Darras tome 9 p. 484
§ V. Exil de saint Athanase.
27. Constance savait mener de front les affaires de l'État et celles de l'Arianisme. Athanase avait attendu à Alexandrie, avec le calme de la bonne conscience, que l'orage vînt fondre sur lui. Dès l'année 333, les Ariens avaient fabriqué, sous son nom, une fausse lettre à l'empereur Constance, où le patriarche était censé demander la permission de venir à la cour. Constance lui envoya aussitôt un officier de ses gardes avec une réponse qui accordait la demande et toutes les facilités pour le voyage. Saint Athanase, qui n'avait rien sollicité, comprit le piège et demeura au milieu de son troupeau bien-aimé. Depuis, les événements s'étaient précipités, amenant chaque jour un nouveau péril. Les fidèles d'Alexandrie veillaient sur leur pasteur. Aussitôt après l'issue tragique du concile de Milan, un ordre impérial était arrivé à Syrianus, commandant les troupes d'Alexandrie, pour arrêter le patriarche et l'envoyer en exil. Syrianus. assez embarrassé d'une pareille commission dans une ville dévouée tout entière à l'archevêque, montra le rescrit impérial et jura de ne le point exécuter avant le retour d'une députation qu'il envoyait à Constance, pour le supplier de
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revenir sur sa première détermination. Cette promesse solennelle, suivie d'une vingtaine de jours écoulés dans le calme le plus profond, endormit les inquiétudes et fit cesser tout soupçon. Mais, le 7 février 356, vers minuit, l'église de Saint-Théonas, où tous les fidèles s'étaient réunis à Athanase pour les vigiles d'une fête solennelle (probablement celle qui inaugurait le carême de cette année), fut tout à coup cernée par une troupe de cinq mille soldats païens sous la conduite de Syrianus. On brisa les portes ; les soldats en armes pénétrèrent dans la basilique, les trompettes retentissantes interrompirent le chant pieux des psaumes ; les flèches volaient dans l'immense assemblée, frappant au hasard leurs victimes ; les lances et les épées nues brillaient d'un éclat sinistre au milieu d'une multitude sans défense, perçant les femmes, les vieillards, les prêtres, les vierges consacrées au Seigneur. Le peuple s'enfuit en tumulte par toutes les issues; les soldats poursuivaient les fugitifs et massacraient toujours. Athanase seul ne quittait point la chaire où il était assis. Les clercs le supplièrent de songer à son salut. « La place du pasteur est au milieu du troupeau! » répondit ce grand homme. Enfin, ses prêtres l'entraînèrent de force et voulurent se frayer un passage à travers la foule des soldats et de leurs victimes : mais Athanase, heurté de tous côtés, étouffé dans cette multitude, tomba évanoui ; on l'emporta comme mort. Par une sorte de miracle, il échappa à toutes les recherches de ses persécuteurs, et, peu de jours après, il était au désert parmi ses bien-aimés religieux, qui le reçurent comme un ange du ciel. Il n'y retrouva plus saint Antoine qui venait, le 17 janvier 356, d'aller recevoir, à l'âge de cent cinq ans, la couronne réservée à ses vertus. D'après ses ordres, deux de ses disciples l'avaient enterré dans un lieu qui n'était connu que d'eux seuls. II avait légué en mourant sa tunique de peau de brebis à saint Athanase; et l'illustre patriarche reçut dans l'exil ce présent du père du désert. La persécution continua à Alexandrie, après le départ d'Athanase. Les païens livrèrent aux flammes les vases sacrés et les livres saints, qui furent jetés pêle-mêle dans d'immenses bûchers allumés à la porte des églises. Les femmes et les vierges chrétiennes furent
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indignement outragées, et les Ariens mirent le comble à ces excès, en envoyant pour évêque intrus Georges de Cappadoce, homme grossier, sans aucune instruction et déshonoré par une banqueroute. Il fut mis à main armée en possession du siège patriarcal, pendant le carême de cette année 356. L'Église honore comme martyrs les fidèles qui perdirent la vie en cette occasion. La persécution s'étendit aux évêques d'Egypte, qui pour la plupart étaient demeurés fidèles à Athanase. Seize d'entre eux furent condamnés au bannissement et trente autres chassés de leurs sièges par des intrus. Un édit de l'empereur publié à la sollicitation de Macédonius, évêque arien de Constantinople, déclara criminels de lèse-majesté tous les défenseurs du consubstantiel ; on devait les chasser de toutes les villes et abattre leurs églises. Ce décret fut exécuté avec la dernière rigueur. Les violences qu'il donna lieu de commettre valurent à un grand nombre de catholiques la gloire du martyre.
