Darras tome 13 p. 481
IV. L'Hénotique de Zénon.
21. Pendant qu'Épiphane à Pavie donnait l'exemple du dévouement épiscopal, Acacius à Constantinople entrait dans la voie de l'hérésie et du schisme. Livré à l'influence de ce patriarche inconstant et ambitieux, l'empereur Zenon ne tarda pas à ruiner son propre ouvrage, et bientôt il attacha son nom à un édit trop fameux, source de divisions infinies dans l'Église. Les premiers troubles surgirent à l'occasion de la mort de Timothée Solofaciole, patriarche d'Alexandrie (482). Les évêques, les clercs et les moines de cette ville lui élurent pour successeur légitime Jean Talaïa, prêtre zélé, dont Solofaciole avait apprécié le talent et la vertu, et auquel il avait confié l'administration des biens temporels de son église. Jean Talaïa écrivit aussitôt au pape Simplicius afin d'en obtenir des lettres de communion ; il adressait en même temps une circulaire aux évêques des grands sièges d'Orient et d'Occident pour leur notifier son élection. Acacius, par un concours de circonstances fortuites, ne reçut la lettre de Talaïa qu'après avoir déjà appris son ordination par voie indirecte. Ce retard involontaire dans la remise des lettres synodiques suffit pour l'indisposer contre l'élu. Il résolut d'user de toute son influence auprès de l'empereur, pour faire annuler l'élection du nouveau patriarche d'Alexandrie. Sans se mettre en peine de concilier sa conduite passée avec ses ressentiments nouveaux, on le vit solliciter de Zénon le rétablissement de l'intrus Pierre Monge, à l'exil duquel il avait si puissamment contribué. Il persuada à l'empereur que les deux factions catholique et euty-
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1 Ennod., Vit. S. Epiphan. Ticin.; Pat. lat., tom. LXI1I,
col. 222-226, pass.
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chienne d'Alexandrie continueraient à troubler la ville, tant qu'on ne choisirait pas un patriarche également agréable à l'une et à l'autre. « Pierre Monge, disait-il, remplira parfaitement cette condition. Les eutychéens lui sont dévoués ; les catholiques n'auront aucune défiance légitime contre lui, dès qu'il aura solennellement abjuré l'hérésie. » Pierre Monge, secrètement averti par Acacius de cette intrigue, la fit appuyer à la cour par tous ses amis. Il se fit fort de réaliser la fusion désirée, pourvu qu'on lui rendît sa chaire patriarcale. Zenon, circonvenu avec tant d'habileté, céda à la faiblesse naturelle de son caractère : il écrivit au pape une lettre où il déclarait Jean indigne de l'épiscopat, et demandait comme moyen de pacification le rétablissement de Pierre Monge sur le siège d'Alexandrie.
22. Simplicius ne répondit pas directement à la communication de l'empereur. Il adressa le 15 juillet 482 une lettre à Acacius pour lui témoigner sa surprise et son affliction de ce que, avec la missive impériale, il n'avait reçu de sa part aucune communication sur une affaire aussi importante. Il ajoutait : « Les actes récents d'un concile d'Egypte, très-nombreux et très-attaché à la foi orthodoxe, viennent d'être adressés suivant la coutume à ce siège apostolique. Ils nous ont appris à la fois et la mort de notre frère de sainte mémoire l'évêque Timothée, et le choix qu'on a fait de Jean Talaïa pour le remplacer d'après le vœu unanime des fidèles. Comme on le croyait pourvu de toutes les qualités qu'exige l'épiscopat, il semblait qu'il ne restât plus qu'à rendre grâces à Dieu, à nous réjouir de ce qu'un évêque catholique eût succédé sans troubles à l'évêque défunt et à confirmer la nouvelle promotion par l'autorité du siège apostolique. Cependant je viens de recevoir de l'empereur des lettres qui représentent Jean Talaïa comme indigne d'exercer les fonctions épiscopales. J'ai donc suspendu la sentence de confirmation, de peur qu'on ne me taxât d'avoir agi avec légèreté, en présence d'un si imposant témoignage1. » Ces paroles sont remarquables, parce qu'elles servent à établir le
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1 S. Simplic, Epist. xvn ; Pair, lat., tom. LV111. col. SO.
