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9. « A cette époque, on achevait la basilique des Apôtres qu'il faisait édifier à Constantinople. Ce temple était d'une hauteur prodigieuse. Depuis le pavé tout en mosaïque jusqu'à la voûte, Constantin le fit entièrement décorer de marbres et de pierres précieuses. La voûte elle-même fut revêtue de lames d'or imbriquées. Cette ornementation d'une richesse inouïe se répéta à la surface extérieure du toit. En guise de tuiles, l'empereur fit mettre de l'or. Rien ne saurait donner l'idée de l'effet produit par le spectacle de cette magnifique décoration, lorsqu'on la voit étinceler dans les airs, sous les rayons du soleil. Autour de la basilique, règne une vaste plate-forme, à ciel ouvert, entourée d'une colonnade et de portiques. Là furent disposés les baptistères, les diaconies et toutes les constructions nécessaires à l'habitation des ministres du culte. Constantin, en élevant ce merveilleux édifice, voulait laisser à la postérité un monument de sa piété envers les saints apôtres. Mais, en dehors de ce but principal, il en avait un autre qu'on n'avail pas deviné jusque-là, et qui ne tarda pas à se manifester à tous. Dans sa pensée, il avait choisi ce lieu pour celui de sa sépulture. C'était pour lui une consolation extrême de savoir que son corps reposerait sous la protection des apôtres, et que, mort, il aurait part aux prières qu'on viendrait adresser à ces bienheureux dans leur basilique. Il fit donc sculpter douze tombeaux entourés de superbes colonnes, pour y déposer les reliques de chacun des membres du collège apostolique. Au milieu, il flt dresser un sépulcre vide. Ce devait être le sien. Quand tout fut ainsi disposé, on procéda à la dédicace du monument. L'empereur comptait, pour le salut de son âme, sur l'intercession des bienheureux apôtres. Ses vœux furent ratifiés au ciel, et Dieu les exauça trop tôt pour le bonheur du monde. Constantin suivit tous les exercices
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1. Euseb., Vit. Constant., lib. IV, cap. lvi, vru.
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de la semaine sainte et célébra avec allégresse la solennité pascale. C'était le terme de sa vie active. Le Dieu qui avait dirigé toutes ses actions allait l'appeler à son éternité bienheureuse1.»
10. « Au début de sa maladie, Constantin put cependant encore conserver quelque espoir. Les variations étaient brusques et passaient d’une extrémité à l’autre; mais bientôt ses souffrances prirent un caractère chronique. Il eut d’abord recours aux bains chauds de Constantinople ; puis il se fit transporter a Helenopolis, l’ancienne Constance, en Cilicie, dont les eaux étaient en réputation. Il n’en éprouva aucun soulagement. D’ailleurs ses espérances n’étaient plus de la terre ; il avait compris que sa fin était proche. Dès lors il ne songea qu'à se préparer à la mort ; il croyait d'une foi ferme que, par la vertu des paroles secrètes et du sacrement salutaire, toutes les fautes que l'humaine faiblesse avait pu lui faire commettre seraient effacées devant Dieu. Dans cette pensée, il vint s'agenouiller dans la basilique d'Hélénopolis, dédiée au martyr saint Lucien. Là il demanda pardon au Seigneur; il confessa ses péchés, et, après cet humble aveu, reçut l'imposition des mains du ministre de Jésus-Christ. Ce fut alors qu'il revint à Nicomédie 2. » —Tout ce récit d'Eusèbe que nous avons fidèlement reproduit, ne semble guère se prêter à l'hypothèse d'un baptême in extremis. C'est pourtant à cet endroit de la narration de l'évêque de Césarée que se trouve intercalé le fameux épisode du baptême de Nicomédie, dont nous croyons avoir suffisamment démontré l'invraisemblance, l'impossibilité et la très-réelle supposition posthume. Il serait, je pense, inutile de revenir sur ce point. La villa impériale, voisine de Nicomédie, où l'empereur vint mourir, se nommait Achyron. Aucun de ses fils n'était à ses côtés, à cette heure suprême. Dès l'an 333, Constantin avait voulu présider de son vivant au partage de l'empire; il croyait ainsi épargner au monde les secousses et les tiraillements que des rivalités posthumes pouvaient faire naître entre ses héritiers, quand il ne serait plus là pour imposer à chacun sa volonté toute-puissante. Ce calcul fut déjoué par les événements; tant il
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1. Eusèb. Vit. Constant., lili. IV, cap. LX. — * Id., ibid., cap. iSi-