28. La dernière lettre que saint Athanase écrivit à Alexandrie, avant sa brutale déportation, mérite d'être recueillie par l'histoire. Le siège d'Hermopolis était vacant ; le clergé et le peuple réunis demandèrent pour évêque un saint religieux nommé Dracontius. Mais à peine informé du choix qui était venu l'atteindre d'une manière inespérée, Dracontius s'enfonça dans le désert et résista à toutes les instances qui lui parvenaient chaque jour. Athanase lui députa Hiérax, prêtre d'Alexandrie, et le lecteur Maximus, avec une lettre conçue en ces termes: « Il est beau de refuser l'épiscopat lorsqu'il n'offre que des honneurs sans péril. Mais telle n'est point aujourd'hui la situation. Revenez donc. Vous ne serez pas le seul d'entre les religieux qui ait abandonné la direction d'un monastère où il était chéri, pour recevoir la consécration épiscopale. Sérapion avant nous était abbé d'un monastère; il comptait une génération de cénobites dont il était le patriarche. Vous savez qu'il en fut de même d'Apollos. Vous connaissez personnellement Agathus et Aresto. Il vous souvient d'Ammonius, l'ami et le contemporain de Sérapion. Vous aurez sans doute entendu prononcer le nom de Monitos, évêque de la haute Thébaïde, et de Paul de Lato.
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Tous ils furent comme vous de saints religieux; vous devez comme eux devenir un saint évêque. L'ordination ne les a point rendus pires ; elle a grandi au contraire la couronne de leurs mérites devant Dieu. Combien d'idolâtres n'ont-ils pas convertis? Combien d'âmes arrachées par leurs exemples et leurs paroles aux pièges de Satan? Combien d'ouvriers conquis par eux au service du Seigneur? Ils ont prêché la virginité aux jeunes filles et la continence aux jeunes gens, ils se sont faits tout à tous pour les gagner tous à Jésus-Christ. Ne croyez donc pas les conseillers pusillanimes qui vous disent que l'épiscopat est une occasion prochaine de chute. Evêque, vous pouvez vous imposer, comme saint Paul, la faim et la soif; vous priver de vin, comme Timothée. Je connais des évêques qui jeûnent et des moines qui mangent; des évêques qui se privent de vin et des moines qui en font usage ; des évêques qui font des miracles et des moines qui n'en feront jamais. Combien d'évêques n'ont jamais été mariés avant leur ordination! Combien de moines qui le furent ! Comprenez-le bien, la couronne n'appartient pas à une condition plutôt qu'à l'autre. On la conquiert par les œuvres. Hâtez-vous donc. Le peuple d'Hermopolis vous attend. La solennité pascale approche. Les brebis demandent leur pasteur. Cessez de résister à la volonté de Dieu. En prétendant sauver votre âme, vous perdriez celles de vos frères. » Heureux âge que celui où il fallait tenir un si rude langage aux consciences timorées qui fuyaient l'immense responsabilité du gouvernement des églises ! Dracontius céda enfin aux ordres du saint patriarche. Il partagea avec lui la gloire de la persécution. Pendant que saint Athanase était arraché à l'amour du peuple d'Alexandrie, le nouvel évêque d'Hermopolis était déporté dans le désert de Clysma, sur les bords de la mer Rouge.