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droit des papes sur la confirmation des patriarches. C'est un concile d'Egypte, et un concile « très-nombreux, » qui demande au pape de ratifier le choix d'un évêque d'Alexandrie élu canoniquement et sans opposition. Quoique Jean eût été sacré aussitôt après son élection, son autorité néanmoins pour être pleine, entière, inébranlable, avait besoin d'être affermie par celle du siège apostolique. Simplicius dans cette lettre se prononçait formellement contre le rétablissement de Pierre Monge sur la chaire patriarcale d'Alexandrie. « La promesse qu'il a faite, dit le pape, de professer désormais la vraie foi ne peut servir tout au plus qu'à le faire rentrer dans la communion de l'Église, mais non pas à le rétablir dans la dignité épiscopale. » Quelques mois après, le pape écrivit dans ce sens à l'empereur lui-même1. Le zèle pontifical et l'ardeur à soutenir les intérêts de la vraie foi et de la saine doctrine semblaient croître dans l'âme de Simplicius, à mesure que la vieillesse, les infirmités et la maladie affaiblissaient son corps. Il renouvela encore plusieurs fois ses instances. Toutes ses lettres demeurèrent sans réponse.
23. Acacius, prélat de cour, caractère orgueilleux, insinuant et souple, non moins opiniâtre dans ses ressentiments que mobile dans ses affections, esprit sans principes, âme molle et sans consistance, était déjà l'un de ces grecs dégénérés qui devaient se trouver au pied du trône pour en hâter la chute par leurs ténébreuses et sourdes intrigues. Sans tenir compte des recommandations du pape, il persista à pousser l'empereur dans la voie des conciliations prétendues, et l'entraîna ainsi à un acte qui eut les conséquences les plus déplorables. Comme tous les princes faibles, Zenon se laissait facilement diriger par ceux qui flattaient ses inclinations ou ses secrets désirs. Il se berçait de l'espoir de mettre fin aux querelles religieuses. Impuissant à maintenir la paix dans sa propre famille, il se croyait assez fort pour apaiser d'un mot des discussions qui lui étaient complètement étrangères. L'édit fameux, connu sous le nom d'Hénotique (Enotixov formule d'union), fut pu-
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1 S. Simplic., Epist. ad Zenon. Fragment.; Pair, lat, loin. LVIII, col. 58.
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blié sous l'influence de ces idées. « On nous sollicite de toutes parts, disait l'empereur théologien, de procurer la réunion des églises et de faire cesser les funestes effets de leur division. Une multitude innombrable de personnes ont été privées jusqu'ici des bienfaits du baptême et de la communion. Le sang même a coulé dans des luttes intestines. Qui ne souhaiterait de voir mettre un terme à un pareil état de choses? Nous avons donc résolu de déclarer solennellement notre foi, à la face de tout l'univers. Nous proclamons que nous n'avons jamais eu et n'aurons jamais d'autre symbole et enseignement, d'autre foi ou définition de foi que le symbole des trois cent dix-huit pères de Nicée, confirmé depuis par les cent cinquante évêques du concile de Constantinople. Si quelqu'un pense autrement, nous le rejetons de notre communion. Le symbole de Nicée est à nos yeux le palladium de l'empire : nous n'en admettons aucun autre. C'est dans ce symbole seul que sont baptisés tous les peuples; c'est en vertu de ce symbole que les pères du concile d'Éphèse ont déposé l'impie Nestorius et ses partisans. Nous anathématisons, nous aussi, cet hérésiarque, de même que nous condamnons Eutychès. Leurs sentiments à tous deux étaient contraires à ceux des évêques de ces grands conciles. Nous admettons comme l'exposé véridique de la foi les douze Chapitres de saint Cyrille d'Alexandrie. Nous confessons que Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu, Fils unique de Dieu, vrai Dieu et vrai homme, con-substantiel au Père selon la divinité, consubstantiel à nous selon l'humanité, descendu du ciel sur la terre, incarné par l'opération du Saint-Esprit dans le sein de la vierge Marie mère de Dieu, est un seul Fils et non deux. C'est le même Fils de Dieu qui a fait des miracles et qui a souffert volontairement en sa chair. Nous ne recevons à notre communion ni ceux qui divisent ni ceux qui confondent les deux natures, pas plus que ceux qui n'admettent qu'une simple apparence d'incarnation. Les saintes églises de Dieu répandues par toute la terre, les pontifes qui les président, l'étendue de notre empire tout entier, ne reconnaissent pas d'autre symbole. Ralliez-vous donc dans l'expression de cette foi unanime. Notre présent édit n'apporte point d'innovation dans les croyances,
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il a seulement pour but de les réunir. Quiconque croit ou a cru soit maintenant, soit autrefois, à Chalcédoine, ou dans tout autre concile, une doctrine différente de celle que nous venons d'exposer, nous l'anathématisons, comme nous anathématisons Nestorius et Eutychès 1. » Tels sont les passages les plus importants de l'Hénotique.
24. Le génie d'Acacius qui l'inspira à l'empereur s'y retrouve tout entier. Confusion, incohérence, contradiction, abus de pouvoir, tels sont les traits qui frappent tout d'abord à la seule lecture de cet édit. L'empereur affirme que toutes les églises ne reconnaissent avec lui d'autre définition de foi que celle de Nicée. Il confond deux choses essentiellement distinctes. Sans doute le symbole de Nicée était alors comme aujourd'hui l'expression de la vérité catholique; mais il n'était pas l'expression unique de cette vérité, puisque des évêques de toutes les parties du monde réunis à Chalcédoine avaient formulé une définition de foi plus détaillée, plus étendue en certains points que celle de Nicée, et que tout l'univers catholique avait adopté la formule de Chalcédoine. L'empereur commence par protester qu'il veut s'en tenir exclusivement au symbole de Nicée, et quelques lignes plus loin il reconnaît encore pour expression de la foi la définition du concile d'Éphèse, les douze Chapitres ou Anathématismes de saint Cyrille. Il ne veut pas admettre le concile de Chalcédoine, et il dresse contre Eutychès une définition qui est en substance celle de Chalcédoine. L'incohérence et la contradiction peuvent-elles être plus flagrantes? Enfin dans ce prince qui signe des articles dogmatiques d'une main qu'il aurait beaucoup plus noblement employée à repousser les barbares de ses frontières, peut-on voir autre chose que l'usurpateur du pouvoir spirituel, le prédécesseur de toutes les têtes couronnées qui ont voulu étendre le sceptre de leur puissance temporelle jusque sur le domaine des consciences et de la foi ? Qu'était l'isaurien Zenon pour dire au monde: Voilà la vérité qu'il faut croire ; l'erreur qu'il faut repousser? (482.)
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1. Evagr., Hist. eccles., lib. 111, cap. ïiv ; Patr* grœc., t. I.XXXVI, col. 2019.
