La foi chrétienne hier et aujourd’hui 104

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   Pour rester fidèle au témoignage du Nouveau Testament, il faut prendre ce deuxième aspect autant au sérieux que le premier. C'est aussi la seule manière de sauvegarder l'importance de ce témoignage dans l'histoire du monde.

 

La tentative trop commode, qui voudrait d'une part faire l'économie de la foi au mystère de l'action puissante de Dieu dans ce monde, et avoir cependant en même temps la satisfaction de demeurer sur le terrain du message biblique, est une tentative vaine: elle ne satisfait ni à l'honnêteté intellectuelle ni à l'exigence de la foi.

 

On ne peut avoir en même temps la foi chrétienne et « la religion à l'intérieur des limites de la raison pure »; il faut choisir. Il est vrai que le croyant découvrira toujours davantage combien est sensée la foi en cet amour qui a vaincu la mort.

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p221 LES ARTICLES CHRISTOLOGIQUES DE LA PROFESSION DE FOI

 

V. “EST MONTÉ AUX CIEUX, EST ASSIS A LA DROITE DE DIEU, LE PÈRE TOUT‑PUISSANT”

 

   Parler d'ascension au ciel ou de descente aux enfers, reflète, aux yeux de notre génération éveillée à la critique par Bultmann, cette image du monde à trois étages que nous appelons mythique et que nous considérons comme définitivement périmée.

 

Que ce soit « en haut » ou « en bas», le monde est partout et toujours monde; il est régi par les mêmes lois physiques, il peut être exploré partout par les mêmes méthodes, fondamentalement. Il n'y a pas d'étages; les concepts de « haut” et de « bas” sont relatifs, dépendants de la position dc l'observateur.

 

Et même, comme il n'existe pas de point de repère absolu (et que la terre assurément n'en est pas un), on ne saurait plus, au fond, parler de “haut” et de “bas” ou de « gauche » et de «droite»; le cosmos ne nous donne plus de directions fixes.

 

Personne ne voudra plus aujourd'hui contester sérieusement ces données. La conception d'un monde à trois étages, au sens local, a disparu. Mais est‑ce bien cette conception que voulaient affirmer les articles de foi sur la descente aux enfers et l'ascension du Seigneur ?

 

Elle a certainement fourni les images par lesquelles la foi s'est représenté ces mystères, mais il est tout aussi certain qu'elle ne constituait pas l'essentiel de la réalité affirmée.

 

Les deux articles expriment bien plutôt, en liaison avec la confession du Jésus historique, la dimension totale de l'existence humaine, qui comprend non pas trois étages cosmiques, mais trois dimensions métaphysiques.

 

Aussi est‑il logique, à l'inverse, que la position, se prenant pour l'instant comme moderne, écarte non seulement l'ascension et la descente aux enfers, mais également le Jésus historique, c'est‑à‑dire toutes les trois dimensions de l'existence humaine; ce qui reste ne peut plus être qu'un fantôme diversement affublé, sur lequel il n'est pas étonnant que personne ne veuille plus sérieusement faire fond.

 

   Mais que signifient réellement nos trois dimensions? Nous avons déjà constaté que la descente aux enfers n'évoque pas en fait une profondeur extérieure du cosmos; celle‑ci ne lui est nullement indispensable: dans le texte fondamental, la prière du Crucifié au Dieu qui l'a abandonné, il manque toute allusion cosmique.

 

Ce texte dirige notre regard plutôt vers la profondeur de l'existence

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p222 JESUS‑CHRIST

 

humaine, qui plonge dans l'abîme de la mort, dans la zone de la solitude intouchable et de l'amour refusé, et qui de ce fait inclut la dimension de l'enfer, la porte en elle comme sa possibilité.

 

L'enfer, le fait d'exister dans le refus définitif de l' « être‑pour », n'est pas une détermination cosmographique, mais une dimension de la nature humaine, l'abîme où elle plonge.

 

Nous savons aujourd'hui plus que jamais que l'existence d'un chacun touche à cet abîme; et comme en définitive l'humanité est un homme, cet abîme ne concerne pas seulement l'individu, mais le corps unique de la race humaine en son entier, qui doit donc supporter solidairement la profondeur de cet abîme.

 

Nous pouvons à partir de là comprendre une fois de plus que le Christ, le «nouvel Adam », ait entrepris de porter avec nous cette profondeur et qu'il n'ait pas voulu demeurer séparé d'elle, dans une sublimité inviolée; il est vrai qu'à l'inverse c'est maintenant seulement que le refus total est devenu possible dans sa pleine profondeur.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon