p402
------ Les chrétiens reconnurent en Jésus de Nazareth le pauvre rejeton issu de la souche de Jessé depuis longtemps abattue. Ils virent en lui le Fils de David dans lequel l'Esprit de sagesse avait agi sans réserve.
Sagesse et croix sont mises ainsi dans un rapport très étroit que Paul placera au centre focal de sa prédication : la notion de succès en est presque muée en son contraire. Celui qui fut le véritable sage a fini sa vie sur la croix ; ---------
Par suite, il s'avère que la Sagesse présuppose avant tout l'union au Christ. -------------------
==================================
p403
-----------
Platon, comme déjà son maître Socrate, a rencontré une Aufklärung radicale dont la rationalité incisive avait conduit à la conviction que la vérité proprement dite, en tant que telle, était purement et sim-
==================================
p404
plement inaccessible à l'homme. --------- -------- Et ainsi le règne absolu de la science devient interdiction d'atteindre la vérité, renonciation définitive à la vérité. ---------- ------------ S'il en est ainsi, il n'existe aucune valeur commune qui puisse nous unir tous ; s'il en est ainsi, il n'y a pas de droit, mais ce que chacun appelle droit n'est plus qu'un ordre revendiqué par ceux qui ont réussi à s'imposer. Entre la violence exercée au nom du droit, et la violence en sens inverse de ceux qui violent le droit, il n'y a plus alors de différence qualitative, et la notion d'État de droit devient vide. Telle est notre situation ; c'était la situation que les sophistes, ces «esprits éclairés » de la Grèce de Platon, avaient provoquée. On pourrait décrire ainsi cette situation : le règne de la science avait conduit à une crise de la sagesse ; les sciences exactes, par leur exactitude même, coupent à la sagesse le chemin qui mène aux questions concernant les fondements les plus profonds de notre être.
------------
==================================
p405
---------- l'homme : il n'est pas un sage, mais il est en quête amoureuse de la sagesse. ------------ Mais le contenu de la sagesse est l'Être lui même, ou plus encore : le Bien et le Beau au‑delà de l'Être. ------
-------- La sagesse apparaît, par opposition à la science, comme l'ouverture permanente de l'homme au tout, au fondement porteur qu'est l'éternel. ----------elle est précisément cette inquiétude qui fait de lui un pèlerin en quête de l'éternel, -----------Seule l'expérience de Dieu peut amener aussi à connaître avec Dieu.
--------
==================================
p406
----
---- Rabbi Hillel, ----- Sagesse est donc identique à connaissance et pratique de la Torah. “Le"sage " est le spécialiste achevé et reconnu de la Torah, le Rabbi ordonné”541 --------
Une refonte de ces éléments dans le sens chrétien apparaît dès l'époque de la plus ancienne tradition: dans les « Logia », en effet, on met dans la bouche de Jésus des paroles de sagesse, dans cette idée que Jésus était la Sagesse de Dieu parlant parmi les hommes542. -
------------
==================================
p407
-------- La Sagesse de Dieu est une personne, et pourtant elle est Dieu ; dans l'homme Jésus, on rencontre la Sagesse de Dieu en personne, sans atténuation, à l'état pur.
------ la foi qui me relie à Jésus est alors la sagesse ouverte à tous, très spécialement aux simples. La conception rabbinique de la Torah devenue parole est assumée ici et, par son union à la figure de Jésus-Christ, dégagée de toute limitation de nationalité ou d'école: celui qui croit en Jésus est pour ainsi dire entré dans la pensée et le jugement de la sagesse. Il n'agit plus comme un dormeur, à la surface et dans la pénombre de l'instant : il est enfin éveillé, il vit à partir des profondeurs, si simple que puisse être par ailleurs son mode de penser.
Pour Augustin, là a été la découverte décisive de sa vie: la philosophie de Platon était restée élitiste, et en fin de compte hypothétique, même dans ses expressions les plus hautes ; la foi en celui qui s'était fait homme a ouvert la voie royale des philosophes à tous les hommes, et en a fait une voie bien réelle544. --------Sur la même ligne enfin, nous trouvons Thomas d'Aquin déclarant que l'amour devient pour l'homme un oeil qui lui permet de voir546.
==================================
p409
------ l'oeuvre de la sagesse est la paix. --- “Je vous donne ma paix”. Thomas, se plaçant complètement sur le terrain d'Augustin, justifie cela en disant que seule l'intégrité du sage est capable de percevoir l'ordre des choses, et donc de donner à chacun selon son droit: la paix ne peut en fin de compte venir que d'un agir conforme à l'être, ce qui présuppose la purification du coeur ; c'est cette sagesse dont nous avons appris d'Isaïe qu'elle est une participation à la manière dont Dieu voit les choses et les hommes548.
--- la sagesse ------- est ------la capacité pour les hommes de se supporter dans la vie quotidienne, qui appelle à se tourner vers la profondeur suprême, à voir et agir du point de vue de Dieu. C'est pourquoi la paix est un don messianique que seul peut donner en fin de compte celui qui porte l'Esprit de Dieu dans toute sa plénitude. -------