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25. Pendant qu'il jetait comme un aliment nouveau à l'esprit de discorde et de trouble ce prétendu édit d'union, Théodoric, roi des Ostrogoths, naguère son allié et son fils d'armes, tournait ses armes contre lui et venait l'assiéger dans Constantinople. A peine échappé à ce péril, l'empereur voyait sa couronne usurpée par deux prétendants: Marcien, fils d'Anthémius l'un des derniers empereurs d'Occident, et Léontius, commandant général des troupes de Thrace. L'impératrice Vérine, belle-mère de Zénon, prenait parti pour les prétendants contre son propre gendre ; elle publiait des proclamations où elle appelait les citoyens à la révolte, les invitant à détrôner celui qu'elle aurait dû regarder comme un fils. La trahison, plus que l'habileté ou le courage, vint au secours de Zénon qui finit par triompher de ses concurrents. Nous reviendrons plus loin sur ces révolutions politiques. Leur gravité ne détournait pas un instant le faible empereur de ses préoccupations religieuses. L'Hénotique publié dans toutes les villes de l'empire prit place au nombre des lois de l'État, L'ordre fut expédié à Alexandrie de bannir Jean Talaïa du siège patriarcal et de rétablir Pierre Monge. Celui-ci reparut donc, plein de ressentiments et de projets de vengeance. Les évêques et les prêtres orthodoxes de la province d'Egypte furent maltraités, ou chassés de leurs églises. Les noms des patriarches catholiques Proterius et Timothée Solofaciole furent effacés des diptyques : on y substitua ceux de Dioscore et de Timothée Élure. La fureur de Pierre Monge alla plus loin ; il fit déterrer le corps de Timothée Solofaciole enseveli suivant l'usage dans la grande église d'Alexandrie, et le fit jeter hors de la ville dans un lieu désert. Cependant cet hérétique avait envoyé des lettres synodales au pape Simplicius, et sollicitait de lui la confirmation de son autorité. Pendant que l'intrus, véritable mercenaire, dépouillait les brebis, chassait les pasteurs et ravageait le troupeau, Jean Talaïa, le patriarche légitime, en appela comme un autre Athanase au siège apostolique et se rendit à Rome. Il y trouva secours et protection. Le pape écrivit une lettre véhémente à Acacius, lui reprochant d'avoir malgré ses ordres poussé l'empereur au rétablissement de l'hérétique Pierre Monge et au bannissement de Jean
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Talaïa dont le mérite et l'innocence étaient notoires1. Acacius essaya de se justifier en disant que Talaïa n'était point à ses yeux un patriarche légitime. Il avait cru devoir admettre Pierre Monge à sa communion parce que celui-ci avait signé la profession de foi de l'Hénotique. Simplicius répondit alors que l'Hénotique n'avait aucune valeur; qu'on ne pouvait être orthodoxe en rejetant le concile œcuménique de Chalcédoine; qu'enfin Pierre Monge ayant été condamné comme hérétique par l'autorité du saint siège, il ne pouvait être relevé de cet anathème que par la même autorité2.
26. La négociation si compliquée des affaires d'Orient en était là quand Simplicius mourut, le 2 mars 483. La conduite de ce saint pontife, dans des circonstances difficiles, présente un heureux mélange de douceur, de condescendance et de fermeté. Il ne tint pas à lui qu'une paix durable ne succédât à tant de commotions et de troubles. Mais les prétentions toujours croissantes des évêques de Constantinople, la faiblesse de Zenon, l'ambition d'Acacius, ne permirent point au pape de recueillir les fruits de sa prudence et de son zèle. La fermeté avec laquelle il s'opposait aux entreprises des hérétiques d'Orient, se retrouve dans sa conduite à l'égard de quelques évêques occidentaux. Celui de Ravenne avait contraint par violence le moine Grégoire à accepter l'évêché de Modène. Le nouvel élu se plaignit au pape d'avoir été ordonné sans son consentement. Simplicius adressa à ce sujet les plus vives remontrances à l'évêque de Ravenne3. Il lui défendit de renouveler de pareilles ordinations à l'avenir, sous peine d'être privé de la juridiction métropolitaine sur les églises de sa province. Gaudentius, évêque d'Auffinium, avait aussi transgressé grièvement les lois canoniques en conférant l'ordination à des sujets indignes. Simplicius dépouilla de toutes fonctions ecclésiastiques ceux qui y avaient été illicitement promus, défendit à Gaudentius de conférer désormais l'ordination, et chargea de ce soin l'un des évêques les plus rapprochés d'Auffinium 4. Ces actes de sévérité et de vigueur apostolique ho-
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1 S. Simplic, Epist. xvni; Putr, lut., toni. LVHJ, col., 59. — 2 S. Simplic. Epist. xix; Patr. hit., tom. LV11I, col. 60. — 3 Id., Epist. H; ihid., col. 35. —4. Id., Epist. in ; ibid-, col. 37.