29. Constance voulait des approbations épiscopales pour ses exils d'évêques. Il eut l'impudeur de faire présenter son rescrit à la signature des légats bannis eux-mêmes pour la foi catholique. Cette démarche injurieuse conseillée sans doute par l'eunuque Eusèbe, son mauvais génie, n'eut pas un résultat flatteur pour l'amour-propre impérial. Nous avons encore les deux lettres qui furent adressées coup sur coup au prince persécuteur par Lucifer de Ca-
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gliari. Elles sont empreintes d'une rudesse et d'une fierté qu'explique sans les justifier toujours le caractère de leur auteur, esprit dominant et inflexible qui devait un jour embrasser le rigorisme de Tertullien dont il avait le style, et refuser systématiquement l'absolution dernière aux pécheurs publics, malgré leur repentir. Dans ces lettres, l'empereur ne trouvait ni les formules respectueuses de « Majesté, » ni les adulatrices appellations d' «Éternité. » Il y rencontrait simplement son nom propre, son vocable patronymique, sans autre adjonction officielle. Cela seul dut faire frémir tous les courtisans et leur arracher un cri d'indignation. « Constance, disait l'évêque exilé, vous prétendez nous enjoindre par autorité de justice à souscrire la condamnation d'Athanase, notre frère. La loi divine s'y oppose. Votre pouvoir impérial ne se contient plus dans ses bornes légitimes. Vous voulez que des ministres de Jésus-Christ assument la responsabilité de sang innocent que vous faites répandre ; jamais vous n'y réussirez. Vous avez condamné Athanase sans l'entendre ; vous l'avez condamné, ce qui pis est, malgré son innocence notoire, proclamée, reconnue. Croyez-moi, Constance, la dignité impériale dont vous êtes revêtu ne vous donne pas le droit d'impunité. Il vous plaît d'assouvir votre vengeance contre un innocent; il vous plairait davantage que les ministres de Jésus-Christ consentissent à trem-per avec vous leurs mains dans le sang de cet Abel nouveau. Notre résistance vous exaspère ; vous tenez le glaive suspendu sur nos têtes. Bourreau ! Ne savez-vous pas que pour le nom de Jésus-Christ nous sommes prêts à donner, non pas une, mais mille vies ? Chrétiens, nous ne craignons pas votre épée, qui ne pourrait que nous envoyer plus vite au royaume des patriarches, des prophètes, des apôtres et des martyrs ! Soldats de Dieu, nous ne tremblons pas devant votre règne caduque et éphémère. Vous nous dites : Embrassez mon idolâtrie ; si Athanase n'est pas l'ennemi de Dieu, il est le mien ; cela doit vous suffire! — Empereur, votre sagacité est ici en défaut. Le bien peut-il être le mal, ou réciproquement? Non sans doute. Et pourtant Athanase, le plus vertueux des hommes, passe à vos yeux pour le plus vil des criminels. Où est la logique ? Croyez-vous par hasard pouvoir créer le
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mal ou le bien, l'innocence ou la vertu par décret? Tout est contradictoire dans vos paroles et dans vos actes. Vous faites profession d'aimer la vérité et la vertu, vous n'êtes qu'un hérétique et un persécuteur. Est-ce que Dieu peut être avec Georges, son ennemi, Georges que Dieu n'a pas ordonné, Georges que Dieu n'a pas élu? Georges et Arius sont même chose. Valense et Ursace ne valent pas mieux qu'Arius et Georges, Avec qui Dieu est-il? avec Athanase. Et c'est Athanase, le pasteur légitime, que vous persécutez ! Quelle religion voulez-vous donc suivre ? Vous avez rompu tous les sceaux de l'impiété ; il ne vous suffisait plus de l'incrédulité privée, vous avez voulu afficher le blasphème par édit ! Il est temps de rompre avec les Ariens vos complices. Dieu vous pardonnera, le jour où vous ouvrirez les yeux à la vraie lumière. Mais si vous persévérez obstinément dans le sentier de l'injustice et de l'erreur, si vous continuez à torturer les serviteurs du Christ, vous trouverez un jour le véritable maître que vous aurez servi. Satan se chargera de vous récompenser éternellement 1. »
