Daras tome 27
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AVERTISSEMENT
SUR LES LIVRES DE LA TRINITÉ
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Saint Augustin retint sur le métier pendant bien des années, son long ouvrage sur la Trinité; ------- Il l'avait entrepris surtout en vue de ceux qui, ne recevant point l'autorité de la foi, voulaient qu'on leur démontrât la vérité des mystères, par la raison. -------- «Voilà pourquoi, dit‑il au chapitre v du livre 1, j'ai entrepris non point tant d'exposer ces choses, avec autorité avec l'assistance et par l'ordre de Dieu, que de les apprendre moi‑même en en parlant avec piété. » ---------
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p156 EXTRAIT DU LIVRE DES RÉTRACTATIONS.
LIVRE Il DES RETRACTATIONS, CHAPITRE XV
1. J'ai écrit, dans l'espace de plusieurs années, quinze livres sur la Trinité de Dieu; mais comme je n'avais pas encore terminé le douzième livre et que je les retenais plus longtemps que ne pouvaient le supporter ceux qui désiraient ardemment les avoir, ils m'ont été soustraits dans un état de correction moins satisfaisant qu'ils auraient dû et pu se trouver au moment où je les aurais publiés. L'ayant compris, comme il m'en restait d'autres exemplaires entre les mains, j'avais pris la résolution de ne point les rendre publics, mais de les garder tels qu'ils étaient, afin de raconter, dans un autre ouvrage, ce qui m'était arrivé. Cependant sur les instances de mes frères auxquelles je n'ai pu résister, j'ai corrigé ces livres autant que j'ai cru devoir le faire, complété et publié en les faisant précéder d'une lettre de moi au vénérable Aurèle, évêque de Carthage, dans laquelle, comme dans une sorte de prologue, j'expose ce qui m'est arrivé, ce qui m'est venu à la pensée de faire et ce que j'ai fait pour céder aux instances de la charité de mes frères.
2. Dans le livre onzième, en parlant de corps visible, j'ai dit : « Par conséquent aimer cet objet corporel, c'est s'égarer, » ce qui doit s'entendre de l'amour qui nous fait aimer un objet, de telle sorte, que quiconque l'aime ainsi se croie heureux. Car ce n'est point s'égarer que d'aimer la beauté corporelle pour la gloire du Créateur et de mettre ainsi son bonheur à jouir du Créateur même. J'ai dit encore dans un autre endroit : « Je ne me rappelle pas un oiseau à quatre pattes , parce que, en effet, je n'en ai jamais vu ; mais je vois facilement une semblable création de mon imagination, quand j'ajoute à une forme de volatile que j'ai vue deux autres pattes semblables à celles que j'ai vues également. » En m'exprimant ainsi, je n'ai point voulu parler des quadrupèdes ailés dont il est fait mention dans la loi. On ne compte point en effet comme des pattes, les deux jambes postérieures dont les sauterelles se servent pour sauter. L'Ecriture les range parmi les animaux purs et les distingue des volatiles impurs qui ne sautent point à l'aide de telles pattes; tels sont les scarabées. Or, tous ces animaux ailés sont appelés quadrupèdes dans la toi.
3. Dans le livre douzième, l'explication que j'ai donnée de ces mots de l’Apôtre : «Quelque péché que commette l'homme, il est hors du corps, » (I Cor., VI, 18) ne me satisfait point, et je ne crois pas qu'on doive entendre ces autres paroles : « Mais celui qui commet le péché de fornication, pèche contre son propre corps, » comme si c'était ce que fait quiconque se conduit ainsi en
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p157 EXTRAIT DU LIVRE DES RÊTRACTATIONS.
vue des jouissances corporelles comme fin de son bonheur. Or, cela s'étend à beaucoup d'autres péchés que la fornication qui n'a lieu que dans les unions sexuelles illicites, les seuls dont il semble que l'Apôtre parlait en s’ exprimant comme il l'a fait. Cet ouvrage, après la lettre dont je l'ai fait précéder plus tard, commence par ces mots : « Avant de lire notre traité sur la Trinité. »
Au bienheureux seigneur, saint frère et confrère en sacerdoce, le pape Aurèle, vénéré avec une très‑sincère charité,
Augustin, salut.
Dans ma jeunesse, j'ai commencé sur la Trinité qui est le Dieu souverain et véritable, des livres que je n'ai terminés que dans ma vieillesse. J'avais laissé ce travail, lorsque je m'étais aperçu qu'on m'avait soustrait ces livres avant qu'ils fussent terminés, retouchés et revus comme c'était mon intention; car je m'étais proposé de les publier non les uns après les autres, mais tous ensemble, parce que les derniers se relient aux premiers par l'ensemble du travail. Comme, par le fait de ceux qui ont pu s'en procurer quelques‑uns avant que je voulusse les publier, mes intentions ne pouvaient plus s'accomplir, j'avais laissé mon travail inachevé, avec l'intention de me plaindre de ce qui s'était passé dans quelque autre de mes écrits, et de faire savoir ainsi à tous ceux qu’il me serait possible, que ces livres n'avaient point été publiés par moi, mais m'avaient été soustraits avant que je les eusse jugés dignes de paraître. Cédant aux vœux ardents de plusieurs de mes frères, et surtout à vos ordres, j'ai fait en sorte, avec l'aide de Dieu, de terminer ce laborieux travail. J'envoie à votre Vénération, par le ministère de notre commun diacre et très‑cher fils, ces livres corrigés non pas aussi bien que j'aurais voulu, mais que j'ai pu, pour ne point les rendre trop différents de ceux qui m'ont été soustraits et se trouvent entre les mains du public, et j'ai permis à quiconque le voudra, de les entendre lire, de les copier et de les lire. Si j'avais pu faire ce que je me proposais, tout en conservant le même fonds de pensées, ils seraient certainement beaucoup moins obscurs et plus faciles, autant du moins que l'auraient permis les difficultés de telles matières et mes propres ressources. Il se trouve des personnes qui ont les quatre ou cinq premiers livres sans leurs préfaces et le douzième inachevé ; mais si la présente édition arrive à leur connaissance, ils pourront corriger les premiers volumes s'ils le veulent. Je vous prie de faire placer ma lettre à part en tête de ces livres. Adieu, priez pour moi.