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est vrai que les grandeurs d'ici-bas, le prestige de la gloire, l'autorité des héros, ne sont qu'une vaine fumée ! Quoi qu’il en soit, dans cette première répartition entre vifs, Constantin le Jeune avait reçu en apanage les Gaules, l'Espagne et les îles Britanniques; il était allé établir sa résidence à Trêves, où nous l'avons vu offrir une si généreuse hospitalité à l'illustre proscrit saint Athanase. Constance, le second fils, eut l'Asie, la Syrie et l'Egypte. Le siège de son gouvernement fut Alexandrie. Dans ce foyer de l'arianisme, le jeune César contracta avec l'hérésie nouvelle cette alliance intime qui devait plus tard causer tant de maux à l'Église. Le troisième et dernier fils, Constant, avait été envoyé à Mediolanum (Milan), la nouvelle capitale politique de l'Occident, depuis que Rome était devenue exclusivement la métropole religieuse de tout l'univers. Constant régnait sur l'Italie, l'Illyrie et l'Egypte. En dehors de ces trois grandes divisions de territoires, Constantin meilleur parent que ne le disait plus tard Julien l'Apostat, avait ménagé pour deux de ses neveux, Delmace et Annibalien, des vice-royautés qui relevaient l'une de l'empire d’Occident, l'autre de celui d'Orient. Delmace avait été investi de la prémière, comprenant la Thrace, la Macédoine et l'Achaïe ; Annibaiien avait reçu la séconde, composée de l'Arménie, du Pont, de la Cappadoce, et avait fixé sa résidence à Lybissa (Gebseh), où le pèlerin de l’ltinerarium Burdigalense le saluait en passant. On pourrait, avec quelque raison, trouver étranges ces dispositions suprêmes de Constantin le Grand. Plus que personne, il avait vu de près les inconvénients d'une souveraineté partagée. Dans son enfance et sa première jeunesse, jouet des passions hostiles de Galerius et des fantaisies despotiques de Dioclélien, il aurait dû sentir la profonde justesse de l'axiome d'Homère : Eïs xoîpanos esto. Au point de vue des sujets, mieux vaut un seul maître, fût-il exigeant et dur, parce qu'un homme n'a que des caprices restreints, tandis que plusieurs hommes en peuvent avoir à l'infini. Au point de vue des dynasties, une succession partagée équivaut d'ordinaire à un signal d'égorgements. Constance-Chlore avait parfaitement compris ces maximes gouvernementales. En laissant la couronne à
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son fils aîné, à l'exclusion de tous les autres, il rendit au monde un service éminent. Pourquoi Constantin, qui avait bénéficié personnellement de la disposition paternelle, ne la rendit-il point ? Il serait fort difficile de le conjecturer à distance. C’est seulement qu'il avait un penchant de prédilection pour le moins digne de ses trois fils, et que toute sa tendresse était pour Constance. En confiant son testament au prêtre arien que sa sœur lui avait recommandé, Constantin lui fit jurer, sous la foi du serment, qu'il ne le remettrait qu'entre les mains de Constance. Lamentable aveuglement des plus grands hommes ! Constance n'avait aucune des qualités qu'on peut désirer dans les princes. Intelligence étroite, caractère faible avec de singuliers instincts pour la cruauté, tempérament flasque et mou, il n'avait que des prétentions sans mérite. Ainsi il se croyait un grand capitaine, parce qu'il tirait passablement de l'arc, et qu'il savait monter à cheval ; il affectait d'avoir une volonté ferme et indépendante, mais le premier venu de ses favoris exerçait l'autorité absolue dans tout l'empire, avec la simple précaution de dire toujours: L'auguste empereur l'ordonne. Constant, son plus jeune frère, avait de la noblesse et de la distinction dans l'esprit et le cœur ; mais il manifestait déjà des goûts de frivolité et de plaisirs qui pouvaient avec l'âge et la puissance devenir désastreux. Seul de ces trois princes, l'aîné, Constantin, dit le Jeune, était vraiment digne de son père ; il en avait la valeur et la bonté, la magnanimité et l'esprit de rectitude, l'amour du travail et les généreuses aspirations. Peut-être quelque ambition se joignait-elle à ces heureuses qualités. Mais il entrait à peine dans sa vingtième année, et l'on pardonne volontiers un peu d'ambition à cet âge. Quoi qu'il en soit, Constantin le Grand par son acte testamentaire maintenait toutes les dispositions qu'il avait prises de son vivant en faveur de ses fils et de ses neveux, rien ne devait être changé après qu'il aurait disparu de la scène politique. Dans la réalité, rien de ce qu'il avait réglé si soigneusement ne fut maintenu.
11. Après qu'il eut jeté ce dernier regard du mourant sur le monde qu'il allait quitter, Constantin songea une dernière fois, dit
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Eusèbe, « à la royale ville de Rome. Il dicta des ordres pour que des distributions annuelles de vivres y fussent faites en son nom 1.» Ce legs du héros était sans doute un dernier hommage rendu aux pontifes qu'il avait jadis constitués « les juges rois » de l'univers. Tous ses moments, reprend Eusèbe, furent alors consacrés à la religion. Les tribuns, les officiers qui l'approchaient ne pouvaient retenir leurs larmes. Ils eussent voulu prolonger, aux dépens de la leur, une vie si chère. Ils se considéraient déjà comme des orphelins. Le prince leur disait en souriant : Ne m'enviez pas mon bonheur. Je vous quitte, mais je vais à Dieu. Or on était au dernier jour des solennités de la Pentecôte. A l'heure de midi, Constantin émigra vers le Seigneur, laissant en ce monde mortel sa mortelle dépouille, remettant à Dieu son âme, cette âme si intelligente et si noble, qui avait tant aimé Dieu ! Tous les assislants se prosternèrent, déchirant leurs vêtements et se frappant la tête contre le sol. Le palais retentit de lamentalions, de plaintes et de lugubres clameurs. Ce n'était pas un maître, un souverain, un empereur, c'était un père que l'on pleurait. Les gardes et les centurions qui se tenaient aux portes, criaient qu'ils venaient de perdre leur sauveur, leur soutien, leur unique espérance. L'armée entière ressemblait à un troupeau sans pasteur. La population de Constantinople se répandit dans les rues, en poussant des hurlements de désespoir. On voyait, dans la foule, des visages effarés qu'on eût dit frappés de la foudre. Le malheur public prenait pour chacun le caractère d'un deuil particulier. Il semblait que la mort du prince eût tari pour tous les sources de la vie. Le corps de l'empereur fut déposé dans un cercueil d'or massif; on le recouvrit de pourpre; les soldats voulurent le porter sur leurs épaules jusqu'à Constantinople. Là il fut déposé dans la grande salle du palais. Des candélabres d'or, disposés autour du catafalque, brûlaient jour et nuit. La multitude entourait cet appareil funèbre et ne voulait pas s'en détacher. Les officiers, comtes, juges et magistrats, continuaient à venir chaque jour, à l'heure autrefois marquée pour leurs audiences.
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1.Euseb., Vit. Constant., lib. IV <-»p. lxih.
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14. Le testament de Constantin fut remis, selon ses ordres, entre les mains de Constance. Mais l'armée, le sénat et le peuple, dans une acclamation unanime, déclarèrent qu'ils ne voulaient obéir à d'autres souverains qu'aux descendants directs du héros. C'était exclure Delmace et Annibalien, pour lesquels le défunt empereur avait réservé une royauté indépendante. Sans respect pour cet acte suprême d'impériale volonté, les deux jeunes princes furent dépouillés de leur part d'héritage. L'émotion populaire alla plus loin encore : Delmace et Annibalien furent massacrés. La proscription s'étendit jusque sur Julius Constantius, frère de Constantin. Le patrice Optât, le consul Ablavius, furent immolés à ces féroces vengeances. Les bourreaux recherchèrent en vain, pour leur faire subir le même sort, deux enfants de Julius Constantius. L'un
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1 L'Eglise et l'Empire romain au iv« siècle, tom. Il, pag. 376 et suit.
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s'appelait Gallus, du nom de Galla sa mère ; l'autre issu d'un second lit avait pour mère Basilina, parente d'Eusèbe de Nicomédie. Il se nommait Julien; la postérité devait plus tard adjoindre à ce vocable l'épithète méritée d'Apostat. Gallus et Julien, âgés l'un de douze et l'autre de six ans, furent sauvés par le dévouement de Marc, évêque d'Aréthuse. Le prélat les fit sortir du palais en les dissimulant sous son manteau ; il les cacha durant quelques jours sous l'autel même d'une basilique. Nous verrons comment Julien, nouveau Joas, se montra reconnaissant. Ces tragiques événements, s'ils ne furent point ordonnés par Constance, ne furent pas du moins empêchés par lui. Le sang qui inaugurait son règne ne lui faisait pas peur. Deux ans après, Constantin II, dit le Jeune, tombait sous le poignard fratricide (340), de sorte que l'empire se réduisit à deux grandes divisions : l'Occident gouverné par Constant, l'Orient où régna Constance. Le crime, la honte, le déshonneur prenaient possession de l'héritage de Constantin le Grand,
II. les Eusébiens,
15. Constantin le Jeune avait eu le temps, pendant son règne de rétablir les évêques orthodoxes chassés de leurs sièges par les Ariens. Saint Athanase revint donc à Alexandrie (338), où il fut reçu aux acclamations de tout son peuple et avec une pompe digne d'un empereur. Asclépas de Gaza, Marcel d'Ancyre et Paul de Constantinople reprirent également possession de leurs églises. Ces actes de justice de Constantin le Jeune font regretter sa fin prématurée. Constance, qui prenait en main le gouvernement de l'Orient agité par les dissensions des Ariens avait tous les défauts de son père sans aucune de ses qualités. Caractère faible, indécis, toujours flottant, conduite sans unité, sans consistance, pleine de contradictions, il régna par ses favoris. On disait de lui : « Il faut avouer que l'empereur a beaucoup de crédit auprès d'Eusèbe, chef des eunuques. » Cet eunuque Eusèbe avait été tout d'abord gagné à l'Arianisme par Eusèbe de Nicomédie. L'impératrice partageait ses opinions, et le prêtre arien, que
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Constantin Ier avait admis à ses bonnes grâces sur la recommandation de Constantia, sa sœur, et auquel il avait confié depuis son propre testament, devint tout-puissant à la nouvelle cour de Constance. Il n'est pas difficile de prévoir le parti que sut tirer Eusèbe de Nicomédie de conjonctures aussi favorables à son parti. La mort frappait autour de lui les têtes les plus chères et venait, dans la même année, d'enlever à ses côtés son homonyme Eusèbe de Césarée, cet autre lui-même, plus courtisan qu'évêque, plus érudit que profond, plus rhéteur que théologien, toujours plus favorable à l'erreur qu'à la vérité. Cet exemple ne fit aucune impression sur l'évêque de Nicomédie ; les ambitieux, tant qu'il leur reste des honneurs à conquérir, se croient immortels. Il fit assembler une réunion synodale à Constantinople. Sur des accusations calomnieuses, on déposa le saint patriarche Paul, qui prit de nouveau le chemin de l'exil; et cette fois Eusèbe vit couronner ses intrigues d'un succès complet; il s'assit enfin de sa propre autorité sur le siège de Constantinople, qu'il rêvait depuis tant d'années.
16. Sa haine contre saint Athanase ne fit que s'accroître, avec les moyens de la satisfaire. Un prêtre arien, nommé Pistus, de vie et de moeurs décriées, fut sacré évêque par Secuudus de Ptolémaïs, déposé lui-même par le concile de Nicée. Pistus fut envoyé avec le titre de patriarche à Alexandrie, pendant que saint Athanase, accueilli comme un père par tous les catholiques, rentrait en possession de son autorité légitime. Eusèbe de Nicomédie faisait partir en même temps pour Rome une députation chargée de remettre au pape des lettres d'accusatiou contre saint Athanase, et de recommandation en faveur de Pistus, le patriarche intrus. — Pour répondre à ces calomnies, saint Athanase réunit à Alexandrie un concile d'environ cent évêques de d'Egypte, de la Thébaïde, de la Lybie et de la Pentapole. On y lut toutes les pièces des procédures précédemment entamées contre le saint patriarche. On y fit ressortir toutes les calomnies, les nullités, les irrégularités dont elles éaient remplies. Les évêques adressèrent ensuite une lettre synodale au pape saint Jules et à toutes les églises du monde, pour
