p80
------
Il est évident qu'en démocratie, les organisations prépolitiques (et aussi les Eglises) jouent un rôle spécifique, et non des moindres. Ces organisations prépolitiques deviendraient‑elles politiques (au sens précis d'une participation immédiate au pouvoir), qu'il ne resterait plus rien pour le pouvoir politique comme tel: les forces sociales se heurteraient l'une l'autre et c'est la plus forte qui l'emporterait nécessairement. En ce sens, la «domination des associations » ferait de l'Etat le dépositaire illusoire du
=================================
p81
régime, l'illusoire détenteur exclusif du « pouvoir légitime » (Max Weber), et elle le détruirait. Ce faisant, elle éliminerait en même temps toute possibilité de contrôle de l'Etat par les citoyens. Un appareil politique qui ne serait pas ouvert à la discussion avec les forces sociales et à leur intégration, serait bouleversé, rapidement décapité et sans pouvoir réel de décision. Il pourrait seulement en appeler à un bien public abstrait, qu'on ne pourrait pas préciser de façon concrète, ‑ en fonction de la réalité sociale.
Cela demande: une socialisation des structures de décision politique (et c'est l'essentiel de ce qu'on réclame le plus souvent sous le slogan « démocratisation »). Cette socialisation est aussi meurtrière pour la démocratie constitutionnelle que la politisation totale des domaines sociaux. Ni la domination des associations, ni la réunion des éléments de la puissance politique au sein d'une société qui gouvernerait ne mènent au développement continu des institutions démocratiques. Tous deux détruiraient les «balances » (M. Maurion) de la démocratie constitutionnelle. Si impopulaire que ce soit, il faut le dire: qui tient à la démocratie est obligé de prendre position contre la démocratisation indifférenciée ‑ tout comme qui tient à la liberté, est obligé de combattre la liberté absolue: elle serait la fin de la liberté (1).
---------
=================================
p82
6
ANALOGIES ECCLÉSIALES
---
=================================
p83
------ Au cours de son histoire ----- l'Eglise s'est toujours emparé des formes de vie profane au milieu desquelles elle se trouvait et les a transformées. Ce qu'elle a accompli en faveur de la société et de la culture repose directement sur ce bon voisinage avec chaque époque et chaque réalité sociale.
-------- la démocratie d'aujourd'hui est une démocratie constitutionnelle. Non une démocratie absolue. Ce qui ne permet aucunement au souverain démocratique de décider de tout. -----
=================================
p84
------- Aucun argument ne contraint à gouverner l'Eglise et l'Etat de la même manière. Mais il y a des possibilités d'analogie entre la constitution extérieure de l'Etat et celle de l'Eglise, entre l'ordre politique et l'ordre ecclésial. ------
=================================
p85
--------
1. Il y a des formes politiques fondamentales.
-------- il y a un domaine limité qui réalise le consensus politique. C'est le bloc des idées incontestables. On le remarque sous la figure juridique du « droit constitutionnel auquel on ne peut déroger ». C'est une analogie avec la structure de l'Eglise. Elle est tout d'abord négative. La forme fondamentale de l'Eglise est la foi en Jésus‑Christ et l'unité des croyants, qui découle de la continuité de leur foi. L'identité fondamentale de la communauté doit être protégée dans le cas de l'Eglise comme dans celui de l'Etat, sans quoi nous ne pourrions parler de familles, d'Etats, d'Eglises. C'est la permanence de leur forme fondamentale qui assure cette protection respective de l'Eglise et de l'Etat. Cette permanence ne peut pas être l'objet de décisions démocratiques de la majorité. Elle ne peut pas être soumise au plébiscite permanent de la volonté de tous. -----
=================================
p86
------ analogiquement parlant, la foi et les dogmes sont la substance constitutionnelle de l'Eglise. Ils appartiennent au « droit constitutionnel auquel on ne peut déroger”.
--------
Cette analogie a cependant deux limites. Il est absolument impensable qu'on puisse totalement réviser la constitution de l'Eglise. Autrement dit, l’Eglise n'a aucun pouvoir constituant. Ni le pape, ni le concile, ni les deux ensemble ne peuvent, au sens
=================================
p87
absolu du terme, recréer l'Eglise, l'Ecclesia semper reformanda. …….. L'Eglise ne dispose pas de la mission que lui a laissée le Christ. Elle ne dispose pas non plus du testament du Christ. Le caractère fondamental de l'Eglise est à ce point immuable, que sa forme fondamentale ne peut pas changer. «Vous n'avez qu'un seul maître, le Christ. »