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norent le caractère du saint pontife. Ils attestent en même temps le respect et la soumission qu'on professait dès lors pour l'autorité spirituelle du siège romain. Quoique les siècles précédents nous en offrent déjà de nombreux exemples, il n'est pas inutile de signaler ceux que nous trouvons à chaque pas dans l'histoire, puisque malgré tant de faits constants, avérés, on rencontre encore des esprits qui se refusent à l'évidence et traitent d'usurpation la suprématie des pontifes de Rome. Simplicius, jaloux de maintenir dans l'Église l'action directe de la papauté comme source de tout pouvoir et de toute juridiction, nomma pour la première fois un primat d'Espagne dans la personne de Zénon, évêque de Séville 1. C'était une prérogative purement individuelle qui confiait à cet évêque le soin de faire observer les canons dans toute l'étendue de la péninsule, sous la direction des souverains pontifes. La primatie de l'église de Séville dura jusqu'à la célébration du concile de Tolède, vers 6S1. Cependant dès l'an 517 le pape Hormisdas donnait des pouvoirs à peu près semblables à Jean, évêque de Tarragone. Mais la prééminence de l'évêque de Tarragone ne fut que temporaire et le siège de Séville rentra bientôt dans la possession du privilège d'avoir pour évêques les vicaires ou légats du saint siège. Simplicius voulut que les aumônes des fidèles fussent divisées en quatre parts : la première pour l'évêque, la seconde pour le clergé, les deux autres pour l'administration de l'Église, les pèlerins et les pauvres. Cette ordonnance fut renouvelée depuis d'une manière positive par plusieurs autres papes, notamment par saint Gélase Ier et saint Grégoire le Grand.
27. Pendant que Simplicius mourait à Rome, le sang chrétien inondait les plaines de la Mésopotamie. On se souvient du fameux Barsumas, cet énergumène qui avait été au Latrocinium d'Éphèse l'instrument des cruautés et des vengeances de Dioscore. Après le concile de Chalcédoine, il s'était retiré avec ses moines dans la haute Syrie, prêchant non plus seulement les erreurs d'Eutychès
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1Simplic., Epist. i; Pair, lat., tom. LV1II, col. 35.
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mais celles de Nestorius et de Théodore de Mopsueste. Il se mit en relation avec Pérosès, roi de Perse, et lui persuada que dans l'intérêt bien entendu de sa politique il ferait sagement d'interdire à ses sujets chrétiens la profession du dogme catholique adopté par l'empire romain. Le prince goûta cet avis et donna plein pouvoir à Barsumas d'exterminer les catholiques. Le moine apostat recommença donc le métier de bourreau, dans lequel il s'était déjà tant de fois signalé. A la tête d'une armée, il se jeta sur Nisibe, égorgea le saint évêque Barsohed avec sept mille chrétiens. Après ce massacre, il monta sur le siège épiscopal qu'il venait de rendre vacant, se proclama métropolitain, et fit décréter dans un conciliabule le mariage des évêques et des prêtres. Joignant le premier la pratique au précepte, il se maria. Excommunié par Babo, primat de Séleucie, il obtint du roi de Perse la mort de ce courageux évêque. L:Arménie donna alors l'exemple d'une fidélité inébranlable au catholicisme. Sous la direction de l'évêque Jean Mantakoni, disciple des saints Sahag et Mesrob, elle résista pendant trois ans à toutes les armées du roi de Perse. Ce dernier fut contraint d'accorder à cette noble province le libre exercice de la religion catholique. Il fit détruire à ses frais tous les pyrées ou temples idolâtriques, et jura solennellement qu'à l'avenir aucune dignité ni fonction civile ne serait conférée à des Arméniens apostats. Vahan, prince d'origine chinoise mais depuis longtemps converti à la foi chrétienne, fut nommé gouverneur d'Arménie. Il inaugura son administration par une visite générale de la province, dans le but de renverser tous les édifices affectés au culte païen, et de relever les églises et les monastères détruits durant la persécution.