEHT  I   (401-417),

 

cassants, des nouveaux confesseurs de la foi 1.» Cassien avait été élevé à Bethléem, sous la discipline de saint Jérôme. Parvenu à l'âge de l'adolescence, il avait visité les solitudes égyptiennes de Nitrie et de la Thébaïde, non pas simplement comme pèlerin, encore moins comme touriste, mais en se fixant des mois entiers près des plus illustres habitants du désert, pour s'initier plus profondément aux secrets de la perfection cénobitique. Son dessein était de trans­porter en Occident les institutions monastiques de l'Orient. Son ami et condisciple, Germain, l'accompagna dans cette pérégrina­tion qui dura sept années. Ensemble ils se firent tour à tour, à Pane-physe et à Diolcos, les disciples des saints anachorètes Chérémon, Nestéros et Joseph. A Scété, ils se mirent sous la conduite du saint abbé Piammon, partageant les dures fatigues des solitaires et s'édifiant à l'exemple de leurs vertus. Environ l'an 402, Gassien et son compagnon vinrent à Byzance, attirés par la réputation de Jean Chrysostome, lequel les attacha à son clergé, et conféra l'ordre du diaconat à Cassien, celui du sacerdoce à son compagnon. Dans la persécution dont le grand évêque fut bientôt victime, il les trouva noblement fidèles à sa cause et dévoués jusqu'à la mort. Il leur fit l'honneur de les députer au pape saint Innocent I, pour l'informer du lamentable état de l'église de Byzance. Après leur départ, Chry­sostome lui-même fut exilé, et tous les prêtres fidèles, proscrits. Cassien, dans l'impossibilité de retourner à Constantinople, vint se fixer quelque temps à Lérins, d'où il se rendit à Marseille. Ce fut là qu'établi définitivement il fonda l'abbaye de Saint-Victor pour les hommes, et parallèlement un monastère pour les femmes. "Bientôt plus de six mille disciples des deux sexes étaient réunis sous sa direction (404-408).

 

13. Il y avait donc en Occident, sous le pontificat d'Innocent I, assez de moines pour que ce pape eût à se préoccuper de leur existence, et à tracer aux évêques des règles administratives à leur égard. Par conséquent, le Liber Ponlificalis n'avait pas commis l'ana-enronisme que les centuriateurs de Magdebourg lui reprochaient.

----------

1. M. de Montalembert, les Moine* tfOccident, tom. I, pag. 2iî.

=========================================

 

p289  CHAP.   III.   —  DÉCRETS   DE   SAINT  INNOCENT î.     

 

quand il avait dit de saint Innocent I : Hic constitutum fecit de reguliss monnasteriorum. L'anachronisme et l'ignorance étaient exclusivement du côté de la critique obstinée et malveillante qui avait pris à tâche de renverser tous les monuments de l'Église romaine, afin de venir plus aisément à bout de ruiner la foi catholique. C'est ainsi qu'on détruit d'abord les ouvrages avancés d'une place de guerre, avant de livrer l'assaut définitif. On riait donc de la simplicité avec la­quelle l'apocryphe, inventeur prétendu du Liber Pontificalis, suppo­sait la ville de Rome, sous Innocent I, peuplée de couvents et de monastères, absolument comme elle l'est encore aujourd'hui. Il fal­lait cela, disait-on, pour que le faussaire pût écrire de ce pape : «Qu'ayant trouvé dans la ville éternelle une grande quantité de Cataphryges (Manichéens), il exila les uns et renferma les autres dans des monastères. » Multos Cataphryrjas in wbs invertit, quos exsiliu et monasteriis rekgauit. Que deviennent cependant ces triomphantes ironies, en présence du témoignage formel de saint Jérôme qui nous apprend qu'à cette époque, Rome était vraiment peuplée de moines et de religieuses? « Quelle joie pour nous, disait saint Jérôme, de voir que Rome est devenue une autre Jérusalem! Les nombreux monastères de vierges, l'immense multitude de religieux qui s'y consacrent au service du Seigneur, ont changé en un titre de gloire ce nom de moine, auparavant si décrié1. »

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon