ALLOCUTION DE SON EMINENCE LE CARDINAL ROBERT SARAH
PREFET DE LA CONGREGATION POUR
LE CULTE DIVIN ET LA DISCIPLINE DES SACREMENTS
LORS DE LA CONFERENCE “SACRA LITURGIA 2016”
LONDRES, ANGLETERRE, 5 JUILLET 2016
“VERS UNE AUTHENTIQUE MISE EN ŒUVRE DE SACROSANCTUM CONCILIUM”
SALUTATIONS
Excellences, messieurs les abbés, mes révérends pères, chers frères et sœurs dans le Christ,
Je souhaite tout d’abord exprimer mes sincères remerciements à Son Eminence le Cardinal
Vincent Nichols pour son accueil dans l’archidiocèse de Westminster et pour ses aimables
mots de salutation. Je souhaite également remercier Son Excellence Mgr Dominique Rey,
évêque de Fréjus-Toulon, pour son invitation à être présent avec vous pour cette troisième
conférence internationale Sacra Liturgia, et à prononcer le discours d’ouverture ce soir.
Excellence, je vous félicite de cette initiative internationale pour promouvoir l’étude de
l’importance de la formation et de la célébration liturgique dans la vie et la mission de
l’Eglise.
Je suis très heureux d’être avec vous tous aujourd’hui. Je remercie chacun de vous pour votre
présence qui reflète votre haute considération pour ce que, encore le Cardinal, Joseph
Ratzinger appelait « la question de la liturgie » aujourd’hui, à l’orée du XXIe siècle. C’est un
grand signe d’espérance pour l’Eglise.
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INTRODUCTION
Dans son enseignement du 18 février 2014 au symposium célébrant le 50e
anniversaire de la
Constitution sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium du Concile Vatican II, le Pape
François faisait observer que célébrer les 50 années écoulées depuis la promulgation de la
Constitution devrait « nous [pousser] à relancer notre engagement à accueillir et à mettre en
œuvre de manière toujours plus complète [l’]enseignement [de Sacrosanctum Concilium]. »
(traduction : zenit.org) Le Saint-Père a ainsi poursuivi :
« Il est nécessaire d’unir notre volonté renouvelée d’avancer sur le chemin indiqué par
les Pères conciliaires, parce qu’il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à une
assimilation complète de la Constitution sur la Sainte Liturgie de la part des fidèles et
des communautés ecclésiales. Je veux parler en particulier d’un engagement en vue
d’une initiation et une formation liturgiques solides et équilibrées des fidèles laïcs
comme des prêtres et des personnes consacrées ». (traduction : zenit.org)
Le Saint-Père a raison. Nous avons beaucoup à faire pour réaliser la vision des Pères du
Concile Vatican II pour la vie liturgique de l’Eglise. Nous avons vraiment beaucoup à
faire si, aujourd’hui, après plus de cinquante ans de la fin du Concile Vatican II, nous
voulons parvenir à « une correcte et complète assimilation de la Constitution sur la Sainte
Liturgie ».
Dans cette intervention, je souhaite vous présenter quelques considérations sur la manière
dont l’Eglise occidentale pourrait avancer vers une mise en œuvre plus fidèle de
Sacrosanctum Concilium. Ce faisant, je me propose de poser quelques questions : «Quelle
était l’intention des Pères du Concile Vatican II lorsqu’ils envisageaient la réforme
liturgique ? » Ensuite, je souhaite examiner comment leurs intentions ont été mises en
œuvre à la suite du Concile. Enfin, j’aimerais vous proposer quelques suggestions pour la
vie liturgique de l’Eglise aujourd’hui, afin que notre pratique de la liturgie puisse refléter
plus fidèlement les intentions des Pères du Concile.
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A. QU’EST-CE QUE LA SAINTE LITURGIE ?
Avant toute chose, nous devons examiner une question préalable : « Qu’est ce que la
sainte liturgie ? » En effet, si nous ne comprenons pas la nature propre de la liturgie
catholique, ce en quoi elle se distingue des rites des autres communautés chrétiennes et
d’autres religions, nous ne pouvons pas espérer comprendre la Constitution sur la Sainte
Liturgie du Concile Vatican II, ni avancer fidèlement vers sa plus parfaite mise en
application.
Dans le Motu proprio : Tra le sollecitudini du 22 novembre 1903, le Pape Saint Pie X
enseignait que « les saints mystères » et « la prière publique et solennelle de l’Eglise »,
c’est-à-dire la sainte liturgie, sont la « principale et indispensable source » pour acquérir
« le vrai esprit chrétien ». Par conséquent, saint Pie X appelait à une réelle et fructueuse
participation de tous dans les rites liturgiques de l’Eglise. Comme chacun le sait, cet
enseignement et cette exhortation ont été repris dans l’article 14 de Sacrosanctum
Concilium.
Le Pape Pie XI, vingt-cinq ans plus tard, s’était clairement prononcé sur le même sujet, dans
la Constitution apostolique Divini Cultus du 20 décembre 1928, enseignant que « la liturgie
est, en effet, chose sacrée. Par elle, nous nous élevons jusqu’à Dieu et nous nous unissons à
lui, nous professons notre foi, nous remplissons envers lui le très grave devoir de la
reconnaissance pour les bienfaits et les secours qu’il nous accorde et dont nous avons un
perpétuel besoin ».
Le Vénérable Pie XII consacra la Lettre encyclique Mediator Dei du 20 novembre 1947 à la
sainte liturgie. Dans celle-ci, il enseignait que :
« La Sainte Liturgie est [...] le culte public que notre Rédempteur rend au Père comme Chef de l’Église ; c’est aussi le culte rendu par la société des fidèles à son chef et, par lui, au Père éternel : c’est, en un mot, le culte intégral du Corps mystique de Jésus- Christ, c’est-à-dire du Chef et de ses membres » (n. 20).
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Le Pape fit valoir que « la nature et l’objet de la sainte liturgie » est qu’« elle vise à unir nos âmes au Christ et à les sanctifier dans le divin Rédempteur afin que le Christ fût honoré et, par lui et en lui, la très sainte Trinité. » (N. 171)
Le Concile Vatican II enseigne qu’au travers de la liturgie « l’œuvre de notre rédemption est accomplie » (Sacrosanctum Concilium, 2) et que : « la liturgie est considérée comme l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ, exercice dans lequel la sanctification de l’homme est signifiée par des signes sensibles, est réalisée d’une manière propre à chacun d’eux, et dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus Christ, c’est-à-dire par le Chef et par ses membres.
Par conséquent, toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église, est l’action sacrée par excellence dont nulle autre action de l’Église ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré » (n. 7).
A la suite de ces assertions, Sacrosanctum Concilium enseigne que : « la liturgie ... est le sommet auquel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu. Car les labeurs apostoliques visent à ce que tous, devenus enfants de Dieu par la foi et le baptême, se rassemblent, louent Dieu au milieu de l’Église, participent au sacrifice et mangent la Cène du Seigneur » (n. 10).
Il serait possible de poursuivre cette exposé du magistère sur la nature de la sainte liturgie en le complétant avec l’apport des Papes post-conciliaires et du Catéchisme de l’Eglise catholique. Mais pour l’heure, tenons-nous en au Concile Vatican II. A mon sens, l’enseignement de l’Eglise est très clair : la liturgie catholique est le lieu privilégié et singulier de l’action salvifique de Dieu dans le monde, aujourd’hui. Et elle le fait à travers une participation réelle par laquelle nous recevons la grâce et la force qui nous sont si nécessaires pour persévérer et croître dans la vie chrétienne. C’est un lieu d’institution divine où nous venons accomplir l’offrande du sacrifice dû à Dieu, le seul véritable sacrifice. C’est l’endroit où nous prenons conscience de notre profond besoin d’adorer le Dieu tout-puissant.
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Address to Sacra Liturgia UK - London - 5 July 2016 - French - Final Text.pdf
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