30. Il faut avouer que ce tonnerre était de force à réveiller la conscience la plus profondément endormie. Mais celle de Constance était morte. L'adulation arienne l'avait tuée. Il se fit lire cette première lettre, l'écouta patiemment jusqu'au bout, et sourit d'un air nonchalant à ce style qui le distrayait un peu de la fade monotonie des éloges dont sa cour l'abreuvait. Lucifer de Cagliari, étonné peut-être qu'on ne lui eût pas envoyé à Germanicia, lieu de son exil, une sentence de mort en guise de réponse, revint à la charge. «Vous osez, Constance, disait-il, solliciter la souscription des évêques exilés à vos actes tyranniques. Vous tendez vos mains impuissantes vers des proscrits qui souffrent pour la vérité et dont l'Évangile a d'avance proclamé la béatitude. Écoutez la parole que Dieu vous adressait par la bouche de Jérémie le prophète : « Le saint d'Israël a vu les crimes de cette génération perverse. Quiconque a mangé du fruit d'iniquité en mourra. » Voilà ce qu'il disait ce grand Dieu. Et moi je vous dis : Constance, si vous ne
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1. Lucifer Calaritannfc lib; I, ad Ouatant.* pauim t Pair, lat., tom. XUI, «ol. 818-8S2.
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mettez un terme à vos iniquités, la vengeance céleste éclatera sur vous. Avez-vous juré de transformer la maison da Dieu en une caverne de voleurs? Les chrétiens doivent-ils disparaître du monde, pour qu'il n'y ait plus que des Ariens? Menteur et homicide, vous mentez en articulant contre Athanase des accusations calomnieuses; vous mentez en décorant du nom de catholicisme l'hérésie d'Arius et en donnant au catholicisme le nom de secte impie. Vous êtes homicide en vous servant de ces mensonges pour faire traquer Athanase par vos satellites, dans l'espoir de le tuer un jour comme vous en avez déjà tué tant d'autres. Pouvez-vous nier que votre conduite à notre égard ne soit exactement celle d'Hérode contre les innocentes victimes mises à mort en haine du Fils de Dieu? Quel crime a donc commis Athanase? Aucun autre que de se déclarer chrétien. Voilà l'unique motif de votre fureur contre ce grand évêque. C'est pour cela que vous prétendez l'immoler à votre vengeance. Il sert Dieu, donc il faut le tuer ! Voilà ce que vous appelez de la prudence, de la sagesse, de l'habileté politique. Au nom de la sagesse, vous faites envahir les églises à main armée ; au nom de la prudence, vous persécutez le peuple fidèle ; au nom de l'habileté, vous abjurez l'Évangile et la foi de Jésus-Christ pour embrasser l'impiété d'Arius! Non ce n'est point de la prudence, c'est un sacrilège. Si vous voulez qu'on vous appelle sage, qui pourra jamais être taxé de folie? Votre habileté ressemble à celle d'un homme dont la demeure serait menacée par l'inondation et qui ne trouverait de meilleure ressource pour se préserver que de se noyer lui-même. Et quel avantage pouvez-vous attendre de cette progression effrayante de crimes qui vous a rendu d'abord menteur, de menteur homicide, d'homicide hérétique? Espérez-vous tromper le Dieu qui sonde les reins et les cœurs? Prenez garde à la parole de saint Pierre à Ananie. A vous aussi je puis l’adresser : « Pourquoi Satan est-il entré dans votre cœur et vous a-t-il poussé à mentir à l'Esprit-Saint? » Êtes-vous donc devenu le complaisant (leno) de la faction arienne? Avez-vous résolu d'endosser tous les forfaits dont elle s'est rendue coupable? Mais peut-être hésitez-vous encore à croire que l'unique motif de la persécution dont nous sommes les victimes, est notre résistance à
