LETTRE XIX (1)

LETTRE XIX (1)

 

Saint Augustin envoie ses livres à Gaïus que par ses entretiens il avait attiré à l'Eglise, et l'exhorte à persévérer dans ses bonnes résolutions.

 

AUGUSTIN A GAÏUS.

 

   Je ne saurais vous dire combien de douceur j'ai déjà éprouvée et combien j'en éprouve encore, en pensant à vous, depuis que je vous ai quitté. Je me rappelle cette modestie que ni le feu de la discussion, ni votre ardeur si admirable à rechercher la vérité, ne pouvaient altérer. Il serait bien difficile de trouver quelqu'un de plus vif pour interroger, et de plus calme pour écouter. C'est pourquoi je voudrais m'entretenir fréquemment avec vous, et quelque fréquents que fussent ces entretiens, ils ne le seraient jamais trop, car je ne saurais assez conférer avec vous. Mais cela est difficile, et il n'est pas besoin d'en chercher les motifs. La difficulté est grande, je le répète. Peut‑être un jour cela sera‑t‑il plus aisé. Dieu le veuille! mais aujourdhui il en est autrement. J'ai chargé le frère qui vous porte cette lettre, de vous remettre tous mes ouvrages, pour que vous les lisiez avec cette sagesse et celle charité que je vous connais. Vous accueillerez, je l'espère, avec plaisir ce qui vient de moi, car je sais toute la bienveillance que avez pour moi au fond de votre cœur. Si après avoir lu mes ouvrages et reconnu la vérité de ce qu'i1s contiennent vous les jugez digues de votre approbation, ne regardez pas ce que vous y trouverez de bon comme venant de moi, mais comme m'ayant été donné, et tournez‑vous vers celui qui vous a donné à vous‑même ce qu'il faut pour reconnaître et approuver la

vérité. Ce n'est pas dans un livre ni dans l'auteur qui l'a écrit que le lecteur voit ce qui est vrai, mais plutôt en lui-même si quelque rayon de l'éternelle lumière de la vérité, brillant et dégagé des sens grossiers du corps, a pénétré dans son esprit. Que si, au contraire, vous trou­vez dans mes livres quelque chose de faux et que vous ne puissiez approuver, attribuez‑le à ces nuages qui couvrent l'intelligence humaine, et regardez‑le comme venant véritablement de moi. Je vous exhorterais bien à chercher encore la vérité, si je ne voyais pas en quelque sorte votre cœur s'ouvrir pour la recevoir et la

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(1) Ecrite l'an 390. ‑ Cette lettre était la 84e dans les éditions anatérieures à l'édition des Bénédictins, et celle qui était la 19e se trouve maintenant la 82e.

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p282 LETTRE VINGTIÈME.

 

chercher de lui‑même. Je vous exhorterais aussi à vous en tenir fermement à ce que vous avez reconnu comme vrai, si vous ne portiez en vous la preuve évidente d'un esprit rempli de force et de sagesse. Car le peu de temps que j'ai passé près de vous m'a permis, comme si le voile qui enveloppe votre corps s'était écarté, de pénétrer jusqu'au fond de vous‑même. La providence miséricordieuse de Notre Seigneur ne souffrira pas qu'un homme aussi bon que vous et doué d'aussi brillantes qualités, demeure séparé du troupeau catholique de Jésus-Christ.

 

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon