FOI CHRÉTIENNE
hier et aujourd'hui
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Nous trouvons là un premier aspect de l'attitude exprimée par le mot Credo. Cela veut dire que l'homme ne considère pas la vue, l'ouïe et le toucher comme la totalité de ce qui le concerne; qu'il ne pense pas que l'espace de son monde soit délimité par sa vue et son toucher; qu'il cherche une deuxième forme d'accès au réel, appelée précisément foi, dans laquelle il découvre même, de façon décisive, sa vraie vision du monde.
S'il en est ainsi, le petit mot « Credo » renferme une option fondamentale à l'égard de la réalité en tant que telle. Il ne vise pas à exprimer telle ou telle vérité, il indique une prise de position en face de l'être, de l'existence, de sa propre réalité et de la réalité totale.
Il affirme que l'invisible, inaccessible par principe à notre vue, loin d'être irréel, constitue au contraire la véritable réalité, fondement et racine de toutes les autres réalités.
Il affirme que cette cause universelle est aussi ce qui confère à l'homme une existence proprement humaine, ce qui rend possible l'homme comme tel, comme être humain.
Autrement
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p16 « JE CROIS ‑ AMEN»
dit, croire, c'est admettre qu'au plus intime de l'homme existe un point qui n'entre pas dans la catégorie de la vue et du toucher, un point tangent à l'invisible, servant de point de jonction entre l'homme et lui, absolument indispensable à sa vie.
Or une telle attitude exige ce que la Bible appelle un «retournement », une conversion. La pesanteur naturelle entraîne l'homme vers le visible, le tangible. Il lui faut se retourner intérieurement pour constater combien il passe à côté de ce qui fait son être propre, s'il suit sa propre pesanteur.
Il lui faut se retourner, pour reconnaître combien il est aveugle, s'il se fie uniquement à ses yeux corporels. Sans ce retournement de son existence, sans cette opposition à la pesanteur naturelle, la foi ne saurait exister.
Oui, la foi est la conversion, dans laquelle l'homme découvre qu'il poursuit une chimère s'il se confie au seul tangible. Et voilà la raison profonde pourquoi la foi n'est pas au bout d'une démonstration. Il faut un retournement de l'être, condition sine qua non, pour la recevoir.
Et parce que notre pesanteur nous entraîne sans cesse ailleurs, notre foi doit se renouveler sans cesse. Seule une conversion de tous les jours et de toute la vie nous fera comprendre la signification du “Je crois “.
On réalise dès lors aisément que la difficulté, voire l'apparente impossibilité de croire n'est pas seulement due aux conditions historiques de notre temps, mais que la foi a représenté de tout temps ‑ peut‑être d'une manière plus voilée et moins discernable ‑ un saut par‑dessus un abîme immense.
Depuis toujours, la foi apparaît comme une rupture, comme un bond aventureux hors du monde tangible, parce qu'elle comporte toujours un risque, en pariant pour la réalité de l'invisible.
Jamais la foi n'a été une attitude découlant automatiquement de la nature humaine; toujours elle a exigé une décision engageant la profondeur de l'être, toujours elle a exigé la conversion de l'homme, qui ne peut s'opérer que par une libre détermination.