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abjurer la foi du Christ pour celle d'Arius? Laissez-moi donc faire appel à vos souvenirs. Le saint évêque de Milan, Denys ne vous avait-il pas promis de juger et au besoin de condamner Athanase? C'était là une grande concession faite à votre impériale volonté. Il n'avait pu se défendre d'éprouver une certaine émotion en vous entendant articuler avec tant d'énergie contre Athanase des griefs qui n'étaient cependant qu'un tissu de calomnies. Mais enfin il était prêt à vous sacrifier Athanase. Et pourtant vous avez envoyé Denys en exil, le jour où ce saint prélat, sommé de souscrire aux blasphèmes d'Arius, répondit à vos menaces par un invincible refus. Et quel titre avait Auxence pour être intronisé de force par vos soldats sur le siège usurpé de Milan? Il est Arien, c'est là l'unique mérite de cet audacieux, véritable peste publique. Constance, écoutez enfin la voix de la justice et de la vérité. Vous pouvez encore dire avec saint Paul : « Je fus un blasphémateur, un tyran, un persécuteur. Mais la miséricorde de Dieu a éclairé mon âme; elle a effacé les fautes de mon ignorance et de mon incrédulité passées. La grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur, avec sa foi et son amour, ont surabondé par-dessus les misères et les faiblesses de l'homme. » Oh ! puissiez-vous enfin vous pénétrer de ces sentiments. De persécuteur, de tyran, de blasphémateur que vous avez été jusqu'ici, devenez un prince cher à Dieu et à l'Église. Avec Paul repentant proclamez la divinité du Verbe, qui règne et régnera éternellement au sein du Père, Dieu sans commencement et sans fin. Confessez la Trinité une, indivisible, coéternelle et consubstantielle du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Embrassez la foi des patriarches, des prophètes, des apôtres et des martyrs. Sinon vous ne pourrez vous en prendre qu'à vous-même, lorsque tombé entre les mains de Satan et de ses ministres infernaux, vous vous repentirez, mais trop tard, d'avoir négligé en leur temps nos avertissements salutaires 1. »
31. Cette seconde épître eut un sort un peu différent de la première. Constance, après l'avoir lue, feignit de la regarder comme
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1. Lucifer Calarit., Pro Allumas, ad Constant., lib. II, pasBim ; Pair, lat^ tom. XIII, col. 881-934.
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un pamphlet apocryphe, qu'un faussaire habile avait mis sur le compte de l'évêque exilé. Le maître des offices reçut l'ordre de s'informer près de Lucifer de Cagiiari lui-même de ce qu'il pouvait y avoii d'authentique dans un factum si outrageant pour la majesté impériale. Nous avons encore le billet de ce fonctionnaire. Il est conçu en ces termes : « Au seigneur très-bienveillant Lucifer, Flotentius. — Un inconnu a présenté en votre nom à notre seigneur Auguste le pamphlet ci-joint. J'ai reçu l'ordre de vous l'expédier. L'empereur désire savoir de vous si c'est bien là l'œuvre que vous avez eu l'intention de placer sous ses yeux. Soyez assez bon pour me donner une réponse catégorique et pour me retourner le factum, qui doit être remis à son Éternité 1. » La réponse de Lucifer de Cagiiari ne se fit pas attendre. Elle était ainsi formulée : « A Florentius, maître des offices, Lucifer évêque. Votre Excellence m'informe qu'un messager accrédité par moi est allé trouver l'empereur de ma part et lui a remis un livre que je lui adressais. J'ai soigneusement examiné l'exemplaire que le maître du palais, Bonosus, vient de me présenter. Je ne puis, très-cher fils, que louer votre prudence en cette affaire. Le manuscrit est très-exactement celui que j'ai destiné à l'empereur. Je n'hésite donc pas un instant à l'avouer et je suis prêt à le défendre. J'espère, avec la grâce de Dieu, qu'en l'examinant avec soin, l'empereur ne se méprendra point sur les véritables motifs qui m'ont inspiré un tel langage2.»