La foi chrétienne hier et aujourd’hui 122

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   Si donc nous disons que l'immortalié de l'homme est fondée sur le dialogue avec Dieu, dont l'amour seul peut assurer l'éternité, nous ne prétendons pas à une destinée spéciale réservée aux gens pieux, nous voulons seulement faire ressortir ce qui fait l'immortalité essentielle de l'homme en tant qu'homme.

 

D'après nos dernières réflexions, il est très possible de développer la même idée à partir du schéma : corps‑âme, dont l'importance, et peut‑être même la nécessité, consiste en ce qu'il met en relief le caractère essentiel de l'immortalité de l'homme.

 

Mais il doit malgré tout être replacé continuellement dans l'optique biblique et être corrigé à partir d'elle, pour rester au service de cette perspective que la foi a ouverte sur l'avenir de l'homme.

 

Par ailleurs, l'on peut constater une nouvelle fois ici qu'en dernière analyse il n'est pas possible de faire de séparation nette entre «naturel » et « surnaturel » : le dialogue fondamental qui constitue l'homme en tant qu'homme, passe sans

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p258 L'ESPRIT ET L'ÉGLISE

 

interruption au dialogue de la grâce qui a nom Jésus‑Christ.

 

Comment pourrait‑il en être autrement, si le Christ est véritablement le « second Adam », le véritable accomplissement de cette nostalgie infinie qui s'élève du premier Adam, de l'homme en un mot?

 

e) La question du corps ressuscité

 

   Nous ne sommes pas encore au bout de nos questions. Y a‑t‑il dans ce cas un corps ressuscité, ou bien le tout se réduit‑il à une simple façon d'exprimer l'immortalité de la personne ? Voilà le problème qu'il nous reste encore à examiner.

 

Ce n'est pas un problème nouveau; Paul déjà était assailli par les Corinthiens avec de telles questions, comme en témoigne le chapitre 15 de la première aux Corinthiens; l'Apôtre essaye d'y répondre dans la mesure où cela est possible dans ce domaine qui se situe au‑delà de notre imagination et de notre expérience.

 

Beaucoup d'images parmi celles dont Paul se sert, nous sont devenues étrangères; mais sa réponse globale demeure encore toujours ce qui a été dit de plus profond, de plus audacieux et de plus convaincant à ce sujet.

 

   Partons du verset 50, qui me paraît être une sorte de clé pour l'ensemble: « Je l'affirme, frères, la chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l'incorruptibilité ».

 

Il me semble que cette phrase occupe dans notre texte la même place que le verset 63 dans le chapitre 6, le chapitre eucharistique dc l'évangile de Jean. Du reste, ces deux textes apparemment si différents sont en fait plus apparentés qu'il ne paraît au premier abord.

 

Jean, après avoir souligné très fortement la présence réelle de la chair et du sang de Jésus dans l'Eucharistie, dit: “ C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien ». Dans le texte johannique comme dans le texte paulinien, il s'agit de développer le réalisme chrétien de la “chair ».

 

Jean fait ressortir le réalisme des sacrements, c'est‑à‑dire le réalisme de la résurrection de Jésus et de sa “chair » qui, grâce à la résurrection, nous est donnée. Chez Paul, il s'agit du réalisme de la résurrection de la “chair », de la résurrection des chrétiens et du salut qui s'y réalise pour nous.

 

Mais dans les deux chapitres, se trouve posé également un contre‑point très net qui, en face d'un réalisme purement terrestre et quasi‑physique, présente le réalisme chrétien comme un réalisme au‑delà de la physique, comme réalisme de l'Esprit‑Saint.

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p259 « LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR »

 

   Notre expression “chair », ne peut ici rendre toutes les nuances du grec biblique. Ainsi, le mot soma désigne le corps, mais également le sujet personnel.

 

Et ce soma peut être sarx, c'est‑à‑dire le corps dans sa condition terrestre, historique, soumis aux lois physico‑chimiques; mais il peut être aussi pneuma ‑ ce qu'il faudrait traduire alors par “esprit” d'après les lexiques; en réalité cela veut dire: le sujet personnel qui apparaît maintenant dans un corps tangible et soumis aux lois physico‑chimiques peut apparaître à nouveau, définitivement, dans un mode d'être trans‑physique.

 

Dans le langage de Paul, «corp” et “esprit” ne s'opposent pas; ce qui s'oppose, ce sont d'une part “le corps de chair », et d'autre part le “corps selon l'esprit”.

 

Nous ne chercherons pas à élucider les problèmes compliqués d'histoire et de philosophie, ainsi soulevés. Une chose cependant paraît Claire: aussi bien Jean (6, 53) que Paul (I Co 15, 50) montrent à l'évidence que la “résurrection de la chair” est la résurrection des hommes et non pas seulement une résurrection des corps.

 

Ainsi la conception paulinienne, considérée du point de vue moderne, apparaît bien moins naïve que la spéculation théologique postérieure, avec ses discussions subtiles sur la possibilité de corps éternels.

 

Paul, répétons‑le encore une fois, n'enseigne pas la résurrection des corps, mais celle des personnes, et cela non pas par une reconstitution des “corps de chair”, c'est‑à‑dire des composés biologiques, ce qu'il déclare expressément impossible (“ce qui est corruptible ne peut devenir incorruptible”), mais selon un mode nouveau de vie ressuscitée, tel qu'il est préfiguré en Notre Seigneur.

© Robert Hivon 2014     twitter: @hivonphilo     skype: robert.hivon  Facebook et Google+: Robert Hivon