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---------- Nous touchons ici le point véritablement critique de la modernité: l'idée de vérité a été dans les faits éliminée et remplacée par celle de progrès. ------ Mais dans cette exaltation apparente, ce progrès se retrouve dépourvu de toute direction, de tout sens, et se vide de lui‑même.
------ La théorie de la relativité formulée par Einstein concerne en tant que telle le monde physique. Il me semble toutefois qu'elle peut aussi bien décrire de façon adéquate la situation du monde spirituel de notre temps. La théorie de la relativité affirme qu'il n'y a à l'intérieur de l'univers aucun système fixe de référence. ----
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-------- Ce que l'on vient de dire à propos du monde physique reflète également la seconde «révolution copernicienne » qui s'est produite dans notre attitude fondamentale vis‑à‑vis de la réalité: la vérité en tant que telle, l'absolu, le véritable point de référence de la pensée, n'est plus visible.
Par conséquent, sur le plan spirituel également, il n'y a plus un haut et un bas. Dans un monde sans point de référence fixe, il n'y a plus de direction, de sens.
---------- Dans un tel contexte “relativiste--------- Chacun détermine de lui‑même ses propres critères et, dans l'universelle relativité, personne ne peut aider personne dans ce domaine et moins encore lui prescrire quoi que ce soit.
-------- On peut trouver un parallèle adéquat dans l'histoire de la pensée, me semble‑t‑il, dans la dispute qui oppose Socrate‑Platon aux sophistes. On y
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trouve le choix crucial entre deux attitudes fondamentales: d'un côté, la confiance dans la possibilité pour l'homme de connaître la vérité, de l'autre, une vision du monde où l'homme se crée lui‑même ses critères de vie96.
Le fait que Socrate, un païen, ait pu devenir en un certain sens le prophète de Jésus Christ trouve à mon sens sa justification justement sur ce point fondamental.
Cela suppose que la manière de philosopher qui s'en inspire a obtenu pour ainsi dire un privilège historique de salut et qu'elle a revêtu une forme adéquate pour le logos chrétien dans la mesure où il s'agit d'une libération par la vérité et pour la vérité.
------ Aujourd'hui, très souvent, on ne se demande plus ce qu'un homme pense. On porte déjà un jugement sur sa pensée dans la mesure où on peut le cataloguer sous une étiquette de pure forme : conservateur, réactionnaire, fondamenta-
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liste, progressiste, révolutionnaire.
------- On peut saisir le même phénomène, de manière encore plus nette, dans l'art: ce qu'une oeuvre d'art exprime est parfaitement indifférent; qu'elle exalte Dieu ou le diable, le seul critère qui compte est en fait son exécution technique et formelle.
Nous avons atteint ainsi le point véritablement brûlant du problème: quand les contenus ne comptent plus, quand c'est une pure et simple praxologie qui domine, la technique devient le critère suprême.
Mais cela signifie que le pouvoir devient la catégorie qui domine toute chose, qu'il soit révolutionnaire ou réactionnaire. Il s'agit là précisément de la forme perverse de la ressemblance avec Dieu dont parle le récit du péché original; la voie consistant en une capacité uniquement technique, la voie du pouvoir à l'état pur, est la contrefaçon propre à une idole, et non la réalisation de la ressemblance avec Dieu.
Ce qui est spécifique de l'homme en tant qu'homme consiste en sa capacité à s'interroger non sur le « pouvoir» mais sur le « devoir », à s'ouvrir à la voix de la vérité et à ses exigences.
Tel fut, à mon avis, le contenu ultime de la recherche socratique, et tel est aussi le sens le plus profond du témoignage de tous les martyrs: ils attestent la capacité de vérité de l'homme en tant que limite de tout pouvoir et garantie de sa ressemblance divine.
C'est précisément en ce sens que les martyrs sont les grands témoins de la conscience, de la capacité accordée à l'homme de
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percevoir, outre le pouvoir, le devoir, et d'ouvrir ainsi la voie vers le progrès véritable, vers la véritable ascension.