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protester contre tout ce que les ennemis de saint Athanase avaient dit ou fait contre lui. Les députés porteurs de ces pièces justificatives, arrivèrent à Rome en même temps que ceux d'Ensébe de Nicomédie. Ils n'eurent pas de peine à réduire les calemniateurs au silence. Les Eusébiens ne se tinrent pas pour battus. Un concile arien s'assembla à Antioche, sous les yeux mêmes de Constance, à l'occasion de la dédicace de la basilique de cette ville (341). Après ]a rédaction trois fois annulée d'une profession de foi, on convint d'une quatrième formule où ne se trouvait pas le mot de consubstantiel, si redouté de l'Arianisme. On procéda ensuite à la déposition de saint Athanase, sans attendre la réponse de Rome, et on lui donna pour successeur, non plus Pistus qu'on abandonnait à cause de sa mauvaise réputation, mais Grégoire de Cappadoce, qui fut sacré en qualité de patriarche d'Alexandrie et envoyé, avec une escorte de soldats fournie par Constance, prendre à main armée possession de son siège. Les canons de discipline furent mis en conformité avec ces actes iniques. « Si un évêque, disent-ils, a été condamné une fois par un concile, il ne pourra plus être jugé par d'autres, et la sentence sortira son effet. — Que s'il continue de troubler l'Eglise, il sera réprimé par la puissance extérieure comme séditieux. » — C'était en appeler, contre saint Athanase, au bras séculier qui se nommait alors Constance, et rejeter l'intervention du pape. On déposa ensuite Marcel d'Ancyre et Asclépas de Gaza; ainsi les Eusébiens purent s'applaudir de leur triomphe.
17. Cependant Grégoire de Cappadoce était arrivé à Alexandrie appuyé de l'autorité et des forces militaires de l'apostat Philagrius, patriarche que Constance, à la sollicitation des Eusébiens, venait de nommer pour la seconde fois préfet d'Egypte, avec la mission de chasser à tout prix saint Athanase. L'église fut emportée d'assaut; les vierges consacrées à Dieu furent dépouillées et indignement outragées; les religieux qui demeuraient fidèles à leur patriarche légitime maltraités et quelques-uns mis à mort; les vases sacrés livrés au pillage. Grégoire prit de la sorte possession du siége où l’élevaient les armes de Constance et l'abus de pouvoir des Eusébiens. Saint
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Athanase proscrit vit sa tête mise à prix par l'ordre du gouverneur; tous ceux qui lui étaient dévoués furent jetés dans les prisons publiques, et lui-même se réfugia dans les monastères voisins d'Alexandrie. L'intrus Grégoire entreprit, avec une escorte de soldats, la visite de la province. La plupart des évêques se refusaient à reconnaître un métropolitain imposé de force, à l'élection duquel ils n'avaient point été appelés. On ne leur répondit qu'en les chargeant de fers. Sarapammon, évêque de la haute Thébaïde, fut banni à cause de sa courageuse résistance ; l'illustre vieillard saint Potamon, dont les deux conciles de Nicée et de Tyr avaient admiré les vertus, fut frappé de verges et mourut de ses blessures, avec la gloire d'un double martyre. Contre tant de violences, Athanase opposait le calme d'un droit inaliénable et d'une conscience invincible. Il écrivit à tous les évêques du monde une lettre circulaire dans laquelle il exposait les faits et les suppliait de ne point communiquer avec l'intrus. Ce devoir rempli, pour ne pas compromettre par un plus long séjour les monastères de la Thébaïde qui lui avaient donné l'hospitalité, il partit pour Rome, où le pape saint Jules 1er le reçut comme un héros de la foi. Le souverain pontife annonça l'intention d'évoquer le jugement de cette affaire à son tribunal. A cet effet il indiqua, pour l'an 342, un concile à Rome même, et il envoya deux prêtres, Elpidius et Philoxène, aux Eusébiens, pour leur donner l'ordre de s'y rendre. Les Eusébiens retinrent les légats plusieurs mois, sous divers prétextes. Ils finirent par les congédier en les chargeant d'une lettre où ils parlaient en termes équivoques de leur respect pour le Saint-Siège, et déclaraient qu'il ne leur était point possible de se trouver au concile de Rome, dont l'époque était trop rapprochée. Ce concile était déjà réuni quand Elpidius et Philoxène arrivèrent. Il se composait de cinquante évêques d'Italie, d'Afrique et des Gaules, qui admirent unanimement à la communion de l'Église saint Athanase, Marcel d'Ancyre et Asclépas de Gaza, déclarant nulle la nominaiion des intrus qui les avaient dépouillés de leurs sièges.